De nombreux théologiens se cassèrent les dents sur le cas du « messie athée ». Élève discret, mais studieux, Illias Faghor suivit un cursus d'ingénierie de la statistique appliquée à l'intelligence artificielle. Son diplôme en poche, il intégra le cabinet d'Amanda Alvarez, une spécialiste de l'enrichissement relationnel de données. Pour Faghor, tout bascula le jour où la MCH commanda un audit sur l'iconographie des grands noms de la mythologie héléenne. Alors qu'il consultait les premières courbes, l'ingénieur eut une épiphanie : avec les moyens en sa possession, il s'imagina sublimer le mythe aarguien en le passant à la moulinette de l'intelligence artificielle. C'est à la suite de cette aventure palpitante qu'il entama de retranscrire le plus fidèlement possible l'histoire des héros aarguiens dans une œuvre magistrale qui l'occupa pour le restant de sa vie. Faghor se garda bien de révéler le secret de son inspiration qui ne fut révélée que plusieurs décennies après sa mort, ce qui lui valut son surnom de messie athée.
« Biographie du messie athée », par Ramaya Dubois, 1209 H.
Le chef du grand bazar et de la guilde des commerçants, aussi nommé le huitième, arriva le dernier sous la yourte du conseil des Dix. Il avait troqué son monocle pour une paire de lunettes fines, comme si les circonstances exigeaient que l'on fasse preuve d'une certaine retenue, que l'on s'abstienne de toute fantaisie. Les neuf autres chefs de clan obéissaient au même principe de sobriété vestimentaire, à l'exception de la doyenne dont la pelisse de soie décuplait la prestance. La frugalité était également de mise. Chaque élu ne pouvait compter que sur un petit verre d'eau et une poignée de fruits secs pour se sustenter. Des bâtons d'encens et quelques bougies se consumaient dans le fond de la pièce circulaire.
Le conseil débuta sous l'auspice d'un exemplaire original du Saint 1182, que le cinquième avait fait venir expressément de la bibliothèque de Haut-Gradin. Protégé par une cloche de verre à l'intérieur d'un caisson à hygrométrie régulée, le magazine reposait sur un coussin brodé rétroéclairé. La bible aarguienne était ouverte à la page du célèbre article dont Hannah pouvait distinguer les premiers caractères du titre, « AARG ». La doyenne sortit la main de sa cape et salua solennellement ses pairs, ce qui marqua le début du conseil.
— Mes chers amis, merci pour votre présence. Certains d'entre vous se demandent pourquoi la civilisée Hannah Freeman se trouve toujours parmi nous. Le fait est qu'elle a parcouru un long chemin pour nous fournir des informations capitales sur les intentions de la Guilde.
— Première, tout ceci n'est pas raisonnable. Je croyais que nous étions tous tombés d'accord au sujet de cette artrake. Suis-je donc le seul à douter de son identité ? lâcha par défi un homme vigoureux semblant sortir tout droit d'un péplum.
— Ton scepticisme est légitime, neuvième. Jusqu'à présent, les bravelevents ont eu raison de se fier à ton pragmatisme et à tes connaissances inestimables du terrain. Mais aujourd'hui tu commets une erreur.
— Comment s'assurer de son honnêteté ? intervint Ishiva en se levant de son coussin.
Sa question n'était pas dirigée contre Hannah, laquelle y voyait au contraire un moyen de désamorcer les attaques des uns et des autres à son encontre.
— Nous avons retrouvé un enregistrement du réprouvé dans ses affaires, révéla la doyenne de Niagarda.
Des cris de protestation firent vibrer la toile de la yourte.
— C'est une espionne de la Coupole ! fulmina le neuvième.
La doyenne brandit un petit appareil brillant dans les airs.
— Ce spintronique retrouvé dans les poches de l'artrake appartient à Faran. Tu peux entrer, émit la première en désignant le rideau de la yourte.
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Le cycle d'Hélios : III. La voix des oubliés
Ciencia Ficciónℹ️Publication des derniers chapitres en coursℹ️ Synopsis 🪐 Peuple des oubliés Peuple clanique ayant investi les Catacombes au cours de la fin du XVe siècle héléen. Il faut agir. Le fléau qui a décimé les premiers colons est sur le point d'être tota...