The Crown On The Blade (Volume 1)

I. Calia

La charrette traverse les chemins de terre pendant que les gardes restent autour de celle-ci. Il doit être aux alentours de midi lorsque l'on sort de la forêt d'un pas régulier.

J'observe, derrière la charrette, la pauvre femme Nythïe qui a encore tenté de s'échapper. Je dois dire que ça doit être la troisième fois en un mois que les pourfendeurs et moi la ramènons au château. Ce n'est même plus drôle.

Je regarde la femme enfermée dans la cage. Le roi ne nous a jamais donné l'ordre ou l'autorisation de dégainer nos armes et la tailler avec. Étrangement, celui-ci répète encore et encore que cette Nythïe doit rester en vie pour des raisons que l'on ignore.

Mais nous, en tant que tueurs de créatures magiques, nous brûlons, détruisons, exécutons ce genre d'être vivant. Tout être possédant de la magie est pourchassé et tué dans notre royaume. Et personne n'a été épargné. Personne, sauf elle.

La Nhythïe a la tête entre ses genoux ramenés contre sa poitrine. Ces yeux aussi grands que ceux d'une mouche nous regardent un par un. Je ne peux pas m'empêcher d'observer la noirceur de son regard. Je n'ai jamais réussi à faire la différence entre l'iris, le sclérotique ou la pupille de cette créature.

Mon regard est toujours sur cette femme, ma main soigneusement agrippée autour de l'arc attaché dans mon dos. Simple précaution. Avec cette créature, on ne sait jamais quand elle va tenter de s'échapper.

Si je dois lui transpercer la jambe ou les ailes pour l'arrêter, je le ferai sans hésiter.

Lorsque l'on traverse le village, nous avons l'impression de rapporter un vieux singe sans poils au château. Les villageois la dévisagent, la jugent et font même des grimaces de dégoût en la voyant.

Un jour, des enfants lui ont jeté des tomates au visage. On aurait dit un pauvre animal en cage. Ce qui est le cas en y réfléchissant bien.

Cette fois, aucun habitant n'est venu lui jeter quoique ce soit. Sûrement, eux aussi, lassés de ses escapades répétées. Je me demande si le roi décidera enfin de lui faire quelque chose de raisonnable.

Peut-être va t'il l'enchaîner ? Lui couper les jambes ou ses ailes délicates comme des feuilles ? Ou peut-être même l'exécuter avant d'empaler sa tête devant le palais ?

Cette pensée m'amuse.

On m'a toujours dit que les Aurās, ces créatures au sang magique, sont des êtres infâmes et égoïstes qui ne pensent qu'à manipuler les humains avant de les dévorer ou les mener à leurs pertes.

L'ancêtre du village m'a souvent raconté, lorsque j'étais petite, des histoires horribles et sanglantes au sujet des Aurās.

Ce sont ces créatures qui ont tué mes parents. Leur mort m'a poussée à vouloir me venger en tuant ces choses à leurs tours.

Je n'ai jamais vraiment pu en tuer un. Ce sont souvent mes collègues qui achèvent les Aurās à ma place. Mon rôle consiste, pour le moment, à localiser la proie et à préparer les pièges. Mais je compte bien faire mes preuves et à prouver au roi Arollïus que je suis capable de devenir une tueuse d'Aurās hors pair.

Lorsque la charrette arrive enfin dans l'arrière court du château, deux chevaliers se dirigent vers nous. Je reconnais celui au cheveux blonds. Il répond au nom de Tobias Gorgant. Il serait le chevalier en charge de la surveillance de cette Nhythïe. À ce que je peux voir, il a encore bien travaillé...

Les chevaliers sortent la créature de la cage et la poussent violemment contre Tobias. Celui-ci la prend directement dans ses bras. Je fronce les sourcils.

Beaucoup accusent Tobias d'aimer cette Aurās. Et aimer une Aurās est punit par la loi. C'est le grand-père d'Arollïus qui a décreté qu'il était impardonnable que les humains s'unissent avec les Aurās afin d'éviter de créer des anomalies...
Le prix à payer lorsque l'on s'associe à eux est gros. La famille perd sa fierté, ses terres. Et le traitre, quant à lui, est exécuté devant tout le peuple d'une manière que l'on dit atroce.