LOVERS - Personne d'autre que toi (Tome 3)

Extra 2

Noah Hamilton

            L'alarme de l'ouverture de la porte retentit et je pose un pied dans la salle des visites. C'est un bruit affreux, strident et bref, et pourtant c'est celui qui ressemble le plus à la liberté depuis que je suis enfermé ici. Le gardien referme le battant dans mon dos et m'informe que je peux m'installer à la table du fond, en attendant mes sœurs. J'acquiesce et file rapidement vers l'endroit qu'il m'a désigné. J'ai la tête baissée, je n'aime pas croiser le regard des familles des autres détenus. Il y a trop de détresse dans leurs yeux, trop de colère aussi. Contre le système, contre les gardiens, contre les prisonniers. Je comprends qu'ils nous en veuillent, tous ces gens, ce n'est pas une partie de plaisir de venir jusqu'ici.

Je m'installe à ma chaise en me grattant la nuque. Mes ongles s'enfoncent dans mon épiderme. C'est un tic nerveux que j'avais plus jeune, qui est né après que mon père nous ait abandonnés, ma mère, Maha et moi. Ça s'était calmé pendant mon adolescence, mais depuis que je suis en prison, le geste est revenu encore plus fort qu'avant. Quand je sens du sang sous mes doigts, je me fais violence pour retirer ma main et la coincer sous mes cuisses pour m'empêcher de me gratter. Fallone a tendance à vérifier mon état à chacune de ses visites.

Je tourne ma tête vers la porte, attendant et redoutant qu'elle s'ouvre. Ces moments avec eux sont ma bouffée d'air frais et aussi ma pire angoisse. Ce que je vois dans les yeux des autres familles, je le vois aussi dans le regard de ma famille et c'est insupportable. Insupportable de constater toute la douleur qu'il porte à cause de moi, de ce que j'ai fait. Mon cœur se pince quand je pense à Lili. C'est pour ça que j'ai rompu avec elle, je n'arrivais plus à porter la responsabilité de notre relation, ou plutôt de notre non-relation. La voir arriver avec ses paillettes, son sourire, sa manie de sautiller à la place de marcher, tout ça pour quoi ? Pour aller voir le type qui a ôté accidentellement la vie de son cousin ? Celui qui n'a pas assumé son acte et a fui le pays pendant des semaines ? Le prisonnier incapable de lui rendre la moitié de ce qu'elle lui apporte ?

Je crois que j'aurais préféré que Lili m'en veuille pour Ethan, ça aurait été plus simple à gérer. Je l'aurais perdue pour la vie, mais je l'aurais mérité. Là, c'est encore pire. Bien sûr, rompre avec elle a été une des plus dures décisions de ma vie. « Amour lycéen. » Je ne sais même pas pourquoi j'ai dit ça. Enfin, si. Lui dire la vérité n'aurait pas marché, elle m'aurait convaincu qu'elle est heureuse comme ça, avec ce qu'on a. Elle m'aurait promis qu'elle m'attendrait. Sauf que je l'aime aussi fort qu'elle m'aime et que je ne supportais plus d'être l'égoïste de l'histoire. Lili ne peut pas gâcher les meilleures années de sa jeunesse à attendre un gars comme moi. Je devais lui rendre sa liberté, à défaut de profiter de la mienne.

La porte des visiteurs s'ouvre et Fallone y pénètre avec un gardien. Ma demi-sœur a les cheveux lâchés, ils ont un peu poussé par rapport à la dernière fois. Le blond polaire contraste avec son long Trench-coat noir qui lui arrive aux chevilles. Elle avance dans ma direction, un sourire sur ses lèvres recouvertes d'un violet foncé. Ses yeux brillent de me voir lorsque les miens se teintent lorsque je comprends qu'elle est venue seule.

— Maha n'est pas là, constaté-je alors que Fallone n'est même pas encore installée.

Ma sœur s'apprêtait à s'asseoir, mais elle contourne la table pour venir embrasser le sommet de mon crâne. Sa main se pose dans ma nuque dans le geste et je sens à la tension qui nait dans ses doigts qu'elle a touché l'endroit où je me suis gratté avant qu'elle n'arrive. Fallone retire sa main sans rien dire et vient s'installer sur la chaise en face de la mienne.

— Je suis désolée, elle n'a pas voulu m'accompagner, m'annonce-t-elle.

— Elle m'en veut toujours ?