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   Le soleil avait depuis longtemps disparu lorsque je suis sorti sur le balcon. Je n'avais pas bu assez pour atténuer la douleur, mais mes jambes ont montré de la résilience quand elles ont été ordonnées de bouger, d'où ma position assise sur une chaise en métal, le dos me faisant mal à force de me pencher sur la table, fixant devant moi sans but.

   Mon esprit ne me permettait pas de m'échapper. Deux jours étaient déjà passés mais la plaie était toujours aussi fraîche, sans intention de s'améliorer. Colton avait franchi la ligne que je croyais qu'il était trop bon pour même envisager de s'approcher. L'image de lui s'éloignant était presque identique à celle d'il y a six ans. Sauf que la dernière était floue à cause de mes larmes et écrasée par ma douleur. Cette fois, c'était supportable, alors qu'à l'époque, tout en moi voulait se recroqueviller dans un coin, devant traiter avec le fait que le seul homme que j'aie jamais aimé m'avait frappée.

"Kim !"

Ma tête a pivoté vers la porte.

   Alors c'est cette lumière au bout du tunnel dont on parle constamment. Dès que Colton m'a embrassée, je suis tombée dans les ténèbres infinies, un abîme dont je ne savais pas comment sortir. Interagir avec les enfants était comme une chorégraphie bien apprise ; répétée et jouée à la perfection. Mais maintenant, il était là. Maintenant, j'étais confrontée à l'expression inquiète qu'il arborait en me regardant.

Vulnérable sous son regard, j'ai trouvé quelque part la force de me lever.

   Mes pieds se soulevaient à peine du sol alors que je marchais vers lui. Il se tenait là, me regardant tandis que je lui souriais soulagée avant que les larmes ne montent à nouveau dans mes yeux. Jarred a toujours été mon havre, mais maintenant plus que jamais, j'avais besoin d'abri. Enveloppée dans son étreinte, je savais l'avoir trouvé.

Avec quelques regards échangés entre nous, il nous a ramenés à l'intérieur et a commencé à me faire du café. Je suis restée à l'entrée de la cuisine, regardant la machine.

"Si j'avais su que le fait d'être parti te mettrait dans cet état, j'aurais annulé mes projets", dit-il, souriant d'un air innocent.

   Je lui ai souri en retour. Il était évident qu'il ne savait pas comment agir autour de moi, mais il prenait quand même soin de moi. Sans échanger un mot, nous avons attendu que le café soit prêt. Tasses en main, je l'ai arrêté avant qu'il ne se tourne vers l'escalier. "Je dois te parler."

   Son regard persistant a asséché ma bouche. Je savais qu'il ne m'en voudrait pas d'avoir pris autant de temps pour lui raconter tous les détails de mon passé. Il savait que mes bagages étaient lourds et respectait toujours mon besoin d'espace et de prendre les choses lentement. L'autre nuit, Colton a forcé l'ouverture de la boîte de Pandore et à cause du baiser, je ne pouvais plus cacher la laide vérité à Jarred. Pour ma sécurité, et la sienne, je devais lui raconter toute l'histoire.

   Nous avons laissé nos tasses dans la cuisine et il m'a suivi dans le salon. Pendant que je parlais, il est resté silencieux. Sa bouche était pressée fermement contre ses phalanges. J'aurais pensé l'avoir perdu il y a longtemps s'il n'avait pas eu ses yeux ; la manière dont ils s'assombrissaient alors que ses poings se resserraient, tout en gardant vivant l'éclat des larmes non versées. Pour moi ; pour ce que Colton avait fait à notre famille.

"Qu'a-t-il fait pour toi ?" murmura-t-il, la mâchoire serrée.

J'ai hésité, "Je... Je viens juste de te le dire."

Jarred a secoué la tête.

"Non. C'était avant. Il manque deux bouteilles de vin, l'une est maintenant vide tandis que l'autre a tourné et est assise sur ta table de nuit pendant qu'on parle," remarqua-t-il d'un ton neutre, sans me regarder.

Checkmate (Français)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant