Destins Croisés

Chapitre 1 Un bel été

Je ne devais arriver que le lendemain pour le déjeuner, en même temps que mes parents et les autres membres de ma famille. Du moins, c'est ce qui avait été convenu avec mes grands-parents. Mais cela est, encore cette fois, vraiment plus fort que moi. La joie que je ressens me rend l'attente beaucoup trop insupportable. J'ai reçu la bonne nouvelle mardi et patienter jusqu'à samedi me paraît plus qu'impossible. Quatre jours à trépigner, pour moi qui suis de nature impatiente, c'est une véritable éternité. C'est déjà presque miraculeux d'avoir pu arriver à tenir jusqu'à ce vendredi.

Mon besoin de revoir mon grand-père et surtout de parler à ma grand-mère, est trop important pour attendre plus longtemps. Je partage tout avec ma mamie et je me suis toujours arrangée pour que ma grand-mère soit la première informée de tous les événements importants de ma vie. Bon, à dire vrai, je dois l'avouer, même des choses, au final, assez insignifiantes.

Comme un rituel, tous les dimanches, soit je vais déjeuner dans leur maison d'Obernai soit je passe une à deux heures au téléphone afin de lui raconter ma semaine mais aussi, écouter ma mamie Nicole se plaindre des dernières frasques de Papy Louis. Je pourrais écrire un roman sur ces deux-là. Une saga même.

Sans plus attendre, c'est décidé j'y vais, et après tout, mes affaires sont prêtes et le coffre déjà chargé alors pourquoi partir seulement demain ?

C'est donc sans prévenir personne, et après une journée à peaufiner ma proposition pour le marché de Noël, que moi, la toute jeune architecte paysagiste urbaine, j'attrape mon sac à main, caresse la tête de Moustache, mon chat. Je descends les escaliers en sautant une marche sur deux. Quand je me retrouve enfin sur le trottoir, comme d'habitude, je cherche ma voiture en utilisant le bipper accroché à mon porte-clefs. Ma voiture, garée juste un peu plus loin, me répond en clignotant. Une fois installée sur le siège, je pose mes lunettes de soleil Police sur mon nez et agrippe le volant comme prête pour un rally. A ce moment-là, je suis surtout déterminée et particulièrement heureuse. Je tourne enfin la clé de contact de ma voiture et le moteur se réveille d'un coup en émettant ce vrombissement qui invite au voyage. Il est affiché : 17h04 sur le tableau de bord de ma vieille petite Twingo couleur pomme, quand la voiture se met à avancer !!

Le trajet, depuis Strasbourg, n'est pas trop long. J'ai délibérément évité l'autoroute A35, préférant la route départementale afin de profiter pleinement de la beauté de la campagne alsacienne en cette saison estivale. Je connais le chemin par cœur et j'ai estimé que la distance entre chez moi et ma destination n'est pas suffisamment grande pour que le temps de trajet en soit particulièrement rallongé. Et je sais que j'ai parfaitement raison. De la porte de mon appartement à chez mes grand-parents, je ne mets en général, même pas une demi heure pour arriver à bon port. Ma voiture avance en terrain conquit et chaque virage, sur cette route pittoresque, est un enchantement.

Mes yeux sont grands ouverts et je m'émerveille de tout ce que je vois et m'emplit d'un sentiment de sérénité, malgré le filtre sombre de mes lunettes rondes. Mon bonheur de revoir ma famille est tel que je me mets à chanter en duo avec Clara Luciani, mon crush musical du moment. Et c'est en massacrant à tue-tête un texte que je fredonne habituellement, que j'aperçois déjà le mur de pierre de la maison de mon papy Louis et ma mamie Nicole.

Je viens tout juste d'arriver dans la propriété ancestrale de mes grands-parents, située un peu au nord de la charmante petite ville d'Obernai. L'héritage de cette maison, aux racines familiales, remonte à plusieurs générations, transmis à la famille du côté de mon grand-père qui en a pris grand soin. Aujourd'hui encore, je me sens privilégiée d'être là, dans ce lieu chargé d'histoire et de souvenirs. Ici, je sais que je suis toujours la bienvenue. Et ce, en toutes circonstances. J'ai souvent profité de cette hospitalité.