Scène IV
Arnolphe, Alain, Georgette.
ALAIN
Monsieur...
ARNOLPHE
Approchez-vous ; vous êtes mes fidèles,
Mes bons, mes vrais amis ; et j'en sais des nouvelles.
ALAIN
Le notaire....
ARNOLPHE
Laissons, c'est pour quelque autre jour
On veut à mon honneur jouer d'un mauvais tour ;
Et quel affront pour vous, mes enfants, pourrait-ce être,
Si l'on avait ôté l'honneur à votre maître !
Vous n'oseriez après paraître en nul endroit ;
Et chacun, vous voyant, vous montrerait au doigt.
Donc, puisque autant que moi l'affaire vous regarde,
Il faut de votre part faire une telle garde,
Que ce galant ne puisse en aucune façon...
GEORGETTE
Vous nous avez tantôt montré notre leçon.
ARNOLPHE
Mais à ses beaux discours gardez bien de vous rendre.
ALAIN
Oh vraiment !
GEORGETTENous savons comme il faut s'en défendre.
ARNOLPHE
S'il venait doucement : Alain, mon pauvre coeur,
Par un peu de secours soulage ma langueur !
ALAIN
Vous êtes un sot.
ARNOLPHE
(À Georgette.)
Bon. Georgette, ma mignonne,
Tu me parais si douce et si bonne personne...
GEORGETTE
Vous êtes un nigaud.
ARNOLPHE
(À Alain.)
Bon. Quel mal trouves-tu
Dans un dessein honnête et tout plein de vertu ?
ALAIN
Vous êtes un fripon.
ARNOLPHE
(À Georgette.)
Fort bien. Ma mort est sûre,
Si tu ne prends pitié des peines que j'endure.
GEORGETTE
Vous êtes un benêt, un impudent.
ARNOLPHE
Fort bien.
(À Alain.)
Je ne suis pas un homme à vouloir rien pour rien ;
Je sais, quand on me sert, en garder la mémoire :
Cependant, par avance, Alain, voilà pour boire ;
Et voilà pour t'avoir, Georgette, un cotillon.
(Ils tendent tous deux la main, et prennent l'argent.)
Ce n'est de mes bienfaits qu'un simple échantillon.
Toute la courtoisie enfin dont je vous presse,
C'est que je puisse voir votre belle maîtresse.
GEORGETTE, le poussant.
À d'autres.
ARNOLPHE
Bon cela.
ALAIN, le poussant.
Hors d'ici.
ARNOLPHE
Bon.
GEORGETTE, le poussant.
Mais tôt.
ARNOLPHE
Bon. Holà ! c'est assez.
GEORGETTE,
Fais-je pas comme il faut ?
ALAIN
Est-ce de la façon que vous voulez l'entendre ?
ARNOLPHE
Oui, fort bien, hors l'argent qu'il ne fallait pas prendre.
GEORGETTE
Nous ne nous sommes pas souvenus de ce point.
ALAIN
Voulez-vous qu'à l'instant nous recommencions ?
ARNOLPHE
Point.
Suffit. Rentrez tous deux.
ALAIN
Vous n'avez rien qu'à dire.
ARNOLPHE
Non, vous dis-je ; rentrez, puisque je le désire.
Je vous laisse l'argent. Allez : je vous rejoins.
Ayez bien l'oeil à tout, et secondez mes soins.
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L'école des femmes - Molière
HumorEn 1662; Molière crée la surprise avec l'école de femmes . Pourtant le sujet de cette comédie n'est pas neuf : par crainte d'être cocu, un homme, Arnolphe, fait élever une jeune fille , Agnès selon ses principes. Il pense ainsi en faire une femme à...