11-Dans la chambre des Cures Marines.

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Dehors, ils entendent la pluie qui tombe sur la nuit qui s'est effondrée d'un coup. Des grosses gouttes d'eau claquent contre la fenêtre de la chambre. Il n'y a qu'un seul lit. Ils dormiront ensemble cette nuit. Il fait chaud dans la chambre et le matelas lui convient.
- Je vais prendre une douche, annonce t-il.

Elle ne répond pas. Elle le laisse aller à la salle de bains.
Elle est contente de se retrouver seule un moment. Pourtant, étrangement, elle se surprend à penser à lui. Elle l'imagine se dénudant, retirant son slip qu'il laisse glisser le long de ses cuisses et dévoilant sa nudité virile. Puis, il se tient sous l'eau chaude qui lui coule sur la peau. Lentement, luisant sur son corps dur. Elle voudrait avoir le courage de se risquer à nouveau sous la douche avec lui.
Elle doute d'avoir été capable d'être venue seule à
Trouville. Au fond, il n'y a qu'à lui qu'elle aurait pu demander de le faire. Il n'y a qu'à lui qu'elle pourrait l'avouer. Et, quand elle y réfléchit, elle conclut qu'elle est devenue mauvaise, égrise. C'est le quotidien qui a tué sa joie de vivre. Et, sans qu'il le sache, Louis est bien présent à un moment important sa vie, un moment charniére. Il y a que l'homme de sa vie qui peut partager cela avec elle. Elle se trouve dans la ville de tous ses bonheurs et de tous ses drames. Mais tout cela, il ne le sais pas.

Elle fait le vide, là, sur un coin du lit, les mains posées sur ses cuisses. Elle continue à le voir se frotter le corps, le sexe mou qui balance. Elle voudrait redevenir la femme qu'il a connue entreprenante. Elle serait sans doute allée le rejoindre et elle lui aurait fait l'amour. Elle ne sait plus comment faire pour revenir. Elle est devenue fermée, timide, réservée. Elle a peur de se tromper comme dans ses cahiers alors elle ne fait rien.
Peut-être devrait-elle lui parler ?

Quand, enfin, il ressort de la douche, il est nu. Il reste nu et se glisse dans les draps blanc du lit, en laissant dépasser son torse imberbe et plat. Madeleine fait semblant de ne pas le regarder. Dans son ventre, il y a comme une explosion. Elle se lève et part, à son tour, dans la salle de bains sans lui parler.

Là, dans cette chambre, à Trouville, ce soir, elle ne peut pas se dérober. Elle ne pourra pas s'isoler dans une autre pièce pour éviter la conversation. Elle la redoute. Elle est consciente qu'il a fait exprès de ne pas rentrer à la maison.
Elle n'échappera pas à la parole et à l'amour. Elle est consciente que c'est ce soir, à Trouville, que tout bascule.

Il y a le silence. Un silence profond et tendre et, gênant. Un silence immobile. Ils n'osent pas perforer ce silence. Elle s'est allongée à côté de lui, sans le toucher, ni même l'efflorer.
Elle a mis les sous-vêtements qu'ils sont allés acheter avant de se rendre dans la chambre. Chaque geste tremble sous les draps qui ont du mal à se réchauffer.
Il serait plus simple que ces deux-là ne s'aiment plus.
Que leur regard ne perçoive plus une flamme dans les yeux de l'autre. Ils s'inscrivent parmi des couples qui n'osent plus parler, communiquer ou faire des choses drôles et absurdes ensemble. Un couple qui s'est laissé mourir par un quotiden fragile. Ils ne se connaissent pas, ils ne se connaissent plus.

Une chambre à eux. Une chambre belle et triste.
L'atmosphère est encore plus lourde qu'à la maison car chacun attend quelque chose de l'autre. Par reflexe, il se munit de la télécommande et veut mettre en fonctionnement la télévision car il ne supporte pas ce silence entre eux mais il se ravise vite.
Il ne veut pas lui donner l'occasion de ne rien dire. Il voudrait provoquer en elle une réaction dans le silence de la chambre.
Il veut la faire parler en premier car si c'est lui qui prononce la moindre phrase, il sait d'avance qu'elle va souffler ou lui demander de se taire. Alors, il attend. La stratégie de l'attente dans le silence. Il va attendre qu'elle vienne vers lui.
Et, rapidement, dans les minutes longues qui s'égrainent une à une, il sent son regard qui se pose enfin sur lui.

C'est la nuit dehors. Le ciel est percé de pluie. Elle a ouvert la fenêtre et ils entendent le mouvement de la mer. Et, le mouvement du temps qui passe.

Elle dit devant la fenêtre de la pluie :
- Il pleut encore. On rentre demain matin ?
- Aprés le petit déjeuner, on a le temps, je suis en vacances.
- Oui, je me sens fatiguée.
- La journée a été belle.
- Je ne sais pas ce que cela exprime.

Puis, la parole retombe soudainement comme si ils n'avaient vraiment plus rien à se dire. Il y a juste le bruit trés léger de leur respisation. Elle referme la fenêtre. Il sort du lit et va rejoindre le fauteuil face au lit, face à elle. La lumiére de la lampe reste éteinte. Ils sont dans la pénombre.

- Tu n'es pas fatigué, toi ?
- Oui, mais je ne vais pas trouver le sommeil.
- Je suis désolée, je te fais tourner en rond.
- Ce n'était qu'une journée.
- Je suis en train de te parler du quotidien, depuis si longtemps.
- J'essaie de m'y habituer mais je n'y arrive pas.
- Je sais que c'est dur, je suis si dure. Mais, je sais que tu comprendras.
- J'attends que tu expliques.

Elle est revenue dans le lit. Elle s'est endormie. Il s'est approché d'elle doucement, à hésiter à se blottir contre elle, puis a finalement reculé. Elle est apaisée quand elle dort. Il sait que bientôt, elle partira.
Il s'endort longtemps aprés.
Il ne se passera rien dans la chambre des Cures Marines.

Emmène-moi à Trouville Où les histoires vivent. Découvrez maintenant