Chapitre 23 - L'autre facette d'Emile

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Émile était là, le visage menaçant et décidé, fixant son prisonnier et cette fille qu'il ne reconnut pas sur l'instant.

La pauvre Anna était à terre, inconsciente, et François était toujours solidement attaché et sans énergie. Ils étaient des proies faciles pour ce psychopathe.

Il s'approcha lentement des deux victimes, d'un pas assuré, et dit avec un sourire narquois de victoire :

— Alors comme ça on vient libérer ma p'tite poule aux œufs d'or ? T'aurais pas dû t'aventurer ici jeune fille ! Tu sais pas ce qui t'attend ! Et il est où le GéGé ?! Qu'est-ce qu'il fait !? Il m'appelle en pleine nuit pour me parler de son chat qui fait du bruit et de fantômes qui font tomber les livres et en jetteraient même sur lui ! Il délire ce pauvre Gérard ! Ou alors c'est toi, fillette, le petit fantôme qui terrorise mon ami !? Mais il est où bon sang ?! GÉRARD ! GÉRARD ! MON GÉGÉ !

Ces cris réveillèrent Anna de son demi-sommeil. Elle était tombée au sol sur les clés. Elle comprit le danger et prit la clé la plus pointue et la plus acérée pour se défendre contre l'agresseur.

Émile ne savait pas pour son ami. Il n'avait pas dû voir son corps en bas des escaliers. Il avait dû venir directement voir si son petit prisonnier était encore là.

Anna lui tint tête et lui balança d'une voix moqueuse :

—  Emile ! Ton p'tit Gérard il est mort ! Cané ! Kaput ! Et c'est bien fait pour lui ! Il f'ra plus d'mal à personne ! T'es tout seul maintenant ! Crétin !

Émile ne reconnut toujours pas Anna, la correctrice à qui il avait envoyé les manuscrits de François.

— Quoi ? Mort !? Impossible ! Pas GéGé ! Pas lui ! Tu mens ! sale serpent !

— Va le voir ton pote ! Il est en bas de l'escalier, répliqua Anna.
Il voulait nous tuer mais il est plus très frais maintenant je pense !

Émile tourna les talons et fila droit vers le marbre de l'escalier qui servait maintenant de pierre tombale à son complice.

Anna le suivit pleine de courage et voulut profiter d'un moment de faiblesse de l'ennemi.

— Nooooooon ! C'est pas possible ! GéGé ! hurla Émile devant le corps sans vie de son meilleur ami. GERARD ! Vous l'avez tué !!

Anna rétorqua sur un ton provocateur plein d'assurance : 

— Non ! on a pas eu besoin ! Il est mort tout seul ton pote ! Il s'est cassé la figure dans son maudit escalier ! C'est le destin ! Il a séquestré et torturé un innocent, un auteur génial et talentueux dans sa cave, enchaîné comme un animal ! Il a été puni par les dieux ton GéGé ! C'est le karma !

Émile succomba à son émotion, prit Gérard dans ses bras et lâcha de grosses larmes. Anna se jeta sur l'occasion. Elle attrapa un gros livre et asséna un coup sur la nuque du pleurnicheur, qui s'écroula dans un cri étouffé, à côté de son ami. Le livre tomba à terre. C'était une magnifique édition reliée de La Bible avec une couverture en cuir pleine d'enluminures dorées !

— La foudre divine s'est abattue sur toi aussi Émile ! Tu vois ! C'est ça le karma, le retour de flammes ! ironisa-t-elle.

Elle trouva des vieilles cordes et du Scotch pour ficeler Emile et elle le laissa là, dans le cirage, pieds et poings liés.

Elle courut vite retrouver François qui n'avait rien vu de toute la scène. Elle prit toutes les clés qui étaient par terre et les essaya encore une par une pour ouvrir le cadenas. Aucune ne correspondait.
Anna s'énerva et cria sans retenir sa voix.

Mais c'est pas vrai !  ! Mais où est-ce qu'il l'a mise cette foutue clé ?

Elle voulut encore essayer mais elle s'arrêta et prit le temps de réfléchir.

Si j'avais un prisonnier et que la clé du cadenas était très importante, où est-ce que je la mettrais cette maudite clé ?

...

Bon sang mais c'est bien sûr ! fit-elle avec ardeur.

Elle remonta les marches de la cave 4 par 4 et fonça vers Gérard. Elle fouilla ses poches, sûr d'elle... fouilla encore...

Mais rien ! Toujours rien !

Elle vit alors autour de son cou brisé une petite ficelle. Elle tira le collier de fortune et découvrit une grosse clé épaisse et brillante.

C'est ça ! cria-t-elle de joie . C'est ça ! C'est elle ! Je l'ai ! Ça y est ! C'est sûr ! Cette fois c'est la bonne !

Elle retourna à toute allure près de son prince charmant. Le gros cadenas s'ouvrit enfin et s'écrasa au sol dans un bruit retentissant de métal, entraînant avec lui dans sa chute les chaines infernales.

Anna avait risqué sa vie pour lui, juste pour ce qu'il avait écrit. Elle adorait sa plume et elle était prête à s'envoler avec lui !

Son âme romantique lui avait donné une force incroyable, inimaginable, et lui avait fait franchir tous les obstacles vers l'objet de son amour.

Pourtant, elle ne connaissait même pas son prénom.

Elle était penchée sur lui, le regardait comme on regarde un enfant, avec des yeux pleins de bienveillance et d'affection.

Il ouvrit enfin les yeux et avait devant lui le plus beau et le plus aimant des visages, radieux, lumineux, souriant, plein d'amour et de bonté, de force et de beauté. Il était tombé sous le charme, subjugué, hypnotisé.

Il voulut se lever mais il se sentit trop faible et il retomba par terre.

— Attends ! je vais te chercher de l'eau ! lui dit Anna pleine de douceur en le remontant un peu pour qu'il s'assoie.

Elle remonta et trouva vite une sorte de petite cuisine sale où trainaient les couverts de la veille. Elle ouvrit le frigo et y trouva au milieu des bières et des pizzas entamées et desséchées une petite bouteille d'eau neuve. Elle la prit et sortit en vitesse de la pièce en faisant presque tomber un chandelier massif d'un autre temps, où étaient gravés les cavaliers de l'apocalypse et où se consumaient quatre longues bougies.

Elle dévala l'escalier sans tomber, et porta immédiatement la bouteille à la bouche de François. Il but comme un enfant assoiffé, goulument, avidement  ! Anna était encore plus touchée par le jeune homme au cœur pur. Elle fixait amoureusement de ses grands yeux bleus ses pupilles brunes et profondes. Il était vidé, exténué, mais il souriait comme jamais auparavant ! Il souriait de tout son cœur, de tout son être. Le bonheur était là, enfin, et s'appelait Anna.

Il tendit sa main glacée et tremblante vers elle, avec une douceur infinie malgré sa grande fatigue. Elle l'attrapa aussitôt entre ses grands doigts fins et chauds. Leurs cœurs battaient ensemble plus fort que des tambours de fanfare, non plus de terreur ou d'angoisse, mais par la plus belle chose qu'il y ait sur Terre : l'Amour, avec un grand A, comme le A de Anna.

Ils étaient épuisés tous les deux.
Il posa sa tête sur son épaule et lui balbutia, le souffle court :

— Je...je m'appelle ...François.

-— Bonjour Francois ! moi c'est Anna ! dit-elle amusée.

— A...Anna... c'est très joli ! Et je ... je te trouve... toi aussi ... très jolie ! Ses mots avaient du mal à sortir avec le trop plein d'émotion et d'épuisement.

— Merci François ! c'est gentil ! Tu n'es pas mal non plus ! Hi hi !répondit-elle le rouge aux joues comme une adolescente.

— Tu ...m'as ...sauvé la vie Anna ! Je ne ...te remercierais jamais assez ! Que puis-je... faire pour toi en retour Anna ?

Elle le regarda longuement, prit quelques secondes pour réfléchir, se mordit se lèvres et d'un coup son regard s'illumina :

— Ferme les yeux François ! Lui murmura-t-elle d'une petite voix mutine.

Il se laissa aller en toute confiance, et elle vint poser ses lèvres doucement sur les siennes.
Ce baiser était chargé de toute la chaleur de son affection, comme François n'en eut jamais reçu de toute sa vie. C'était ce genre de baiser qui recharge toutes les batteries, qui redonne du courage et de l'espoir en l'avenir, et qui vous transporte au paradis ! Un ange était venu chercher François.

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