Chapitre 1 : Un nouveau voisin

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"Voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui, je souperai avec lui et lui avec moi" - Apocalypse 6 :3

- 4 ANS AUPARAVANT –

Le bruit d'un lourd meuble qu'on faisait dégringoler dans les escaliers me réveilla. Dans le bâtiment où je vivais, l'animation était loin d'être un tourment quotidien. Et ce capharnaüm suivi de cris avait su apporter son lot d'événements pour les cinq prochaines années. Mes yeux se portèrent vaguement sur mon portable pour observer l'heure. La lumière de celui-ci m'aveuglait avant qu'il ne délivre à mon regard l'information que je cherchais. 6H13. Un lourd soupir s'échappa de mes lèvres. Qui pouvait se permettre de faire du bruit à une heure pareille ?

Délibérément, je replongeai dans mon sommeil peuplé d'une course de voitures, lorsqu'un nouveau bruit parasite m'y détourna. Cette fois, j'eus le droit à un frappement à ma porte. Une personne était décidée à anéantir mon temps de sommeil. 

Je me levais donc d'un air morose vers la porte pour l'ouvrir. Un jeune homme de mon âge, sûrement étudiant aussi, se présenta à moi, embarrassé. Derrière lui, un fauteuil s'était retourné et bloqué dans les escaliers. Et au vu de sa main collée à son épaule, il avait dû douiller en l'échappant.

- Hum, excuse-moi de te déranger, mais je viens d'emménager ici, répondit-il à mon regard interrogateur.

Il pointa du doigt la porte voisine à la mienne. Je compris donc qu'on serait souvent amené à se croiser ce blondinet et moi. 

- Peux-tu m'aider ? Je n'arrive pas à le sortir de là, disait-il en parlant bien entendu du fauteuil.

Personnellement je n'avais aucune envie d'aider ce malheureux en un si « bon matin ». Mon épaule rencontra le cadre de la porte pour m'en servir d'appui.

- Pourquoi emménager si tôt ? Lui demandais-je d'une voix grave, mal réveillée et d'un esprit quelque peu rancunier.

- J'ai eu des complications personnelles et je n'ai que maintenant pour déménager. Je suis désolé de t'avoir réveillé. J'ai pu monter les quatre premiers étages sans trop de bruit, mais je me suis pris les pieds dans une marche, et le poids du fauteuil s'est retourné contre moi, balbutia-t-il ses excuses. 

Sa main autrefois sur son épaule se déplaça vers sa nuque. Il était évident que sa fierté prenait un coup de demander de l'aide à une personne qu'il avait importuné. J'observais à nouveau le fauteuil qui bouchait les escaliers étroits. Il allait bien falloir agir, cela ne pouvait pas rester comme ça. Agacé, je me redressai et d'un mouvement de la tête je lui fis comprendre que j'allais lui apporter de l'aide.

- J'arrive, attends-moi.

Le laissant dans le couloir, en refermant la porte derrière moi, je délaissai mes pantoufles et ma robe de chambre, pour les troquer contre des chaussures. J'avais l'étrange sensation, que j'allais devoir soulever le fauteuil seul, tandis que Monsieur « je déménage le matin », regarderait gentiment. Je pris néanmoins le temps que je voulais, en passant dans la salle de bain pour ne serait-ce qu'un brin de toilette. En m'observant dans la glace, je pouvais constater que mes cheveux noirs commençaient à graisser, et que ma barbe qui séjournait depuis cinq jours autour de ma mâchoire devenait trop apparente à mon goût. Je n'avais malheureusement pas le temps de m'occuper de ces problèmes proprement, alors en attendant, je glissais simplement mon visage sous l'eau, l'éclaboussant à l'aide de mes mains. Malgré ce bref brin de toilette, il fallait croire que mes cernes matinaux ne me quitteraient pas de sitôt. Sous mon œil gauche, une cicatrice bien droite, rougeâtre malgré les semaines passées, soulignait celui-ci. L'accident avait bien failli emporter mon œil dans le vif de l'action. La blessure offrait presque un effet d'optique à mon visage, comme si elle était le prolongement de mon œil comme le font les femmes et leur eyeliner. Je ne l'aimais pas particulièrement, mais je n'avais d'autres choix que de l'aborder. Elle n'était plus qu'un signe supplémentaire de ma bêtise à vouloir jouer les quatre cents coups. Mine de rien, ce dernier accident me fut suffisamment marquant pour ne pas risquer de le renouveler. 

La Course vers le RoyaumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant