« Ce sont des écueils dans vos agapes, faisant impudemment bonne chère, se repaissant eux-mêmes. Ce sont des nuées sans eau, poussées par les vents, des arbres d'automne sans fruits, deux fois morts, déracinés. »- Jude 1 :12
J'étais dans le train depuis plus d'une demi-heure, et malheureusement pour moi le trajet vers chez mes parents était loin d'être terminé. Assis dans un wagon plutôt calme, j'observais le feuillage d'automne porté par le vent, s'écraser au sol à notre passage. Le paysage était rougeâtre, pluvieux et froid. À quelques rangs à côté de moi, une vieille dame aux cheveux roux lisait son magazine. Elle était divinement faite pour cette saison.
Avant de partir, j'étais de nouveau passé à mon appartement afin de nettoyer les bouts de verre. J'avais appréhendé d'y retourner. Mais finalement, tout c'était bien passé et j'avais pu préparer mes affaires pour le week-end. Cela faisait bientôt cinq mois que je n'avais pas revu ma famille. Retourner dans ce lieu où j'avais grandi me créait un certain malaise. Même si mon frère et moi avions grandi dans un même milieu, nous étions devenus si différents. Lui une fierté, un trophée et moi une déception, un certain échec. Je savais bien que nos parents nous aimaient l'un comme l'autre, je n'avais pas remis cette valeur en question, mais il était évident que les décisions que prenait Christophe avaient toujours été approuvées et que les miennes au contraire réprouvées. Et même si pendant longtemps, j'étais convaincu que mes choix me guideraient vers le destin que je rêvais, je devais voir la réalité en face et me rendre compte qu'ils n'avaient fait que me causer du tort. L'accident avait su exposer mon entêtement aux yeux de tous, et aux miens aussi. Alors, oui, j'avais honte. Honte d'où mon chemin m'avait mené et je ne pouvais plus supporter le regard des proches, de ceux qui connaissaient la vérité.
Pendant ces cinq mois d'isolement, je cherchais une solution pour réparer mes fautes et de me débarrasser de Garen. À la suite de mon accident, je pensais réellement qu'il allait lâcher prise et ne plus me contacter. Après tout, j'avais frôlé la mort pour lui, enfin pas que, l'argent avait été aussi une valeur importante. Mais qu'avais-je été naïf de penser ça ! Je l'avais si longtemps idéalisé tel un conquérant. Il avait toujours su m'inspirer de la confiance. Une confiance folle et manipulatrice, trompeuse et mensongère. Je lui avais pour ainsi dire tout donné. Oui, je l'avais admiré voir même idolâtré et voilà le résultat.
Mon cœur tambourinait à l'idée d'arriver. Il était prévu qu'ils viennent me récupérer à la gare, ma mère en première ligne. Il ne restait plus que quelques minutes avant mon arrêt, comme venait d'annoncer le haut-parleur. Je commençais alors à rassembler mes affaires et à m'avancer vers la sortie. Le train s'arrêta à ma ville natale et je descendis du wagon.
Même si nous étions dans une ville campagnarde, il y avait pas mal de monde à la gare. Beaucoup de touristes faisaient escale ici avant de reprendre leur route, car on disait qu'il y faisait bon vivre. Certes, était-ce vrai, mais je trouvais qu'il n'y avait rien à faire dans les campagnes où les populations étaient vieillissantes. Et puisqu'il n'y avait aucune attractivité, il était évident que la jeunesse cherchait à rejoindre les grandes villes comme je l'avais fait.
Je passais ainsi entre tous ces gens en tirant ma valise qui me suivrait tout ce week-end. Le pas pressé et le corps agile pour ne renverser personne, je réussis enfin à atteindre la sortie de la gare pour rejoindre le parking. C'était là que je devais retrouver ma famille. Mais comme je m'y attendais, ils n'étaient pas encore arrivés. Nous avions cette réputation d'être toujours ceux qui n'étaient jamais à l'heure. Non pas un retard de 5 minutes, mais plutôt d'un quart d'heure.
Comme prévu, ils arrivèrent plus tard. Ma mère au volant, mon père, s'accrochant ardemment à la poignée du côté passager et mon frère à l'arrière, était lui aussi venu pour m'accueillir. Ma mère s'arrêta brusquement sur une place et sortit immédiatement de la voiture en claquant la porte. Mes poils s'irisèrent en la voyant marcher énergiquement vers moi. Par réflexe, je plaçai ma valise devant moi pour faire barrage, mais cela ne l'empêcha pas de me frapper le haut du bras à plusieurs reprises en criant.
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La Course vers le Royaume
Mystery / ThrillerLes miroirs ne reflètent pas toujours ce que nous sommes. Certains disent que les yeux révèlent ce que le sourire masque : l'âme. Seth sait que l'âme change de couleur, qu'elle danse entre lumière et ombre. Mais celle qu'il a connue le plus longtemp...