Mes derniers jours avant notre mort

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Mercredi soir, à la télé, j'apprends qu'un géocroiseur fait route vers la Terre. Au début, je pense à un vaisseau spatial d'un empire extraterrestre quelconque – je suis mi-rassuré, mi-déçu quand la télé me montre une espèce de gros caillou flottant dans l'espace.

Un très gros caillou.

Un diamètre de dix-neuf kilomètres, assure le présentateur du JT, les sourcils froncés, en se donnant l'air sérieux de celui qui s'y connaît (je suis sûr que lui aussi pensait à un vaisseau spatial extraterrestre au début).

Dix-neuf kilomètres. Waouh. Déjà que les six kilomètres en bus pour aller à mon taf me paraissent interminables, alors dix-neuf... Comment un machin pareil a-t-il pu échapper aux astronomes jusqu'ici ?

L'espace est grand, on rechigne à financer les astronomes, et puis, ce n'est pas un travail facile vous savez, se défend un gus de l'Agence spatiale européenne.

Mon avis est plutôt qu'eux aussi, on les paie à rien foutre.

Quoi qu'il en soit, le présentateur ne prend pas la peine d'expliquer pourquoi on a appelé ce foutu exterminateur Caligula. C'est un nom de chien, ça. Ou d'empereur romain fou. Pas celui d'un astéroïde susceptible de dézinguer l'humanité. Ils auraient été plus inspirés en utilisant des noms bad-ass du genre Armageddon, Melancholia ou Wolf.

D'après le présentateur qui fait semblant de ne pas lire son texte, cet astéroïde géocroiseur est anormalement gros, et il passera anormalement près de la Terre d'ici une huitaine de jours... tellement près, en fait, que sa trajectoire croisera pile-poil la nôtre. Ce qui n'est clairement pas de bol. Surtout quand on nous rabâche que l'univers est immense et que ce genre de catastrophe est carrément improbable.

Tu parles. On voit où ça a mené les dinosaures.

Le présentateur insiste bien sur le sujet, exhorte « ses concitoyens » à ne pas paniquer, puis passe au titre suivant. Hasard ou coup monté, le titre suivant parle précisément du voyage sur Mars et du coup de stress du président des États-Unis qui parle d'accélérer le programme. Mais vraiment de l'accélérer. Pas de date prévue, mais je le soupçonne de vouloir se carapater avant la fin de la semaine pro.

Avant l'impact, quoi.

Je regarde sur Internet : ça blablate beaucoup sur des détails techniques auxquels je comprends que dalle. Puis je tombe sur un YouTubeur qui a l'air vachement calé sur les trucs compliqués. Il a un passif de plus de cinquante vidéos, la moitié ayant des titres plus ou moins incompréhensibles. Ça parle de trucs quantiques, de relativité restreinte et de multivers. La dernière en date traite de Caligula – postée il y a dix minutes, ça pue la précipitation tout ça ; pas bon signe. Le mec déballe sa haine sur les JT, les médias et autres « vendeurs de gros titres » et explique que c'est vraiment très peu probable que ça arrive, inutile de semer la panique. D'après les astronomes « on est large » et, même si un impact est toujours possible, ce serait vraiment pas de chance.

Mouais. Ce n'était pas de chance non plus pour les diplodocus. Et il mesurait combien leur astéroïde à eux ? Autour de quatorze kilomètres de diamètre, estime-t-on sur Wikipédia. Ces quatorze kilomètres ont suffi à battre le record de tsunamis, et encore, il n'y avait pas de centrales nucléaires prêtes à péter à tout moment. Donc, on a beau répéter de ne pas paniquer, l'inquiétude commence à grimper tout doucement. Et puis il y a cette histoire de la Nasa et de la précipitation du voyage sur Mars. Aucun doute cette fois, il y a serpent de mer sous roche.

Au fil de mes recherches, je tombe sur un site permettant de simuler la collision d'une météorite en fonction des critères de notre choix. Des simulations, j'en fais une dizaine, histoire de mesurer nos chances. Je constate, non sans une certaine satisfaction, que deux kilomètres de diamètre suffiraient à raser le pays. Dans un rayon de mille kilomètres, les gens seraient brûlés vif, écrasés ou soufflés.

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