Chapitre 10 : Crépuscule.

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[ 19h44, chez Aro. ]
L'enfant est rentré sans un mot, comme une ombre, une âme a qui on aurait ôté tout goût de vie. Il a retiré son sur-vêtement qu'il a soigneusement posé sur le porte-manteau et s'est enfermé dans sa chambre dans un silence de mort. Sa mère non plus, pas un bruit, et tous deux se sont enfermés dans leurs mondes comme pour déconnecter.










Du silence et du bruit.
Chapitre 10 : Crépuscule.










[ Dimanche, 10h37, chez Aro. ]
La mère est toujours dévasté de l'incident d'hier mais se lève et est déterminée à régler la situation avec son fils. Elle a eu le temps de retourner le problème dans tous les sens mais sait que la communication est la clé de tous leurs problèmes, et qu'il faut juste un peu de temps à Aro pour qu'il le comprenne. Ainsi, elle avance d'un pas décidé jusqu'à la porte d'Aro et toque :
- « Aro... Je suis désolé pour hier, sincèrement, je n'aurais pas dû m'emporter mais je t'assure tout ce que je fais, je ne le fais que pour ton bien. »
- « ... »
- « Aro ? Tu dors encore... ? »
- « ... »
- « Non, impossible... se murmure-t-elle à elle-même. Écoutes, peut-être que tu m'en veux encore pour hier, mais nous devons parler. Plus rien ne va et je n'aime pas ça. Je m'inquiète pour toi et j'ai besoin de réponses ! » crie la mère, désolée.
- « ... »
- « Aro ? »
- « ... »
- « Aro réponds s'il te plaît ? Tu m'inquiètes ?!? »
- « ... »
- « Aro... soupire-t-elle d'une voix désolée et apeurée. J'entre immédiatement. »

La mère ouvre la porte et ne voit pas Aro. Elle sait que l'enfant a l'habitude de partir pour le parc, prendre l'air par exemple, mais jamais il n'est parti sans prévenir. Son cœur s'emballe alors elle regarde son téléphone et rien, pas même un message d'Aro. Les larmes lui montent aux yeux alors qu'elle voit le carnet de son fils, posé sur le lit. Elle craint le pire et se rue sur le petit journal pour le prendre. Une fois le carnet dans ses mains, elle l'ouvre à l'endroit où Aro a laissé un marque-page et commence à lire.


~

Confession n°46.
" Ce n'est jamais qu'un au revoir. "

Il fallait que j'écrive. J'en avais besoin plus que jamais, même si je commençais à croire que ça n'en valait plus la peine, je l'ai fait pour le moi du futur, mais surtout pour ma mère et mes quelques amis.
Tu sais, je passais ma vie à réfléchir, et la plus rationnelle de mes conclusions aura été : " Nous sommes nés pour mourir. " C'était si pathétique de ma part d'écrire quelque chose d'aussi évident, mais oui. À l'instant où nous avons poussé nos premiers cris dans les bras de nos mères alors que nos poumons se remplissaient d'air, notre temps s'écoulait déjà : C'était le début de la fin.

Enfin...

Dans mes précédentes confessions, j'ai souvent vu l'aspect positif de cette conclusion. En effet, quelque part, le fait de savoir que notre temps était compté pouvait et devait / devrait nous inciter à profiter de la vie. On ne vit qu'une fois alors, nous nous devons, ne serait-ce que par égoïsme de vivre par delà nos capacités : je ne veux pas, ou tout du moins ne voulais pas mourir en ayant des regrets.

Jusqu'à aujourd'hui.

J'ai revu ma mère, ma mère biologique. Celle qui m'a abandonné alors que nous jouions à cache-cache. La même que j'ai haï à m'en donner mal à la tête, la même que j'ai tenté de comprendre, et la même, qui m'a annoncé que j'étais le fils d'un violeur.
Alors je me le serais demandé aujourd'hui, à moi, à toi, à nous : À quoi bon vivre maintenant ?
À quoi bon quand le bruit l'a emporté ?
Ces petites voix qui n'arrêtaient pas de me dire à quel point j'étais horrible, dégoûtant, répugnant, indésirable, c'est contre elles que je me battais, c'est pour leur montrer à quel point elles avaient tort que je me battais, c'est pour donner raison à mes proches que je me battais. Parce que j'avais des rêves, de l'amour à donner, de l'espoir pour ma vie et pour ce monde que je me battais. C'est parce que je croyais que j'étais de ceux qui étaient nés pour mourir, et pas de ceux qui étaient nés pour souffrir que je me battais. Toute ma vie n'a été que douleur, amertume et souffrance depuis que ma mère m'a abandonné, mais je me suis battu en croyant qu'après la pluie viendrait le beau temps mais rien. Toujours rien. Ma grand-mère aura eu le temps de mourir, j'aurais eu le temps de tomber amoureux pour avoir le cœur brisé, j'aurais eu le temps de revoir ma mère biologique, et tout ça pour quoi ?

Pour me rendre compte que tout aura été vain.

Alors contre qui je dois m'énerver ? Contre mon père d'avoir violé ma mère ? Contre Dieu de laisser le bruit me consumer à petits feux ? Ou contre moi, d'avoir été naïf de croire que je m'en sortirai ?
En tout cas, l'heure n'est plus aux questionnements, aux remises en question ou aux crises existentielles mais aux réponses, à la liberté et au repos. Je suis fatigué, sincèrement, et je compte m'en aller. En finir une bonne fois pour toutes avec les illusions, les mystères et le bruit.

À ma mère, si la fin s'avérait être funeste, je t'ai aimé, je t'aime et je t'aimerai comme jamais personne ne t'aime. Je te suis infiniment reconnaissant de m'avoir accueilli après la mort de ta mère, je te remercie d'avoir fait ton possible, parce qu'avec toi, ma vie n'aura peut-être pas été qu'un énorme gâchis.

À mes amis : Jade, Zohra, Aïden et Ryan, si la fin s'avérait être funeste, je vous remercie d'avoir été mes amis, d'avoir illuminé ma vie.

Et à toi, Elio, un simple merci, parce que grâce à toi, j'aurais expérimenté l'amour, ou tout du moins ce que je croyais être l'amour avant d'en avoir fini.

Et enfin, à vous tous, si vous deviez garder ne serait-ce qu'une chose de moi, qu'un seul souvenir de ma personne : N'oubliez pas que ce n'est jamais qu'un au revoir.

Aro.

~

Du silence et du bruit. TOME 1 : Prélude.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant