Crescendo [Dark Romance] | SOUS CONTRAT - ÉDITIONS ADDICTIVES

Chapitre trois : Regarde-moi essayer

Isée.

— Salut, maman, murmuré-je. Je sais que ça fait un moment que je ne suis pas venue te voir et je suis désolée. Je ne te ferai pas l'affront de te sortir une excuse à la con. C'est juste que je n'aime pas venir ici, c'est trop... silencieux.

Un frisson traverse mon échine de part et d'autre. D'un revers de main, j'enlève les feuilles qui se sont déposées après un coup de vent sur la petite plaque de marbre blanc. Du bout du doigt, j'effleure délicatement les quatre petites lettres écrites dessus.

ANNA.

Ni nom, ni date, ni autre signe distinctif. C'est papa et Luna, sa défunte femme, qui ont offert à ma maman un endroit où reposer en paix. Il n'y a ni corps, ni cendres en ce lieu. Disposé au fond du cimetière de Salt Lake City, dans un endroit réservé à ceux qui ont vécu et qui sont morts dans l'ignorance la plus totale. Ceux dont on ne sait rien, ceux qui ne comptent pas.

Je n'ai jamais eu la chance de la connaître. Je ne sais que ce que papa, Luna et Mila m'ont raconté sur elle. Il paraît que c'était une femme exceptionnelle, d'une grande beauté, d'un courage et d'une combativité à tout épreuve. Un cœur pur. C'était sa patiente, avant que papa et Luna viennent vivre dans cette ville, et j'aime à imaginer que je l'ai déjà rencontrée. Il m'a dit qu'elle adorait la lune, le bon vin et par-dessus-tout, elle avait hâte de me rencontrer. Malheureusement, elle est morte en couche et c'est sa sœur, Mila, qui m'a gardée jusqu'à ce qu'un nouveau drame arrive. Ce jour-là, Lincoln m'a sauvé la vie. Il m'a ramenée chez lui et avec Luna, ils ont décidé de m'adopter. Ils ne parvenaient pas à avoir d'enfant. Malheureusement, je n'ai connu ma mère adoptive qu'un an avant qu'un cancer foudroyant ne l'emporte. A croire que je porte la guigne. La mort a toujours lévité autour de moi.

— Hier, j'ai cru que j'allais encore perdre l'un de mes piliers. Oh, maman, si tu avais vu l'état de Luca, il n'a jamais paru aussi faible qu'à cet instant. J'aurai tout donné pour échanger nos places et prendre toute sa souffrance.

Même s'il ne me l'aurait sans doute jamais pardonné.

Luca a pris une place éternelle dans mon cœur. Un grand frère, un meilleur ami, pour le meilleur et pour le pire. Il a tant fait pour moi que je ne saurai pas lui rendre ne serait-ce que la moitié. Je ne pourrai jamais me relever s'il venait à mourir, lui aussi. Cet imbécile a fait le choix d'aller sur le terrain avec ses troupes, au lieu de rester sagement dans les bureaux comme le ferait un futur dirigeant. Non, Luca est un leader. Il a ça dans le sang. Ses hommes sont ses frères d'armes, au grand damne de Cole qui préférerait le garder en sécurité. Il n'aurait jamais dû être blessé, putain !

Je serre les dents à cette pensée. Si cet enfoiré de Belzébuth et l'Élite avaient fait leur travail correctement, Luca n'aurait jamais été touché.

Les couleurs de l'automne détendent mon corps crispé depuis hier. Le cimetière n'est pas très loin du dispensaire, alors je m'y suis rendue à pied sur ma petite pause. Je n'ai pas lâché Luca d'une semelle, allant jusqu'à dormir sur le canapé de sa chambre. J'ai baissé les dosages, Luca devrait se réveiller d'ici demain au plus tard. Les scanners sont parfaits. Comme je le disais, il a la tête dure, ce n'est pas une commotion cérébrale qui aura sa peau.

Lorsque j'arrive enfin devant l'établissement, mon sang ne fait qu'un tour en reconnaissant une silhouette que j'exècre par-dessus tout. Tranquillement adossé au mur en train de scroller sur son téléphone, une clope en bouche, le suppôt de Satan sature l'air de sa présence. Habillé d'un cargo noir et d'un t-shirt de la même couleur, il laisse toutes les passantes baver devant sa musculature sans y prêter attention. A moins que ce soit sur l'aura démoniaque qu'il dégage sous son air de bad boy. Le vent qui se lève en ce début de soirée fait voler ses cheveux d'ébène continuellement en bataille, comme s'il se servait d'un paillasson pour se les brosser tous les matins.