Chapitre cinq : Retrouvailles

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Isée.

Ces dernières vingt-quatre heures ont été un véritable supplice.

Je n'ai pas déserté mon poste une seule seconde sous le regard mi-inquiet, mi-blasé de papa. Il n'a cessé de soupirer en me voyant me trimballer dans la chambre de Luca avec mon pied à perfusion, recroquevillée comme une vieille mamie centenaire. Je ne m'autorise une pause que pour pisser et je n'ai pas fermé un œil malgré le poids de mes paupières. Mon corps hurle de douleur, m'implore au repos à chaque seconde qui s'écoule.

Je n'y arrive pas.

Il n'y a que les machines m'indiquant les battements du cœur de Luca qui peuvent m'apaiser. Le remède que nous a fait prendre Belzébuth a été efficace, mais le contre-coup est violent. D'ailleurs, cet épisode a eu le don de nous calmer le temps de quelques heures.

Assis dans un coin de la pièce, Kieran a refusé qu'un autre prenne le relais. Si je le surprends parfois à fermer les yeux, il suffit que j'esquisse un mouvement pour que ses iris métallisés se fixent sur moi brièvement.

Je pourrais croire qu'il veille sur nous deux en même temps si je ne connaissais pas l'intensité de notre aversion mutuelle. C'est la première fois que nous restons aussi longtemps dans une même pièce sans essayer de nous insulter ou de nous entre-tuer.

Luca aurait dû se réveiller aujourd'hui.

Il est encore inconscient. Le poison a retardé son rétablissement et je lui ai évité de peu une infection généralisée. Prise d'un étourdissement, je m'affale dans le petit canapé en me massant les yeux. Bon sang, j'ai eu tellement peur de le perdre à nouveau. À croire que je suis définitivement maudite.

— Tu devrais dormir, lâche Kieran sans ouvrir un œil.

Je soupire d'exaspération.

— Depuis quand est-ce que tu t'intéresses à ma santé ?

— J'ai simplement la flemme de me froisser un muscle en sortant ton cadavre d'ici.

Mes dents se serrent, cependant, ma fatigue l'emporte sur la colère. L'ignorance est le meilleur des mépris, n'est-ce pas ? Je n'ai pas la force de me battre contre ses idioties. Toute mon attention se reporte sur mon frère, dont je rêve de percevoir les prunelles. Un vert émeraude strié de doré. J'ai lavé ses cheveux ce matin et je ne les ai pas rattachés à son éternel chignon haut. Ses mèches de soleil ondulées lui arrivent aux épaules.

Je souris bêtement en me rappelant toutes les fois où j'ai été en colère qu'il ait les cheveux plus doux que les miens. Il faut dire que, depuis la première fois que je lui fais un masque, sous ses protestations, il n'a jamais cessé de le reproduire.

Son visage détendu, à l'opposé de ce qu'il subissait sous l'influence du poison, me fait un bien fou. L'ayant subi moi-même, je sais que ça a été une véritable torture. Même si ça me tue de l'avouer, Belzébuth nous a sauvé la peau.

Machinalement, je me mets à scruter les traits de ce dernier en train de roupiller. Soit ce type est un chat, qui dort où il se pose, soit c'est un fils de narcotrafiquant narcoleptique. Je suppose que de baigner dans la poudre blanche depuis sa plus tendre enfance n'y est pas pour rien. Son père, Andrew Whyte, est le Baron de la drogue le plus influent du pays. Chaque petit revendeur bosse pour lui. Sa famille s'est associée aux Clarke depuis plusieurs générations, faisant de lui le second du Parrain. C'est ainsi que Kieran deviendra le bras droit de Luca, lorsqu'il accédera au pouvoir. Finalement, c'est peut-être parce que Luca est contraint de le côtoyer qu'il fait semblant de l'apprécier ? Ouais, ça doit être ça.

Crescendo [Dark Romance] | SOUS CONTRAT - ÉDITIONS ADDICTIVESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant