CHAPITRE 10

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LIV

Je cours sans oser regarder derrière moi. Il m'a vue, il m'a surprise... Il m'a vue me... Je n'ai trouvé qu'une seule issue : fuir. J'ai confiance en lui ! J'ai confiance en lui... Je... Je le sais... La peau de mes bras me brûle tout comme mes yeux, toujours remplis de larmes.

Mes jambes me mènent dans la forêt à l'arrière de l'immeuble. C'est ici que je me réfugie souvent lorsque je sors de crise ou que je ressens le besoin de la contenir encore un peu plus longtemps. Peu de personnes du quartier connaissent le moyen d'y accéder ; il suffit pourtant d'emprunter la minuscule ruelle entre les deux immeubles et nous y voilà !

L'obscurité de ces journées de fin  d'hiver m'empêchent d'avoir une parfaite vision des alentours, mais je suis venue ici tellement de fois que j'en connais le dessin sur le bout des doigts.

L'air n'entre plus dans mes poumons. Je tente malgré tout d'en accumuler au maximum, les mains sur les genoux. Les larmes coulent sans cesse, inondant mon visage. J'entends les pas de mon ami se rapprocher progressivement. Je veux m'enfuir. Il ne doit pas me voir comme ça ; il en a déjà trop vu en ce qui concerne mon état de santé mentale. J'ai été trop imprudente. J'ai été beaucoup trop vulnérable devant lui et la panique grimpe en moi rien qu'en pensant aux conséquences que ça pourrait avoir. Je force mes jambes à bouger, mon corps à esquisser un pas. Je suis toutefois trop faible pour avancer : ma tête tourne, l'air se fait de plus en plus rare et toutes mes forces me quittent. Je sens mes yeux se fermer, sur le point de m'évanouir. Deux bras m'encerclent, un torse se colle à mon dos pour me soutenir et m'empêcher de tomber. Je reconnaitrais son odeur entre mille tandis que sa respiration chaotique vient s'échouer sur ma nuque. Une légère quantité d'air entre dans mon organisme et mes yeux restent clos. Je me débats à l'aide du peu d'énergie que mon corps possède encore. J'échoue lamentablement ; le châtain resserre sa prise autour de moi, me suppliant d'arrêter de me débattre.

- Calme toi s'il te plaît... Tout va bien, je suis là Liv...

Je ne l'écoute pas et draine mon corps de toute forme d'énergie. Les larmes redoublent sur mes joues, je sanglote en priant tous les Dieux pour qu'il me lâche et ne m'ait jamais vu dans cet état-là. Je me déteste d'être si faible, si vulnérable. Je me déteste tant de l'inquiéter.

- S'il te plaît mon ange... S'il te plait...

J'abandonne. Mes mouvements s'arrêtent net. Mon corps tout entier s'immobilise pendant quelques secondes ; mais les tremblements causés par la panique, eux, ne sont pas près de se calmer. Les mains d'Iwan autour de moi me retournent, lui permettant dorénavant d'observer mon visage. Lorsqu'il voit les larmes qu'il ne pouvait qu'imaginer jusqu'alors, sa main plonge dans mes longs cheveux blonds. Ma tête vient se nicher au creux de son cou, me décidant enfin à lui rendre son étreinte. Foutu pour foutu, autant le laisser me prendre dans ses bras. Son odeur me réconforte et la fatigue se pointe rapidement. Si bien que je pourrais presque m'endormir là, dans la chaleur et la protection de ses bras.

- C'est terminé mon ange, c'est terminé... Je suis là maintenant, je te lâche plus...

Il me caresse la tête avec une douceur que je ne lui aurais jamais imaginé ; il agit seulement dans le but de m'aider à me sentir mieux. Je m'appuie sur lui, le serrant de toutes mes forces contre moi, le souffle court.

- Désolée... Désolée... Excuse-moi...

Le liquide en provenance des ouvertures sur mes poignets ne semble pas vouloir se retenir de couler. Iwan me prend la main, embrasse mon crâne et m'entraine dans la direction de mon appartement.

- T'as pas à t'excuser, pour rien du tout. Je suis là maintenant, tu n'es plus seule Liv.

Je le serre plus fort encore. Je soupire lorsqu'il dépose un nouveau baiser sur mon front humide. Nous remontons dans mon appartement, et je remercie les Nornes des horaires de ma mère ce jour-là. Ma petite sœur, toujours dans sa chambre, me lance un bref « Tout va bien Liv ? » auquel mon ami lui répond de ne pas s'inquiéter. Le châtain aux yeux perçants me conduit jusqu'à la salle de bain que je lui montre du doigt, où il m'aide à m'assoir sur le meuble du coin de pièce. Il fouille dans les placards à la recherche d'une trousse à pharmacie ; qu'il trouve en une trentaine de secondes. Il en sort tout ce dont il a besoin et mon corps se brise de culpabilité. Je baisse les yeux sur mes chaussures, beaucoup trop honteuse qu'il soit obligé de s'occuper de moi comme d'une gamine. Il pose deux doigts sur mon menton qu'il relève, permettant à ses yeux de rencontrer les miens.

- Tout va bien mon ange, il dépose ses lèvres sur mon front pendant quelques secondes avant de planter de nouveau ses yeux dans les miens. Ça va piquer un peu d'accord ?

J'acquiesce et mes yeux se ferment autant que mes mâchoires qui se serrent au contact du désinfectant sur mes plaies. Iwan nettoie mes poignets avec précaution et tendresse. Il enroule délicatement des bandes autour de chacun de mes membres avant de m'attirer dans une étreinte.

- On peut en discuter...S'il te plait ? murmure-t-il, son menton sur mon crâne.

- D'accord...

Il soupire et je me rassure à croire que c'est un soupir de soulagement. Je prie encore et encore pour qu'il ne me déteste pas, qu'il ne veuille pas qu'on termine notre amitié et qu'il m'aime toujours. C'est au moment où il drape une couverture sur mes bras nus après nous avoir installé sur mon lit que je comprends enfin. Il... Iwan n'est pas mon ami... Ni mon meilleur ami ou que sais-je. Je l'aime. Tout devient extrêmement clair dans mon esprit ; je suis amoureuse d'Iwan. Amoureuse de celui qui me considère comme sa meilleure amie.

Il m'attire contre lui, voyant que mon corps tremble encore malgré la couverture qui me recouvre.

- Tu vas pas me dire que tout va bien, n'est-ce pas... ?

Je secoue la tête lorsqu'il prend l'un de mes poignets dans sa main.

- C'est la photo qui t'a poussé à...

- Non ! Non... Enfin pas réellement...

Il me scrute, confus.

- C'est pas moi sur cette photo, Iwan, c'est pas moi je te le jure.

Les larmes refont surface et le grand me serre contre lui.

- Sh... Je te crois.

- Mais, je reprends, personne va me croire au lycée... En plus d'être tout ce qu'ils disent je vais être une... Une...

Il caresse mon crâne et me berce.

- Et si tu commençais par me dire tout ce que tu as besoin de dire ?

Je lève la tête auparavant posée sur son torse, observe ses yeux verts qui m'ensorcelleront toujours pendant un moment. Il m'implore du regard de me confier, de me libérer. Je replace ma tête sur son torse en hochant la tête.

Je soupire et ferme les yeux, sur le point de tout révéler, enfin.



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