CHAPITRE 26

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Le doux baiser qu'Iwan dépose sur mon front plissé par la concentration est suffisant pour me décrocher un sourire plus tendre encore.

J'ai lu il y a quelques temps sur internet qu'écrire pouvait aider à se décharger émotionnellement. Je n'ai jamais été très intéressée de coucher chacun de mes sentiments, chacun de mes tourments sur papier. Mais, pourquoi pas après tout. N'ayant plus été capable de fermer l'œil plus longtemps, je me suis installée devant le bureau de bois de ma chambre, et j'ai commencé à écrire. Je n'écris pas pour moi, j'écris pour que les autres trouvent du réconfort à travers mes mots. Si j'ai mis si longtemps avant de me mettre à ce domaine, c'est parce que je ressentais le besoin d'une longue réflexion. Je cherchais un objectif que j'ai désormais trouvé. Ecrire, oui. Mais écrire pour les autres.

Je souhaite que mon expérience aide ceux qui en font malheureusement les frais. Je désire que ces personnes ne se sentent pas seules. Mais surtout, je voudrais donner espoir à ces gens avec qui nous nous ressemblons tant. L'espoir que ce que les médecins, psychiatres, ce que tout le monde nous rabâche sans arrêt est bel et bien réel. Le temps répare tout. Le temps est maître de la guérison. Le temps qui passe est l'unique facteur qui dirige la guérison.

- Je peux lire mon ange ? Iwan parle doucement, ses mains sur mes épaules, entamant un massage délicat.

Je contemple ses traits détendus, et devine aisément qu'il vient tout juste d'émerger d'un profond sommeil. Je lui souris et lui tends le carnet sur lequel quelques poèmes sont écrits. Il s'en saisit et y jette un coup d'œil attentif. Mes petites créations sont en anglais ; une langue dans laquelle je me sens bien plus à l'aise. Mon estomac se serre dû à la nervosité que je ressens actuellement. C'est peut-être bête, mais l'avis du châtain possède une certaine place, un certain impact dans mon esprit. S'il est le premier à me lire, et qu'il me dit que c'est mauvais, croyez-moi sur parole, je ne risque pas de reposer un stylo sur du papier avant un bon bout de temps.

"I am scared.

Scared isn't a word strong enough to express it.

To express how I think I am not worth it.

I won't ever be enough like I would want to, I'm afraid.

This universe is the most unfair,

To private me to feel the wind through my hair.

How God could it be easier ?

Should I be happier, prettier, skinnier ?

This feeling is making me drown

Pushing me until I won't ever be known."

Son attention s'attarde sur ce poème. Il lève ses yeux émeraudes sur mon visage pour les plonger dans les miens. Il sourit. Son visage s'illumine d'un sourire qui suffit à réchauffer mon cœur pour les semaines à venir. Ce même sourire qui m'a tant manqué au cours de ces derniers mois. J'utilise mes pieds pour faire tourner la chaise à roulettes sur laquelle je suis assise depuis quelques heures déjà, me retrouvant ainsi face à lui. Il me scrute, m'admire, et je ne peux m'empêcher de faire de même. Les beaux jours arrivent enfin, les températures augmentent. Cette dernière était plutôt élevée la nuit dernière, ce qui indique que mon copain est toujours en pyjama, exposant son torse à ma vue. Mes yeux s'attardent sur chacune de ses courbes, des muscles de son ventre, de ses épaules, de son buste. Mes joues prennent une teinte rosée, et je détourne le regard. Après tout, ce garçon torse nu face à moi reste tout de même mon premier petit-ami. J'entoure la taille d'Iwan de mes bras fins et pose l'oreille contre son ventre. Sa peau se couvre de chair de poule tandis qu'il enfouit sa main dans mes cheveux, me faisant soupirer. Je ne pense pas pouvoir trouver plus agréable que la sensation de plénitude que je ressens actuellement.

Il embrasse le haut de mon crâne. Je lui souris amoureusement et pose délicatement mes lèvres sur la peau juste au-dessus de son nombril.

- C'est très beau ce que tu as écrit mon ange, tu m'as caché ce talent... Un rictus amusé prend place sur ses lèvres que j'affectionne tant.

- C'est vrai ? Tu trouves ça bien ? Mes yeux s'illuminent.

Il sourit de plus belle, visiblement fier.

- Je trouve ça plus que bien, Liv... Il m'attire à lui, m'aidant à me relever au passage.

Le châtain pose sur moi un regard emplit de fierté, comme il a l'habitude de le faire, m'arrachant un immense sourire. Son visage s'approche lentement du mien, ses yeux glissant des miens à mes lèvres. Des semaines entières que je n'ai pas senti la douceur de sa bouche contre la mienne, que je n'ai pas senti le contrôle que son souffle mélangé à ma propre respiration détient sur moi. Je commence seulement à ressentir le poids du manque peser sur mes épaules beaucoup trop faibles. Le besoin de réduire à néant l'espace entre nous devient vital, pressé. J'attire son visage contre le mien d'une pression sur l'arrière de son crâne. Les doigts durement vissés dans ses cheveux. Nos lippes se rencontrent enfin. Nous les mouvons dans un baiser plein de non-dits. Mon cœur explose dans ma cage thoracique. Les papillons qui m'ont tant manqué prennent leur envol au creux de mon bas-ventre. Nous sourions comme deux idiots sans pour autant se détacher de l'un ou de l'autre. Je ne peux faire un pas en arrière, mettant de nouveau une distance insoutenable entre notre amour. J'aurai beaucoup trop peur qu'il s'envole si nous nous retrouvons séparés ne serait-ce que d'un mètre.

Un écart de moins de trois centimètres se crée, mon front collé au sien. Nos souffles se mélangent et ne font plus qu'un, mes bras sont enroulés autour de son cou, mes doigts jouent avec les mèches de cheveux sur le haut de sa nuque.

L'alarme du téléphone d'Iwan se met à sonner. Lui comme moi, nous nous mettons à rire, sortis dorénavant de notre cocon. Mon petit-ami se met à chercher la source de l'alarme dans les draps défaits du lit. Lorsqu'il le trouve enfin, il éteint le réveil et m'observe, les joues rougies. Son regard se dirige vers ma bibliothèque. Il aime la contempler, je le sais, puisqu'il me le dit chaque fois qu'il vient. J'arrive dans son dos et pose le menton sur son épaule en enroulant mes bras autour de son torse nu.

- Choisis-en un si tu veux.

Son regard s'illumine comme celui d'un enfant qu'on emmènerait à Disneyland pour la première fois et je lui souris en embrassant son épaule.

- C'est lequel ton préféré, à toi ? Il demande doucement.

Je lui pointe du doigt une tranche noire, qu'il s'empresse de prendre entre ses mains.

- Je vais lire celui-là alors, si c'est ton préféré.

Un sourire qui me fait fondre instantanément orne son visage. Je hoche la tête et m'empare de l'ouvrage que je suis en train de lire. Iwan s'assoit sur mon lit, la tête et le dos contre le mur. J'avance de mon côté vers l'enceinte et y connecte mon téléphone. Je lance une playliste regroupant tous les sons d'Olivia Rodrigo dont nous sommes absolument fans. Je baisse l'intensité du son afin que nous puissions lire, et me blottis contre lui. Un plaid drapé sur nous, son bras autour de moi, chacun un livre dans les mains ? J'appelle cela une matinée parfaite.

Plusieurs heures s'écoulent. Je sens l'estomac de mon copain s'exprimer sous moi, me faisant ricaner. Il rit lui aussi et lorsque je tourne la tête pour le regarder, je le vois se cacher derrière la couverture du livre.

- T'as faim à ce que je vois !

Il rigole et se cache d'autant plus. Je me lève, hilare, éteint la musique et me tourne vers lui. Je l'observe amoureusement.

- Allez viens, on va manger. Je fais une pause et je me dirige vers la porte. T'aimes bien le livre pour l'instant ?

Il me suit hors de la chambre. Je tente de rester concentrée sur ses paroles, malgré la boule qui se forme dans ma gorge, suivie de celle au fond de mon estomac. Je n'aurais qu'à prétendre ne pas avoir faim... 

Life Is Worth LivingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant