Chapitre 6

116 13 0
                                    

6

Nikolaï

Alyssa s'est installée chez sa sœur pendant deux semaines. Deux putains de semaines durant lesquelles Mikhaïl nous a fait vivre un enfer. Sa voix claquait dans la maison du matin jusqu'au soir. Après avoir triplé la surveillance dans Alphabet District, il a reçu les chefs de missions avec ordre d'activer la totalité de leurs contacts dans Portland, à la recherche de Salmanov. Il a lui-même sollicité ses alliés à travers le pays, tandis que je me chargeais des membres de la bratva en poste dans les restaurants et les bars lounge de Portland à Boston. Désormais, ils connaissent tous sa gueule de con.

Salmanov n'est toujours pas réapparu. Le danger latent de cette disparition pour Alyssa, le gosse et sa sœur maintient Mikhaïl sur un qui-vive permanent. Salmanov est assez fou pour ne pas se limiter à l'enlèvement d'une simple secrétaire. La femme du chef de la bratva est un meilleur choix que la secrétaire d'un chef d'entreprise. Avoir à s'inquiéter pour autrui est une première à laquelle il ne s'habitue pas. Lui et moi avons écumé Old Town toutes les nuits à la recherche des derniers hommes du chef tchétchène. Son degré d'inventivité dans ses méthodes de tortures arrive encore à m'étonner. Je l'ai rarement vu pousser un être humain aux aveux avec autant de rage. Il a éviscéré une bonne dizaine d'hommes avant de comprendre que ses victimes étaient prêtes à avouer n'importe quoi pour que cesse le calvaire.

— Bonjour, monsieur Vassiliev, m'accueille une voix féminine à la sortie de ma salle de bains. Bon appétit et bonne journée à vous.

— Merci, Natalia.

Je m'installe au comptoir après son départ, face à mon petit-déjeuner, portable en main. J'ai passé une sale nuit. Ce dimanche matin s'annonce comateux, avec neurones au ralenti et salle de musculation en pause. Les hommes ont réussi à m'entraîner dans leur beuverie hier soir, sous le prétexte facile de fêter les vingt-cinq ans de Vlad. Je sais pourtant ce qui se passe quand je bois trop et que je n'ai pas le temps de décuver avant de me coucher.

Dormir léger, c'était rester vivant. J'ai acquis ça pendant les deux années que j'ai passées dans la colonie pénitentiaire de Pokrov (1). J'y ai perfectionné l'art de la conscience en surface, toujours prêt à sonner l'alerte au moindre signe d'agression. Après ma sortie, j'ai appris à mes dépens les conséquences d'un sommeil trop profond : des putains de cauchemars à réveiller un mort ! Un remake inlassable des pires séances de torture que j'aie eu à subir. Les humiliations et autres bastons n'étaient qu'une partie de rigolade à côté de ce que j'ai vécu pendant ces deux années.

Mon portable annonce l'arrivée d'un SMS, alors que je me verse sans trop trembler mon premier café de la journée. « À l'entraînement, Vassiliev ! » Je sens que ce dimanche ne va pas être comme les autres. Mikhaïl a décidé de passer ses nerfs sur moi. Je ne suis pas en état de tenir le temps d'un round. Je prends un doigt d'honneur en photo sur ma main droite, pouce entre l'index et le majeur (2), et le lui envoie avant de reposer mon téléphone. Cinq minutes plus tard, ma porte s'ouvre sans autre avertissement. Mikhaïl vient s'asseoir à côté de moi, pendant que j'éponge les derniers degrés d'alcool avec un feuilleté aux pommes. Il ne dit rien et se sert un café. Ma mine parle toute seule, il connaît mon histoire mieux que personne, il y était.

Putain, je vais gerber s'il me parle de boulot aujourd'hui !

— Tu as passé une sale nuit, on dirait. Tu veux en parler ?

— Tu n'es pas là pour ça. Crache le morceau.

Il prend le dernier feuilleté dans l'assiette, le partage et place l'autre moitié devant moi. Il prend le temps de mastiquer avant de me répondre. J'ai un mauvais pressentiment. Et je sais qu'il va enrober de miel la sale nouvelle avant de me la servir. Il ne prendrait pas autant de précautions dans le cas contraire.

Le Survivant - la bratva Volkov - tome 2 [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant