Chapitre 3

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Leslie

Je me réveille dans un lit king size, tout habillée, le corps recouvert d'un drap. Aucun de mes membres ni de mes sens n'est entravé. C'est la première chose que je constate. La deuxième étant que je ne suis plus dans la pièce où j'étais retenue par mes ravisseurs. Je regarde autour de moi sans oser bouger, de peur que la porte ne s'ouvre au moindre de mes mouvements. La chambre est spacieuse, les murs crépis de blanc. Trois lithographies représentant le Mont Hood et ses lacs sont accrochées sur l'un d'eux. Je suis toujours à Portland, du moins dans l'Oregon. D'autres emplacements plus clairs montrent que des objets ont été enlevés récemment. Ces détails insignifiants m'aident à focaliser ma pensée sur du concret pour ne pas céder à la panique.

Le store est baissé, assez ajouré pour dissiper la pénombre. Il fait jour. Je rejette le drap et m'assieds au bord du lit. La sensation de brûlure sur mes jambes m'arrache un gémissement de douleur. J'ai mal partout, avec l'horrible impression d'avoir été sauvagement battue. La réalité dans toute sa brutalité me revient à l'esprit. Livio venu me débusquer là où je pensais être hors de sa portée, mon départ précipité du Tsar lounge, le van noir, les deux hommes qui en descendent, me jettent dans le véhicule...

Je plaque mes mains sur ma bouche pour étouffer mon cri, la poitrine compressée dans un étau. Le rire sournois de mon ravisseur résonne à mon oreille, sa barbe noire frôle mon visage, ses yeux sombres et cruels sont plantés dans les miens. Il m'a vendue, selon les dernières paroles que j'ai entendues de lui. Ce changement de cadre beaucoup plus calme et propre que le précédent me le laisse penser. Dans ce cas, quel était le but de mon sauvetage par des hommes en arme ? Les cris, les coups de feu... Un scénario macabre !

Mon regard tombe sur la chaise placée dans un angle de la pièce. Une tenue de rechange s'y trouve. Un tailleur jupe dont la veste est soigneusement posée sur le dossier et au pied de la chaise des escarpins assortis. Ce sont les miens. Ces vêtements, ces chaussures m'appartiennent. Tout semble avoir été orchestré pour me maintenir captive dans les meilleures conditions. La révélation me coupe le souffle derrière mes mains toujours plaquées contre ma bouche.

Je rassemble mon courage et m'approche de la porte. Pas un bruit ne me parvient de l'autre côté du panneau de bois. Je pose la main sur la poignée et opère un léger quart de tour. La porte est verrouillée, comme je m'y attendais. Un profond abattement s'empare de moi, tandis que je peine à réprimer les sanglots dans ma gorge. Attirer l'attention de mes ravisseurs serait prendre le risque d'être brutalisée de la même manière que lors de mon premier enlèvement.

Je me tourne vers la seconde porte. Elle donne sur une salle de bains dans les tons gris et blanc, munie d'une douche italienne, de toilettes et d'un miroir ovale qui me renvoie un spectacle des plus effrayants. Je suis décoiffée, le visage strié des reliefs de mon maquillage, les yeux gonflés. Le col de mon chemisier est déchiré, le reste de ma tenue est taché et froissé. À voir l'état de mon tailleur, j'ai du mal à me souvenir de l'image que me renvoyait ma psyché hier matin, à quelques minutes de rejoindre mon nouveau poste de directrice financière par intérim chez News Technologies. Les dernières heures de cette journée ont effacé mon avenir au sein de la société pour laquelle je travaille depuis cinq ans. J'ai la conviction qu'un autre destin beaucoup moins glorieux m'attend à l'extérieur de cette pièce.

Je retourne chercher mes vêtements de rechange dans la chambre. La salle de bains ferme à clé, ce semblant d'intimité dans une situation que je ne maîtrise pas me rassure momentanément. Des produits sont disposés le long de la vasque, en dessous du miroir. Ils appartiennent à un homme. Où suis-je tombée ? Dans un repaire pire que le précédent, si ma libération était un scénario monté de toute pièce ? Non, impossible, les coups de feu partaient de tous les côtés. Ils m'ont enlevée à mes tortionnaires, mais pas pour me rendre ma liberté.

Le Survivant - la bratva Volkov - tome 2 [terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant