Chapitre 3.

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Chapitre 3 — Secret

Eve boucla sa valise au moment où Isabella et Leslie entrèrent dans la chambre, l'air moins joyeux qu'hier soir

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Eve boucla sa valise au moment où Isabella et Leslie entrèrent dans la chambre, l'air moins joyeux qu'hier soir. À croire qu'ils ne prenaient conscience du départ de leur aînée que maintenant... Cette dernière leur sourit, ébouriffant leurs cheveux pour tenter de chasser la tristesse dans leurs yeux.

— Je vous confie les autres, aussi bien les petits que nos aînés. D'accord ?

— T'es obligée de partir..? bafouilla Isabella en s'accrochant à la blonde.

Les pupilles dorées de la jeune fille cherchèrent celles violettes de sa petite sœur. Ses mains caressèrent les joues d'Isabella avant que ses lèvres n'aillent déposer un bisou sur le front de la cadette. Aussitôt, Leslie réclama le même au revoir, retenant ses larmes pour faire comme les grands. Qu'est-ce donc être grand ?

— Allez, je vais devoir y aller, lâcha Eve en mettant sa veste puis son chapeau.

Qu'est-ce qu'elle était belle dans ces vêtements ! Mais son regard semblait si triste...

Sarah, depuis le rez-de-chaussée, appela l'enfant qui laissa Isabella et Leslie porter la valise jusqu'en bas, leur sœur juste derrière, à quelques pas. L'adulte attrapa le bagage, s'étonna de sa légèreté. Eve lui lança un sourire étrange. Celui-là même qu'elle lui avait fait lorsqu'elle avait quatre ans. La femme retint un frisson. Qu'est-ce qu'elle avait hâte de se débarrasser de cette gamine ! Eve faisait partie de la fine fleur de son cheptel, hélas, on la réclamait trop tôt ! Et tout ça pour quoi ? Pour des expériences !

— Allons-y, Eve, fit Maman en lui tendant la main.

La jeune fille refusa cette main tendue, sortant la première de l'orphelinat pour s'engager dans la nuit noire où les étoiles avaient du mal à percer. Aucun regard en arrière. Être une ingrate, jouer les insensibles. Mieux valait faire ça que de se laisser couler dans une effusion de sentiments.

Sarah la suivit en silence, refermant la porte derrière elle. L'enfant n'était qu'à quelques mètres d'elle, loin de la lumière de la lanterne. Pourtant, Eve marchait bien en direction du portail de Grace Field, comme si elle avait fait le chemin des centaines de fois avant aujourd'hui.

A quelques mètres du portail, Eve lâcha les mots qui semblèrent comme une bombe :
— Maman, ça fait quoi d'envoyer des enfants à la mort ?

L'adulte s'arrêta, fixant le dos de la jeune fille qui s'était également arrêtée. Le secret avait-il été découvert ? Si oui, quand ? Si non, quelle était cette question étrange ?

— De quoi tu parles, Eve ? Qui t'a dit ça ? s'écria Sarah.

Seul un silence de mort lui répondit. La blonde prenait son temps pour lui répondre, son rire cristallin résonnant dans l'air.

— Je parle de ces adoptions factices où nous mourrons pour servir de nourriture à des monstres. Dis-moi, Maman, qu'est-ce que ça fait de devenir soi-même un monstre ?

Tout le sang de la jeune femme s'était glacé. Pas de doute, l'enfant qu'elle emmenait au portail savait. Le secret n'en était plus un. Depuis combien de temps ?

— James Ratri. L'homme censé être mort de maladie. En vérité, il n'était pas malade. Il savait que son frère tenterait de prendre sa place. Et, visiblement, ce dernier a réussi... Qu'est-ce que ça fait de se faire avoir par un mort et une gamine ? Hein, Maman ?

Eve éclata de rire. Pas d'un rire adorable. Pas d'un rire normal. Mais bien d'un rire teinté d'une douce folie. Son rire résonnait dans l'enceinte du site tandis que le vent se mettait soudain à souffler.

Puis, comme si de rien n'était, elle reprit sa marche vers le portail, laissant Maman douter. Est-ce que d'autres enfants savaient ? Ou non ? Comment savoir ? Oh, comme elle maudissait James Ratri et sa venue à Grace Field House il y a cinq ans.

Sarah finit par se bouger et rejoignit l'enfant tandis que le portail se levait dans un grincement. Le camion était là. Pas les Démons. Eve cacha sa confusion en regardant l'adulte, un sourire aux lèvres.

— Par ici, Eve, fit Maman en ouvrant la porte d'une salle.

La jeune fille entra, Maman derrière elle. Dans la pièce, une table, deux chaises, des étagères qui semblaient être remplies de vieux livres. Et un homme. En costume.

L'homme, qui était davantage un adolescent, leva la tête à leur arrivée et sourit, tendant une main vers l'enfant. Main qu'elle ne serra pas. Hors de question qu'il croit qu'elle lui était reconnaissante de l'avoir "sauvée".

— Vous êtes..? grogna la blonde.

— Peter Ratri. Actuel chef des Ratri. Je suis heureux de faire ta connaissance, Eve.

— Pour vous, ça sera 68584.

Peter fronça les sourcils avant de jeter un regard à Sarah qui resta impassible. Hors de question de lui dire que la gamine savait pour le système.

— Bien, Eve, commença Peter avant de se faire interrompre.

— 68584.

— Bien, 68584, continua Peter. Tu vas venir avec moi afin d'aller dans un centre qui reconnaîtra tes capacités et t'aidera même à les améliorer !

— Et si je refuse ? lâcha l'enfant.

— Crois-moi, tu ne voudrais pas le savoir.

< Fais tout pour rester en vie si je ne suis plus là. >

C'était ce que lui avait dit Minerva, il y a cinq ans. À croire qu'il sentait venir sa fin. En même temps, avec un frère pareil...

Pesant le pour et le contre, Eve se demanda si ça valait la peine de suivre les conseils d'un mort. Mais après tout, il ne lui restait que ça. Ça et des espoirs pour sa survie. Elle n'avait aucune envie de faire confiance à ce Ratri, mais il le fallait bien.

Dégoutée, elle lui sourit de son sourire étrange que détestait Sarah. Au pire, quoi ? Elle mourrait ? On mourrait tous un jour de toute façon.

— D'accord.

Peter sourit et hocha la tête, prenant - arrachant plutôt - la valise des mains de Sarah qui reprit sa lanterne pour s'en aller. Eve regarda cette femme s'en aller sans se retourner, s'empêchant de l'insulter, même mentalement.

— Suis-moi, 68584, fit Peter en passant une main dans le dos de la jeune fille pour l'inviter à marcher en direction du Centre. Tu ne regretteras jamais cette décision.

Matricules | T.1 - Eve | The Promised NeverlandOù les histoires vivent. Découvrez maintenant