04 septembre 1800
Au travers d’une fenêtre perchée sur un large bâtiment en pierre, recouverte d’épais rideaux d’un intense bordeaux, se reflétaient les couleurs vives des feuilles d’un arbre planté au travers d’une petite rue parisienne, entre les pavés de pierre qui la recouvrait. À l’image de ses congénères qui longeaient la route comme des soldats au garde-à-vous face au premier consul, quelques unes de ses feuilles laissaient la légère brise les emporter, engageant de léger allers-retours hypnotisant au dessus du sol avant qu’elles ne rencontrent les pierres qui jonchaient le trottoir. Colorées de vert, jaune ou encore orange, elles détonnaient considérablement contre les pavés grisâtres comme l’éclaboussure de peinture d’un pinceau qu’on aurait laissé tomber à même le sol. Leur éclat sucré évoquait les couleurs qui, dans le ciel, s’estompaient pour laisser place à un doux dégradé de lueurs claires comme un rappel de couleurs pour ne pas laisser Paris croupir dans des tons trop maussades.
Caché derrière les rideaux qui couvraient la fenêtre sur laquelle se reflétait ce tableau aux couleurs éclatantes, Gabryel avait le visage plongé dans son oreiller, assoupi dans un sommeil réparateur dont il allait avoir besoin pour ses dernières heures de travaille avant son jour de repos. Ses souffles réguliers caressaient ses lèvres entrouvertes tandis que ses couvertures à carreaux parsemées de froissures se soulevaient au rythme de sa respiration. Si quelques mois auparavant, de nombreuses questions lui avaient traversé l’esprit à propos d’un garçon à la tenue négligée qui s’exprimait comme un aristocrate si ce n’était comme un poète, plongé dans son sommeil, son jeune client, qu’il n’avait pas recroisé depuis, ne lui paraissait que peu important.
Sous l’air matinal de la fin de l’été, les rues de Paris étaient calmes, presque désertes, seulement animées du bruissement léger des arbres qui décoraient les trottoirs. Mais Gabryel était bien loin du centre de la capitale française. Contre son matelas et entre ses couvertures duveteuses, il sentait de familiers picotements consteller sa peau comme mise à nue contre des brins d’herbes trop secs. S’était-il assoupi dans un champs ? Il en avait tout l’air. En ouvrant les yeux, il constata que ses conjectures s’avéraient vraies. Le soleil aveuglant, et dont la chaleur lui réchauffait agréablement la peau, l’éblouissait, picotant la rétine de ses yeux. Plusieurs fois il porta une main à son visage pour se frotter les paupières avant qu’il ne puisse ouvrir convenablement les yeux. Allongé sur le dos, se tenait face à lui, la couleur bleutée qui s’étendait sur toute la largeur du ciel et dont la profondeur lui paraissait plus dense que d’ordinaire. Quelques nuages d’un blanc limpide tachaient sa couleur lisse tandis que le bout de plusieurs pousses de blés particulièrement haute réduisait sa largeur.
Gabryel se redressa en position assise, grimaçant au contacte de l’herbe trop sèche sous la paume de sa main. Au loin, il percevait le son joviale du chant des oiseaux harmonieusement rythmé avec celui des cigales. Il pouvait même entendre quelques meuglements de vaches. Il s’était en effet endormi au milieu d’un champs de blé, entouré de ses gousses dorées. Son regard balaya les alentours mais il prit rapidement conscience que les pousses de blés étaient trop nombreuses et trop denses pour qu’il ne puisse y voir à travers.
- Gabryel ! Dépêche toi donc, la r’colte n’est pas ter’mné.
Une voix familière résonna, une voix d’homme, comme dans une grotte où l’écho se répétait. Elle paraissait étrangement proche, pourtant, en regardant autour de lui, Gabryel ne parvint à repérer aucune présence. Il tenta de se relever, mais, incapable de plier les jambes, ne pu se dresser sur ses pieds.
- Gabryel, bon sang c’nest pas le moment de jouer !
La voix, sévère et agacée se fit plus nette, comme sortie de sa grotte et plus proche encore. Cette fois, Gabryel parvint à la reconnaître. De nouveau il tenta de se redresser pour rejoindre l’homme qui l’appelait avec contrariété, mais il en était incapable, comme vidé de toute force.
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Gabryel Sorel : Quand les lettres s'enlacent
RomanceParis - 1800 Gabryel, Libraire au coeur vibrant, incarne l'exubérance de la bohème. Son esprit rebelle se mêle aux murmures des pages, faisant danser les lettres avec une audace contagieuse. Il révèle les secrets enfuis entre les pages jaunies des l...