Chapitre 5

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Je l'ai évité toute la semaine. C'est ironique pour quelqu'un qui passe sa vie à l'espionner. Lui reparler a chamboulé toutes mes attentes. Je ne pensais pas qu'il se souviendrait de notre baiser et encore moins qu'il voudrait en parler.

Je l'avais pensé plus lâche. Je me suis trompée. Ça arrive.

Je n'ai pas revu son beau visage depuis mais je n'ai pas arrêté de penser à lui. Tout est devenu plus tangible, plus vrai et beaucoup moins contrôlable. Dans les histoires que je m'écris, le professeur ne dépasse pas les limites, le mensonge ne dépasse pas la vérité, et mon cœur ne menace pas d'imploser.

Je ne sais plus ce que je veux. Ses yeux ont beau être communs, son regard me ramène à lui avant tout autre.

Quand j'arrête de réfléchir et que sans faire exprès je pense à lui, je me rappelle pourquoi je l'ai aimé. Puis mon cerveau prend le pas sur le cœur, et se souviennent que ses lèvres prononcent des mots qui me fait le détester.

Il est tout ce que j'abhorre. Tout ce que j'adore. Et adorer un homme est contre mes principes mais avec lui ce serait tellement exaltant... Se laisser briser le cœur, devenir la victime que je refusais d'être. Bon sang, pourquoi tant de mal pour au final le détester de tout mon être.

Il m'a brisé le cœur. Je suis ici à cause de lui, il faut bien que je le remercie, de m'avoir menée où je me trouve.

Allez, Clara, tu peux le faire.

Je pénètre dans le palais des Beaux arts. L'élégance de la soirée s'annonce dès l'entrée, que je connais très bien. La forme en vitraux colorés semble sortir du plafond pour presque atteindre la hauteur de ma tête, ou celle d'une personne plus grande, le lustre coloré emblématique du lieu est la seule touche de lumière dans l'obscurité de l'immense hall. Je dépose mes affaires dans le vestiaire, et rejoins la conférence qui a déjà commencé à côté de la salle des sculptures.

L'homme, déjà installé sur l'estrade, nous fournit son interprétation du texte qu'il lit entre deux réflexions. Un autre homme, derrière lui, l'interrompt parfois pour donner sa propre vision des choses et tous deux finissent par débattre sur une petite phrase qui, j'en suis sûre, ne veut pas dire grand-chose pour celui qui l'a écrite.

Ces élucubrations d'hommes me donnent la nausée. Le public aussi est surtout composé de ceux-là, il n'y a qu'eux pour applaudir à ce qui tombe sous le sens. J'écoute d'une oreille distraite ce qui suit, comme toutes leurs remarques se ressemblent il faut dire que je ne manque rien. Jorge Martín par ci, L'âme vient après le ciel par là, tout est fait pour lécher les semelles du prix Nobel de Littérature.

Je ne pense pas qu'il ait révolutionné quoique ce soit avec son ramassis de bonnes paroles. Comme dit ma mère, les bonnes paroles c'est seulement pour les prêcheurs de fausses vérités. L'espagnol enchaîne les succès avec ses livres publiés et traduits à travers le monde, si bien qu'aujourd'hui, je dois subir une conférence à son sujet dans le Nord de la France.

Une main se démarque du public, retenant toute mon attention.

--- A partir du chapitre 32, le lecteur commence à se rendre compte de la boucle infernale qui condamne Gonzalez. Ne pensez vous pas, qu'au contraire, c'est parce qu'il réalise qu'il devient impuissant à son tour, que le lecteur, lui aussi, se met à détester le monde qui l'entoure.

Le maître de conférence réhausse ses lunettes pour se donner une consistance. Il réfléchit à voix haute à "la brillante intervention d'Andrea", comme il la définit. Je fronce le front, est-ce que je viens de me faire spoiler le livre que je ne voulais pas lire ? Peut-être, à vrai dire, je n'ai pas très bien compris ce qu'il vient de se passer. Dans mes souvenirs, les critiques ont déclaré ce livre comme l'expression de l'espoir à son summum, tout le contraire de ce que vient de décrire mon professeur.

Les beaux mauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant