La voiture noire s'élance sur la même route que moi. Au lieu d'aller à pleine vitesse, il ralentit et me laisse monter dans la voiture.
— On peut parler maintenant ?
— Pas ici, lui dis-je.
***
Présent.
— On va chez toi ou chez moi ?
Je tourne la tête vers lui, j'hésite entre lui rire au nez ou restée abasourdie. C'est qu'il est rapide. Même moi je n'ai pas sorti ça aussi vite à un mec à peine rentré dans ma voiture. Partagé entre la stupeur et l'éclat de rire, je lui réponds :
— Je ne vis pas seule.
Il lève un sourcil en prenant ce que j'imagine être la direction de son appartement. Je me renfrogne à son air joueur, pas jaloux pour un sou. Il faut dire que lui et moi, ça n'a jamais été aussi sérieux, pas même de mon côté. Les femmes qu'il avait étaient trop belles et intelligentes pour que je rivalise avec, alors ça ne servait à rien de me faire un sang d'encre à les détester. Ce qui compte c'est que maintenant, il est célibataire et qu'il n'a aucune raison de ne pas vouloir de moi. Aucune à part ce qui ne s'explique pas... Il ne m'aime pas.
— Pas tes affaires.
Chacun de nos échanges est pourtant une petite victoire. Je le tutoie, il me tutoie, et je suis dans sa voiture pour aller chez lui. Un jour et nous en sommes déjà là. Il apprendra à aimer.
— Je crois que c'est un peu mes affaires considérant que tu es dans ma voiture et qu'on va chez moi.
— On va pas baiser, on va juste parler, donc c'est toujours pas tes affaires.
Son amusement n'a toujours pas quitté son visage alors que la voiture tourne dans sa rue. Je connais la route par cœur, je la fais quand ça ne va pas. Le cabinet de ma psy est juste à côté de son immeuble. D'ailleurs, il faudrait que je prenne rendez-vous avec elle, mon père me harcèle depuis le début du semestre. Maintenant qu'Andrea est de retour, je ne vais plus avoir besoin d'elle, donc j'imagine qu'elle aimerait bien savoir pourquoi que je l'abandonne. Pas que je lui dise la vérité de toute façon.
La voiture s'arrête sur le parking privé, je fais mine de ne pas savoir où aller et le suis. Comme je l'avais imaginée, sa maison est tout aussi confortable que les parties communes de l'immeuble, même plus. Dès l'entrée, l'odeur de bois et de vieux livres emplit mes narines dans une volute de cellulose. Les lumières tamisées font de ce studio une antre de relaxation du parfait professeur de littérature. Entre les étagères remplies de livres entassés afin de remplir l'espace, trône un bureau en chêne sur lequel un ordinateur des tas de papiers sont étalés. Dans son trois pièces, il n'y en a pas une qui n'est pas pleine de livres dans toutes les langues, tous les genres et de toutes les époques. Ses storys instagram ne m'ont pas trompée sur ce coup. En même temps, il enseigne une langue et étudie les lettres, ça reste cohérent. Je rêve d'avoir son appartement. M'allonger sur son canapé en velours, ou m'asseoir sur le sol de la salle à manger, à côté de la fenêtre qui donne vue sur la ville, tout en sirotant un chocolat chaud aux marshmallows et lisant un livre écrit dans un monde sans écran.
Je traverse les étagères, frôlant du doigt les versions collector de chefs d'œuvres italiens. La plupart de ses livres sont en italien ou en français. Pourtant, son livre préféré, qui doit être sur sa table de nuit en plusieurs exemplaires, est écrit en espagnol.
Il tire les rideaux du séjour. La lumière du jour laisse place à la chaleur de l'assortiment de lampes qui servent au sentiment de cocon de la pièce. Je ne vois pas pourquoi il fait ça, ici, personne ne peut me reconnaître, à part ma psy. Il me pousse à rejoindre le canapé que j'ai envié tout à l'heure, je ne le fais pourtant pas. Au lieu de ça, je poursuis mon parcours dans l'intimité qu'il m'autorise à explorer. Pour s'occuper, et trouver les mots, il me propose un verre d'eau, que j'accepte. Du coin de l'œil, alors que je m'approche d'une couverture bleue que je connais trop bien, il surveille chacun de mes gestes. Les livres entassés par terre, sur les meubles, aux coins des canapés, ne sont pas aussi abîmés, aussi annotés que celui-ci. Malgré son côté rigide qui l'a poussé à ranger ses collections par ordre alphabétique, couleur ou édition, L'âme vient après le ciel est là, posé, défraîchi, sur le coin de son bureau. Comme s'il l'avait lu une fois de plus ce matin avant de partir, sans avoir le temps de le ranger.
Je lui en achèterai un neuf. On l'annotera ensemble, en amoureux, si ça l'enchante. Je n'ai jamais ouvert ce livre mais l'auteur est un prix Nobel de littérature, selon les inscriptions qui suivent son nom sous tous ses nouveaux livres. Ça ne devrait pas me faire de mal de lire de la « vraie littérature » à l'occasion. Surtout si c'est avec lui.
— Clara.
Sa voix est plus grave. Il doit se triturer les méninges depuis ce midi, il commence à surchauffer. Il veut en finir. En finir avec moi, avec nos souvenirs et ses erreurs.
Je le rejoins au comptoir de la cuisine, récupère mon verre d'eau et le regarde dans le fond de ses yeux bruns. Mes yeux reflètent, malgré moi, la haine que je ressens pour lui et tout ce qu'il m'a fait.
— Ce baiser doit rester entre nous.
— Je n'en doute pas, déclaré-je.
J'ai répondu du tac au tac pour ne pas paraître blessée. Ce que je suis malgré moi. J'ai eu quatre ans pour m'en remettre, et ce serait mentir si je disais que j'y pense tous les jours, mais quand je pense à lui, c'est difficile d'oublier.
— Tu m'as amenée ici juste pour me dire ce que tu m'as déjà dit ?
Il se frotte le visage. Au moins, je ne suis pas la seule exaspérée par la situation. Des boucles brunes, plus longues que je les ai laissées, s'échappent de sa coupe parfaite.
— Tu étais mineure.
— Je ne l'étais pas.
— J'étais ton professeur.
C'est vrai, il a remplacée un professeur absentéiste l'année du baccalauréat, pourtant...
— Non plus.
Il souffle, mon visage ne l'attendrit pas le moins du monde. Au contraire, il se fatigue à comprendre, du moins à essayer.
— Tu étais une enfant.
Je tilte. Ronge mon frein face à ses excuses. Il va bientôt en arriver à court. Je me demande si tout ça a vraiment pesé dans sa balance quand il m'a repoussée. Je n'en avais pas l'impression.
— Arrête, c'est oublié, je ne cherche pas de bonne raison.
Parce qu'il n'y en a pas. Ce soir-là, il y a quatre ans, je l'avais retrouvé dans un bar, à la fin de l'année scolaire, je l'ai embrassé parce que j'avais un béguin pour lui mais il m'a salement repoussée et nous n'avons pas reparlé depuis. C'est assez équivoque, je ne lui plaisais pas. Mais ce n'est pas grave, j'ai changé. Comme mes amis l'ont remarqué ce midi, je n'ai rien à voir avec la petite grassouillette du lycée. Je suis adulte maintenant, je peux lui plaire.
En tout cas, je le remercie pour la confiance en moi. Un amour.
***
On en pense quoi ?
Comme vous avez pu le voir j'ai changé la couverture de l'histoire :))
Un grand merci à @Roseyoume de me l'avoir faite, elle est trop jolie !! N'hésitez pas à faire un petit tour sur son compte elle a un tome déjà terminé...
Merci à vous d'être aussi nombreuses dès les premiers chapitres, on est déjà plus de 700 lectures <3
Si l'histoire vous plaît, faites le nous savoir :)
Comme toujours, n'hésitez pas à me suivre sur instagram (breemana_) et tiktok (breemana_writer) et à aller voir mon autre histoire Because of us qui est terminée sur mon profil !
A très vite pour un prochain chapitre...
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Les beaux maux
عاطفيةCarla est étudiante en commerce et passionnée d'écriture. Pour passer le temps, elle écrit une fanfiction où elle se met en scène, elle et son professeur d'italien. Mais cette petite historiette prend un tout autre tournant quand elle commence à se...