Il est minuit passé. Christophe, jumelles à la main, ancien officier de marine à l'armée française et retraité depuis 1 an maintenant, regarde par une des fenêtres de son manoir. Il est au grenier, dans la pénombre, invisible de l'extérieur. Il observe une ombre dans sa propriété, qui avance silencieusement, fusil à l'épaule, prête à tirer. Celle-ci scrute les moindres recoins de la forêt, avec une attention assez extrême. Courbée, vêtue de noir, visage caché, c'est une personne mince, de taille moyenne. On dirait qu'elle cherche quelque chose ou quelqu'un sans vouloir se faire remarquer par le châtelain. Elle marche sans bruit.
Soudain, elle s'immobilise, tressaute, s'accroupit avec une légèreté et une souplesse assez marquées, elle se fait le plus petit possible. Christophe regarde alors plus attentivement à travers les jumelles, tout entendant subitement lui aussi, avec un certain effroi, un rire d'enfant qui vient de casser le silence glaçant de la nuit. Un rire d'enfant heureux... Mais qui est-ce, en cette nuit glaciale d'hiver ? Aucun gamin ne vit dans les 10km alentours. Le cerveau de Christophe cogite à toute vitesse malgré une émotion intense intérieure.
Soudainement, coup de feu, hurlement de douleur d'un enfant suivi de pleurs d'effroi et de souffrances, on entend une voiture démarrer au loin. Christophe n'a pas le temps de comprendre ce qui se passe, il est subitement attaqué par derrière, ligoté, élevé en l'air et attaché à une poutre de bois, bâillonné, les yeux et la figure recouvert d'un tissu opaque noir. Quatre ombres sortent du grenier, la dernière se retourne, tire un coup de feu en direction de leur victime suspendue puis s'enfuit en courant. Pendant ce temps, l'Ombre ne perd rien de ce qui s'est passé dans la mansarde. Elle sourit, visiblement contente que sa mission ait réussi. Se relevant, elle inspecte les alentours, attend le départ des autres et court vers la gouttière qui longe la mansarde.
Grimpant avec une légèreté impressionnante, en s'aidant du lierre et des aspérités des murs extérieurs, elle arrive rapidement au grenier où patiente le prisonnier. Elle s'approche de lui, lui met un couteau sous la gorge en lui chuchotant :
"Je vous détache mais laissez-moi partir sans m'attraper et sans tenter quoi que ce soit, sans quoi vous le regretterez de suite. Faites gaffe, j'ai une arme."
L'homme hoche la tête en signe d'approbation, visiblement épuisé. Alors l'Ombre prend son canif, coupe la corde, et Christophe, avec un gémissement de douleur, atterrit sur le sol lourdement, de tout son poids. L'Ombre reste toujours près de la petite fenêtre, prudente, prête à sauter, mais scrute de ses petits yeux la pièce dans laquelle elle se trouve. Repérant un couteau suisse dans un coin, elle lui envoie d'un coup de pied en lui disant le plus doucement mais fermement possible :
"Voici un couteau. Débrouillez vous pour couper vos liens, je ne vous toucherai pas, je ne vous aiderai pas, je ne tiens à ce que vous ayez mon ADN sur vous pour pouvoir ensuite me retrouver."
Ahuri, à moitié inconscient, le chatelain obtempère et commence à couper la corde qui entoure ses poignets. Il sent la lame lui charcuter ses mains, mais il persévère. Pendant qu'il opère, l'Ombre surveille l'escalier, la fenêtre, l'extérieur. Soudain elle remarque un petit tableau, en face de la porte, ayant la vitre cassée. A l'endroit de la fissure s'y est logée une balle de petit calibre :
"Sûrement un Glock 17 ou 21, » se dit-elle.
S'approchant furtivement, elle observe le cadre au plus proche possible. Elle y remarque, à l'emplacement de l'impact, un petit objet qui brille tout doucement. Vérifiant que Christophe ne la voit pas, de sa main gantée elle se saisit du cadre. Puis d'un pas leste et silencieux, elle saute par-dessus l'homme qui se débat encore avec les liens qui l'emprisonnent, et dévale les escaliers. Quant à ce dernier, à terre, encore attaché aux jambes, il n'a rien vu, rien entendu, trop occupé à se libérer.
L'Ombre cavale à travers les couloirs, les pièces. On dirait qu'elle connait le château comme sa poche. Elle se rend dans le bureau-bibliothèque, et commence à rechercher quelques livres. Une demi-heure passe, Ombre cherche toujours en chantonnant This is the life , et le prisonnier est enfin libre. Il se lève avec peine et commence à descendre les escaliers. Soudain il s'immobilise, il entend une voix fluette mais douce, pure, venant de son bureau. Avançant le plus doucement possible, il ouvre brusquement la porte, allume la lumière et se retrouve face à Ombre. Un coup de poing bien placé suivi d'un coup de pied violent dans le ventre et Chris s'effondre. D'un rire silencieux, Ombre se rue sur la petite pile de livres qu'elle avait déposé sur le bureau, la prend, attrape au passage le cadre posé à terre, et, insolemment, marche sur sa victime et sort en courant. L'homme se relève avec grand-peine, s'approche de la fenêtre où il entend le gravier crisser sous des pas et n'a que le temps d'apercevoir son adversaire disparaître sans bruit dans les bois lorsque soudainement un bruit sourd résonne dans le château. Inquiet, il se déporte vers la cave du manoir, et y descend prudemment, équipé d'une lampe frontale et d'un jeu de piste. Qu'y trouvera-t-il ? Vous le saurez plus tard...
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Le souffle des Etoiles - Un triple jeu
ActionOmbre qui vient et repart. Christophe bien trop curieux au goût d'Ombre. Lenny qui fait un peu trop d'aller-retour au commissariat, Éline disparaît trop souvent au goût de son lycée. Des cris dans la nuit... Rien de mieux que pour faire flipper n'im...