Chapitre 1

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Eva

– Reste au sol espèce de grosse, se marre Alex Hill, un terminal que l'on pourrait qualifier de mignon en temps normal. Il est grand, ses cheveux blonds et bouclés style surfer viennent encadrer son visage. Ses yeux verts quant à eux, me hanteront toute ma vie.

Comment puis-je faire autrement ? Son pied est appuyé contre mon dos, me faisant un mal de chien. Mais c'est le but recherché. Il me maintient au sol, me laissant sentir l'odeur répugnante du sol. C'était trop facile pour eux de trouver leur souffre-douleur. Je ne suis pas quelqu'un de sociable. Je n'ai pas essayé de m'intégrer, de me faire des amis. Je suis restée dans mon coin, seule, depuis que je suis arrivée ici. J'ai perdu un peu foi en l'humain lorsque j'ai compris que ce dernier était un être superficiel et que les jugements allaient de bon train lorsqu'une autre personne ne rentrait pas dans leur case. C'est mon cas. Jugée pour mes rondeurs, pour ma mise à l'écart. Je suis, selon eux, une paria. Quelqu'un qui ne devrait pas croiser leur route. J'aurai dû m'y habitué mais, de vous à moi, s'habitue-t-on vraiment à du harcèlement ? Non. On le subit.

Une bande de filles a très vite commencé à me critiquer, sans relâche, tout le temps. Au départ, ce n'était que des insultes insignifiantes auxquelles j'ai eu le droit toute ma vie comme : « tu es grosse, les burgers, c'est avec modération et pas matin, midi, goûter et dîner » ou encore « Eh bien ? On a du mal à monter les escaliers ma petite vache ? ». Quand je vous ai dit que l'humain pouvait être impitoyable, ce n'était pas des paroles en l'air. A ce stade, je pense que Lucifer - ou quelque soit sa dénomination - peut s'asseoir et prendre des cours.

Je pense que le pire c'est quand ces filles sont dans votre classe. Car vous savez que le répit sera de courte durée. Qu'il n'y aura pas de pauses dans la journée à part lorsque vous rentrerez chez vous. La plus monstrueuse de toutes est Lya Marshall. Une fille de taille moyenne, avec des cheveux assez longs et châtains clairs légèrement ondulés, descend en cascade dans son dos. Ses yeux bleus ont un aspect similaire avec sa façon d'être : glacial. C'est la meneuse du groupe et, qui plus est, la petite amie d'Alex. Beau comble pour moi n'est-ce pas ? Un couple de parfait crétin qui aime montrer leur importance en rabaissant les autres, les plus faibles.

Au départ ce n'était que verbal et puis ça s'est transformé en violence physique : des coups derrière la tête, des croche-pieds... Je n'ai pas perçu tout de suite l'ampleur de la violence. ; Je ne savais pas jusqu'où cela pouvait aller. Je ne me suis pas défendue, croyant bêtement que sans réaction de ma part tout ce petit monde écervelé arrêterait de me faire souffrir. De plus, c'est impossible pour moi, seule, de me défendre. J'ai pourtant essayé de prendre mon mal en patience. J'ai espéré, chaque année, que je changerais de classe et que je serais définitivement séparée de ces adolescentes. Pourtant, ce n'était qu'une utopie. Tous les étés suivants je me retrouvais à nouveau coincée avec mes harceleuses. Et plus le temps passait et moins j'arrivais à en parler. Je n'avais plus confiance en moi. Mon estime envers moi-même à drastiquement chuté.

Mon visage s'écrase sur le sol des toilettes qui empeste l'urine. Les larmes ruissellent sur mes joues sans que je puisse les stopper. C'est devenu une habitude. Je m'étonne d'avoir encore assez d'eau dans mon corps lorsque mon visage se retrouve inondé. Me voir comme ça les met dans un état euphorique et les fait rire à gorge déployée. Des coups de pieds par-ci et par là mais pas assez fort pour me faire des marques, juste assez pour m'humilier, me rabaisser. Me briser. Encore et encore. Un peu plus à chaque nouvelle attaque de leur part.

Cette impuissance qui remplit mon être s'accroît de jour en jour me laissant dans un mal-être profond. Je veux me battre. Me relever et leur dire d'aller se faire voir mais à chaque fois qu'un semblant de courage se manifeste, il ne reste qu'une micro-seconde avant que j'abandonne toute riposte. Je me sens énervée, pleine de haine envers eux mais aussi envers moi. J'aurai aimé avoir ce putain de courage pour me relever.

Au delà des apparencesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant