La Tri-élémentariste

Episode 3 - La Flamme d'Acier

La brise soulagea Terza tandis qu'elle révisait ses techniques sur le terrain de sport de la résidence académique. Pour une fin d'après-midi estivale, la chaleur était enfin au rendez-vous. Ses doigts effleurèrent son bracelet d'où jaillit Vermi. Accompagnée de son compagnon ardent, l'étudiante enchaîna une suite de coups dont se dégageait un manque de confiance flagrant. A intervalle régulier, une frappe sèche se nappait de flammes qui se dispersaient presque aussitôt. Après quatre nouveaux succès, elle reprit son souffle un instant avant de se lancer dans un nouvel enchaînement. Les pas se firent francs, saccadés mais effectués à une grande vitesse. L'oeil averti y reconnaitrait la gestuelle distincte des électromanciens, où des étincelles bondissaient autour d'eux. Ses muscles contractés par l'effort, l'académicienne grimaça à mesure qu'une douleur désormais habituelle commençait à diffuser dans tout son corps. La sphère jaune de Zun s'évanouit avant que les courbatures ne gagnèrent la jeune femme. L'Elementafest avait lieu le lendemain, elle ne pouvait se le permettre.

L'Elementafest. Des années qu'elle en entendait parler avec insistance et la voilà sur le pas de la porte, imminent, inévitable, effrayant. Dès son Eveil, sa mère l'avait entraînée dans l'optique du duel qui clôturait la cérémonie. Elle avait tenté de s'y soustraire, sans grand succès. A contre-coeur, elle assistait aux leçons, souffrait quand son manque d'implication se transformait en ecchymoses. Son admission dans l'antenne d'élite de la capitale lui avait au moins permis d'échapper légèrement à la néfaste influence maternelle. Son ombre s'étendait bien au delà de West Quarter. Heureusement, elle s'avérait être moins dense que dans sa région natale. Seulement, les maigres éclaircies furent obscurcies par sa renommée tout comme par sa propre particularité, ce que ses camarades s'empressaient de lui rappeler à chaque occasion.

Elle réprima la pointe de colère en soufflant longuement puis inspirant profondément. Elle répéta l'opération jusqu'à ce que la tempête dans son esprit s'apaisa. L'accalmie retrouvée, Terza débuta un ballet tout en fluidité, bien loin des deux précédents. Elle paraissait danser sur une mélodie connue d'elle seule, intrigant fortement l'observateur lointain. Ses paumes ouvertes, les yeux fermés, elle dirigeait l'esprit de saphir qu'elle avait convoqué. Formé d'un agrégat de gouttes, il suivait les doigts de sa maîtresse à la perfection, devenant tantôt un mur d'eau face à elle, tantôt une une langue aqueuse se déformant autour du corps svelte de la magicienne. Asu avait ce pouvoir de ramener la sérénité, compensant son potentiel évalué comme faible.

— Encore à jouer avec vos esprits, mademoiselle Terza ? héla une voix rauque et familière.

La surprise brisa sa concentration. La langue d'eau éclaboussa le bas de sa tenue de sport en tombant au sol. Bien loin de la déranger, elle se précipita vers son origine. Accoudé à la main-courante du stade, un vieil homme en combinaison verte lui souriait tendrement.

— Monsieur Chao ! Vous êtes de retour !

L'académicienne remarqua rapidement que les traits du bientôt septuagénaire étaient plus tirés que dans son souvenir. Ses pommettes saillantes creusaient encore plus ses joues. Néanmoins, derrière ses fines lunettes, son regard pétillait de la même joie qu'au jour où elle l'avait rencontré. Alors en larmes, le concierge s'était approché d'elle, lui accordant l'écoute et la compagnie dont elle avait besoin. Ils discutèrent des heures durant et conservèrent cette habitude au fil des mois jusqu'à ce que la vie n'imposa une pause au gardien. Monsieur Chao faisait partie de ces rares personnes qui n'accordaient pas d'importance à sa singularité, ni à sa filiation. En sa présence, elle pouvait être elle même, une jeune femme de dix neuf ans pleine de rêves. Elle n'était pas l'aspirante à l'héritage bien trop lourd à porter pour ses frêles épaules.