Philéas bascula vers l'arrière dans un cri étranglé tandis que Maximillia pivota sur son pied gauche pour asséner un nouveau coup de talon dans le foie à Hopkins, à l'aveugle cette fois-ci. Mais cette fois-ci, ce dernier agrippa sa jambe, ses doigts métalliques fixées comme les serres d'un oiseau autour de son mollet. La vapeur se dissipa petit à petit pendant qu'il enjambait le rebord de la fenêtre, lâchant la jambe de son adversaire. Celle-ci ne dit rien, mais tous ses sens étaient en alerte. Elle était prête à lui sauter à la gorge au moindre mouvement brusque.
"-Alors c'est donc ici que tu te cachais pendant ces quinze années ? reprit-il comme si de rien n'était, promenant son regard sur la pièce encombrée de cartons de toutes sortes. C'est joli comme endroit. Il y a même tellement peu de pollution qu'on peut se permettre d'ouvrir les fenêtres ? Tu as la belle vie, dis-moi. Quoique, c'est quand même un peu isolé pour une enquêtrice inconnue, tu ne trouves pas, "Molly Ferdan" ? Je me demandais en quoi tu t'étais reconvertie après le procès, mais tu n'a jamais arrêté d'enquêter au final. On t'a fourni une nouvelle identité ? Je me demande bien qui a fait cette magouille dans mon dos. Ah, je sais, ce doit être...
-Qu'est-ce que tu veux ? s'impatienta Maximillia, le regard dur. Je serais étonnée que tu sois ici pour discuter tranquillement.
-Si par "discuter" tu entends "venir en paix", sache que je suis bel et bien venu pour discuter. Tu n'as pas l'air de me croire, ajouta-t-il en surprenant l'air presque menaçant de son interlocutrice, qu'elle avait pourtant masqué derrière un visage neutre. Je ne suis pas venu ni pour la cartouche ni pour prendre ma revanche, mais pour te faire une proposition." Son regard se porta sur Philéas, prêt à bondir, la main crispée à en faire blanchir ses phalanges autour de son arme de fortune. "Ni pour mes griffes", ajouta-t-il.
Deux charges. Cela aurait suffi à envoyer Hopkins au tapis si elle frappait bien. Mais ce dernier semblait prêt à cette éventualité, tous ses muscles tendus sous le calme apparent de son visage lisse. En plus, Philéas risquait d'être soufflé et la cassette -déjà en mauvais état- détruite. Elle s'appuya en soupirant sur le bord d'un des établis.
"-Bien ! On t'écoute, répondit-elle d'un ton glacial.
-Passe chez moi à 19h30, pour le dîner. Je te dirai tout ce que tu veux savoir sur l'enquête. Pour ce qui est de l'adresse, tu la connais déjà, non ? ricana-t-il froidement. Malheureusement, mon porche a été... disons... mis en travaux. Mais bon, une enquêtrice comme toi devrait trouver la porte arrière. Bref, à ce soir."
Cette fois-ci, il passa par la porte d'entrée, non sans adresser un signe de tête sec à Philéas, désormais debout. Pourtant, il était loin de se douter que ce jeune adolescent qu'il avait à peine considéré comme faisant partie de l'équation en changerait finalement le résultat. Ou peut-être l'avait-il pressenti, puisqu'il accompagna sa sortie d'un "tu es attendue seule". Ainsi il repartit sous la pluie, silhouette sombre et angoissante, non sans sortir un parapluie magnétique de son bras gauche. Quelle utilité d'avoir un parapluie magnétique ? Repousser l'eau autour de lui, et par conséquent les mendiants de son quartier. Son ombre disparut bientôt derrière les cordes aqueuses qui semblaient tomber sans fin des nuages. Une fois qu'ils entendirent le son de ses lourds pas métalliques s'évanouir dans la pluie, Maximillia ferma les fenêtres et alluma les néons de l'atelier, chose nécessaire dans le soir tombant. Philéas se risqua à parler le premier.
"-Qu'est-ce qu'on va faire, maintenant qu'il t'a démasquée ? Et puis d'ailleurs, je n'arrive même pas à comprendre comment il t'a retrouvée ! Il débarque pas une seule fois en quinze ans et il te trouve le jour où tu trouves une enquête ? C'est une putain de blague ! s'effondra Philéas. Attends une seconde... demanda-t-il, sans oser terminer sa question.