"-Espèce de sale ..."
La fin de la phrase resta prisonnière dans la gorge de Hopkins, qui contracta ses poings et son visage de rage, y ajoutant au passage de nouveaux plis furieux. D'un geste tout aussi furieux du bras gauche, il envoya valdinguer le lourd fauteuil à plus de dix mètres derrière lui, au fond du couloir, l'éclatant en dizaines de morceaux anciens. Pratique, cette prothèse de bras. Adressant un dernier regard haineux à la silhouette, qui désormais s'approchait de la benne et ne lui prêtait plus attention, il asséna un gigantesque coup de talon sur la moquette rouge qui recouvrait le sol de l'étage et fissura ce dernier. Il frappa à nouveau et tomba cette-fois-ci au rez-de-chaussée. Le vacarme fit trembler tout la maison, au point que même les passants s'attardèrent devant la demeure, ne voyant que de la fumée à travers des fenêtres. Il n'était plus séparé de l'étrange silhouette encapuchonnée que par les minces et ouvragés carreaux de sa fenêtre. Cette dernière, penchée au dessus de la benne, avait rapidement jeté un coup d'oeil pour vérifier ou se trouvait désormais Hopkins. A trois mètres sur sa gauche de ce-dernier, la porte intérieure du sas s'ouvrit dans un léger "pshh", accompagné d'une petite vapeur blanche qui se dissipa rapidement. En sortit Tobias, toujours remonté, retirant son masque en soupirant. Il avait à peine mis un pied dans le vestibule que Hopkins le culbuta de son épaule métallique.
"-Dégage ! Et passe-moi ton masque ! Cria-t-il à l'infortuné Tobias.
-Mais...protesta ce dernier.
-Pas le temps ! rétorqua-t-il en pianotant sur le clavier de la porte, attrapant au vol le masque de Tobias. Car, vois-tu, il n'y a qu'une seule personne qui ne devait pas trouver cette cassette. Et il est actuellement en train de fouiller dans la benne ! Raah, et cette foutue porte qui ne s'ouvre pas ! Bon, tant pis, pas le choix. Recule, Tobias !"
Il poussa un rouage ambré sur son biceps, à travers sa chemise, faisant apparaître un trou assez large au centre de sa paume, qu'il plaça face à la porte. Amortissant le choc imminent en tenant son bras gauche, il fit signe à Tobias de reculer un peu plus. Celui-ci comprit quel genre "d'outil" son patron voulait utiliser. Se décalant de côté, il aperçut tour à tour par la fenêtre les regards des passants qui s'agglutinaient dans la rue étroite devant le portail ouvert, la silhouette sortant de la benne, également sous les regards inquiets des passants, et à sa droite le morceau d'étage tombé au rez-de chaussée. Le silence retomba une brève seconde avant que Hopkins ne dise d'une voix grave et basse :
"-'Magaronem'."
Tout le reste se passa en à peine plus de trois secondes. Tobias eut juste le temps de plaquer ses mains contre ses oreilles et de fermer les yeux en l'entendant prononcer ce mot, le tout en se jetant au sol. La mystérieuse silhouette, qui semblait aussi l'avoir entendu, tourna rapidement la tête dans sa direction. Hopkins ne plaisantait pas. Il sauta alors sur les badauds en face de la porte d'entrée, cassette tordue à la main, et les souffla hors du chemin, littéralement. Un son tonitruant et incroyablement aigu s'engouffra alors dans les oreilles de tous les infortunés spectateurs, qui grimacèrent de douleur en se couvrant les oreilles, emplies de douloureux acouphènes. Pourtant, c'était loin d'être fini. Vint ensuite un flash aveuglant, qui enveloppa Tobias et Hopkins, inondant au passage les passants d'une lumière aveuglante et puissante à travers les fenêtres. La porte vola en éclats, projetés avec force vers l'avant. La silhouette les évita de justesse, sous le regard médusé des passants soufflés qui ne comprenaient pas encore qu'elle les avait sauvés. Les débris allèrent briser la devanture d'une petite échoppe terreuse derrière. A l'intérieur de la maison, Tobias avait été soufflé par la déflagration, emporté jusque dans un des salons, tandis que Hopkins glissa légèrement vers l'arrière, ses semelles métalliques grinçant sur le marbre de la pièce désormais fendu. Cinq des fenêtres du vestibule volèrent en éclats sous la puissance du souffle, faisant descendre de lourds rideaux métalliques sur toutes les fenêtres de la maison, déclenchant également une alarme des plus stridentes. Tout cela pour dire que les passant virent apparaître, sortant de la fumée de la déflagration, dans un sas détruit, un Hopkins suant, respirant bruyamment, décoiffé, le visage déformé par la colère, de la fumée sortant encore de la paume, le tout sur une toile sonore de rideau métallique bringuebalant, d'alarme stridente, de pluie battante et de murmures interloqués.