Chapitre 4 : L'enquêtrice déchue

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     Bien qu'il n'ait pas prononcé ce mot particulièrement fort, sa voix résonna comme un coup de tonnerre dans toutes les rues du quartier fragile. Toutes les pauvres maisons, tassées les unes contre les autres, tressautèrent légèrement sous l'écho de sa voix, autant que leurs habitants d'ailleurs. Toutes, sauf l'hôtel de Hopkins évidemment. C'était un autre moyen de voir qu'il était devenu le tyran officieux du quartier d'Ozzle, sa seule voix suffisant à le faire trembler tout entier. Maximillia observa prudemment sa main gauche, d'où sortirent des griffes métalliques acérées par dessus ses doigts. En fait, elles s'apparentaient plus à des sabres qu'à de vraies griffes au vu de leur longueur. Il marcha doucement, tout doucement vers elle, comme s'il avait peur d'effrayer une proie en s'approchant trop vite. Les lames de sa main rayaient les dalles de pierre dans un crissement strident, que ses pieds en métal rythmaient d'un "bam" puissant à chacun de ses pas.

"-Pour te répondre, je ne cherche pas tant que ça à te descendre, reprit-il. Je ne t'apprécie pas forcément, mais je n'ai fondamentalement rien contre toi. C'est juste que... je devais protéger ceux qui m'étaient chers, alors je devais t'empêcher de les attaquer en t'attaquant.

-C'est ça, ton excuse en carton ? Me dire que tu m'as accusée de meurtre juste pour protéger "ceux qui te sont chers"? Une ordure de ministre grassouillet ? J'espère que c'est une blague !" s'emporta Maximillia, ses pupilles rouges le fixant intensément.

     Un rayon de soleil perça soudain les épais nuages pour frapper son visage de plein fouet. Grimaçant de douleur, elle remit sa capuche pour s'en abriter. Ses gants étaient maintenant chargés à 70 %. Hopkins était à huit mètres, mais ses griffes pourraient aisément l'atteindre s'il se rapprochait à moins d'un mètre trente, alors Maximillia resta sur ses gardes, prête à bondir si jamais il se décidait de foncer sur elle. D'un mouvement du pouce, il trancha une antenne réseau qui se trouvait entre eux et la balaya du pied. Maximillia ne bougea pas d'un pouce. 80%.

"-Écoute, reprit-il, mon ami a effectivement commis une faute, certes, et je suis sincèrement désolé de ce qui t'es arrivé, vraiment. Mais... il n'a pas utilisé de violence physique, que je sache? Enfin je veux dire... Peut-être que du coup... Enfin qu'avec le temps...

-Tu penses vraiment ce que tu es en train de dire, Erick ?" coupa-t-elle sèchement. Il ne répondit pas, fixant le sol. "Tu te vantes devant qui veut l'entendre de ton génie, mais tu es trop limité pour comprendre à quel point c'est destructeur, ce qu'il m'a fait ?"

     Hopkins garda encore le silence, sans pour autant s'arrêter d'avancer. Lui même ne savait plus ce qu'il pensait de cette situation. De toute façon, quoi qu'il eût pu penser, son discours aurait semblé hypocrite devant ce que le ministre Rennins, cette fameuse "ordure" selon Maximillia, avait fait à cette dernière. Et maintenant il lui disait qu'il était désolé tout en s'avançant vers elle pour récupérer la cartouche de force, lames sorties. Peu crédibles, comme excuses. Peut-être qu'il regrettait. Peut-être pas. Il ne parvenait pas à réfléchir. Il avait besoin de détruire quelque chose. Vite. A ce moment, il passa entre deux énormes filtreurs d'air, qu'il choisit comme défouloir. Il enfonça avec énervement son bras dans le filtreur d'air à sa gauche et en déchira l'hélice bruyante et la grille de sécurité, perçant au passage le conduit coudé, transperçant carrément l'énorme pavé blanc de part en part. Maximillia voyait son bras enfoncé à l'intérieur de la machine bourdonnante et ressortir de l'autre côté, les lames dépassant légèrement du tuyau à l'arrière de la machine, à environ 1m60 du sol, sans vraiment comprendre ce qui passait par la tête de Hopkins. Et, malgré leur déconcertante facilité à couper tout ce qu'elles tranchaient, ses griffes semblaient bloquées dans la grosse machine, qui s'était mise à émettre un son aigu et puissant à cause des dégâts causés par Hopkins. Il s'aida bientôt de son bras droit pour se tirer hors de la machine. Coincé entre les deux filtreurs de deux mètres, même Hopkins semblait petit, sa prothèse ridiculement coincé dans la machine fatiguée, ce qui la fit rire discrètement. Son gant était chargé à 100%, avec déjà une deuxième charge en préparation. Elle aurait pu partir en laissant son ennemi coincé ici, le laissant enrager en grognant dans sa moustache. Mais elle resta, et ce pour deux raison. La première, c'était qu'avec ses griffes il pourrait sûrement escalader les murs, et donc la rattraper. La deuxième, c'était simplement que sa fureur était trop grande pour qu'elle le laisse s'en sortir comme ça. Et quand elle l'entendit marmonner un "saloperie de faux contact" derrière l'alarme énervante du système, elle décida de ne pas partir tout de suite.

Cold NovemberOù les histoires vivent. Découvrez maintenant