Les Ombres de l'Existence

Chapitre 5

Depuis plusieurs jours, Élise se sent comme égarée au sein de sa propre existence. Les contours de la réalité semblent flous, incertains, parsemés de phénomènes qui défient toute explication rationnelle. Ce n'est pas simplement la fatigue qui pourrait troubler sa perception; les manifestations sont trop visibles, trop perturbantes pour être balayées sous le tapis de l'épuisement ou du stress.

Élise ne peut même pas compter sur son rituel habituel, son thé, ses habits, ses affaires... disparaissent de jour en jour avec une anxiété croissante, comme une mauvaise blague sans chute. Un jour, alors qu'elle lit chez elle, tentant de chasser ses pensées noires, les lettres dans le livre commencent à danser sous ses yeux. Elles se tordent et virevoltent, formant des motifs qui n'ont aucun sens. Elle cligne des yeux, secoue la tête, mais le texte ne reprend pas sa forme normale.

Plus perturbant encore, Élise commence à ressentir des tremblements inexplicables. Alors qu'elle range des livres, ses mains se mettent à trembler violemment. Elle lâche un volume, puis un autre, incapable de contrôler ses propres mouvements. La peur l'envahit, une peur qu'elle ne peut nommer, car elle n'a jamais rien ressenti de tel. C'est comme si son corps réagissait à une menace invisible, à un danger que son esprit ne peut percevoir.

Un après-midi, en se promenant pour essayer de se détendre, Élise lève les yeux vers le ciel. Ce qu'elle voit alors lui coupe le souffle : un trou noir, un vide parfait, entouré par les nuages. C'est comme si une parcelle du ciel avait été effacée, une absence totale de couleur et de matière. Elle cligne des yeux, regarde autour d'elle pour voir si d'autres passants ont remarqué l'anomalie, mais chacun est absorbé par ses propres préoccupations. Le trou semble flotter, se déplacer lentement à travers le ciel avant de disparaître aussi soudainement qu'il était apparu. Élise reste figée, une peur irrationnelle prenant racine en elle.

"Quelque chose de terrible est en train de se passer..."

Après une semaine de ces étranges occurrences, Élise décide qu'il est temps de consulter un médecin. Elle ne peut plus ignorer les signes que quelque chose d'anormal se passe, quelque chose qui pourrait nécessiter une aide professionnelle. Alors qu'elle prend son téléphone pour prendre rendez-vous, elle s'interroge sur sa propre santé mentale. Est-ce que son esprit lui joue des tours ? Est-ce une manifestation de stress, ou quelque chose de plus sinistre ?

Élise marche d'un pas rapide vers la clinique, l'esprit tourmenté par les étranges manifestations des derniers jours. Son cœur bat à la chamade, chaque battement résonnant comme un écho de ses pas sur le trottoir. Elle espère que le médecin pourra lui fournir des réponses, ou du moins, un semblant de normalité dans ce chaos croissant.

Alors qu'Élise tourne au coin de la rue, une silhouette se détache contre le faible éclairage du crépuscule naissant. Julien, avec son allure à la fois inévitable et énigmatique, se tient là, comme s'il avait calculé précisément son arrivée pour coïncider avec celle d'Élise. Sa présence, synchronisée de manière si opportune avec les turbulences internes qu'Élise subit ces derniers jours, secoue un mélange complexe d'émotions en elle, oscillant entre la surprise et une appréhension sourde.

"Élise," commence Julien, sa voix douce contrastant fortement avec l'intensité de ses yeux. "Comment allez-vous ?"

Élise, légèrement déstabilisée par sa question, se force à répondre avec une politesse distante, "Bien... et vous ?" Mais en elle-même, elle ne peut s'empêcher de se sentir méfiante. La précision de sa rencontre avec Julien, trop parfaite pour être une simple coïncidence, éveille en elle un sentiment d'alerte.

Julien sourit, un sourire qui ne réussit pas à atteindre ses yeux, où brille quelque chose de plus calculateur, peut-être même de sombre. "Je vais bien, merci de demander. Je suis content de vous trouver ici. J'espérais que nous pourrions parler."