Chapitre 6

2 1 0
                                    

Après les révélations bouleversantes de Julien, Élise fuit, non seulement lui mais toute forme d'interaction qui pourrait lui rappeler la vérité sur son existence. Les jours suivants sont un mélange de déni et de terreur, alors qu'elle essaie désespérément de s'accrocher à une normalité qui s'effrite sous ses pieds. Elle se confine dans son appartement, annule ses rendez-vous, évite ses amis, même Marc et Madame Clément qui tentent de la joindre, et même son sanctuaire bien-aimé, la librairie. Mais le monde ne lui permet pas d'oublier.

Les trous noirs qu'elle commence à percevoir dans le ciel ne sont plus de simples curiosités visuelles passagères; ils deviennent des abîmes qui engloutissent des morceaux de réalité autour d'elle. Un jour, alors qu'elle tente une promenade pour se dégourdir les jambes et l'esprit, elle voit un arbre entier, ses feuilles bruissant doucement dans le vent, être avalé par un de ces vides. Le phénomène est silencieux, presque gracieux, mais terrifiant dans sa finalité. Personne d'autre dans le parc ne semble remarquer, les joggeurs et les promeneurs de chiens continuant leurs routines habituelles. Élise crie, pointe, mais ses gestes désespérés sont ignorés ou mal interprétés.

Confrontée à l'impossibilité d'ignorer plus longtemps ces manifestations, Élise sait qu'elle doit affronter la vérité de sa condition. Elle a besoin de réponses, de comprendre pleinement ce qui lui arrive, pourquoi elle est ainsi faite, et surtout, s'il y a une possibilité de changer son destin.

Elle prend son téléphone avec hésitation, ses doigts tremblant alors qu'elle compose le numéro de Julien. À chaque tonalité, son cœur bat un peu plus fort, un mélange de peur et d'anticipation la submergeant.

"Julien," dit-elle d'une voix tremblante quand il répond enfin, "nous devons parler. Les choses empirent. Je vois des choses disparaître, englouties par ces... trous. Je ne peux plus prétendre que cela va juste s'arrêter."

Il y a un silence à l'autre bout de la ligne, puis une réponse calme et posée. "Je comprends, Élise. Où êtes-vous ? Je viendrai à vous."

"Non, je viendrai... Là où nous nous sommes rencontrés la première fois," dit-elle, insistant sur le contrôle de ce rendez-vous. "Je veux des réponses, Julien."

"Je serai là," dit-il simplement. "Nous parlerons de tout."

Le crépuscule descend doucement alors qu'Élise arrive à la librairie, ce lieu qui a toujours été pour elle un sanctuaire de paix et de savoir. Ce soir, cependant, les étagères remplies de livres lui semblent presque oppressantes, chaque ombre et chaque murmure des pages portant un secret apparemment trop lourd.

Julien est déjà là, installé dans un coin tranquille de la librairie, son visage grave reflétant l'importance de leur rencontre.

Il se tient parfaitement immobile entre deux hautes étagères de livres anciens. Élise remarque combien il semble en harmonie avec le calme solennel de la librairie après sa fermeture. Son arrivée silencieuse dans un espace qui devrait être verrouillé ne la surprend même plus ; les particularités de Julien sont devenues une part attendue de sa nouvelle réalité étrange.

Élise avance lentement entre les rangées, ses pas résonnant doucement sur le plancher en bois. Chaque pas la rapproche des réponses que, quelque part au fond d'elle, elle redoute d'entendre. La lumière tamisée des lampes murales projette des lueurs dansantes sur les couvertures des livres, comme si les mots eux-mêmes murmuraient d'anciens secrets.

"Julien," dit Élise en fermant doucement la porte derrière elle, son cœur battant à tout rompre. "Il faut qu'on parle. Vous devez tout me dire."

Julien se lève, ressentant le poids lourd de la situation sur ses épaules, un poids que seuls ceux qui portent de grands secrets peuvent comprendre. Son regard, fixé sur Élise, est empreint d'une solennité rare, un mélange complexe d'émotions tourbillonnant sous la surface.

Les Ombres de l'ExistenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant