chap 7 : Ce n'est pas parce que l'on sen remet que l'on a oublié

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Ava

Août 2024

~ 19h15

Je monte dans ma voiture et m'apprête à rentrer chez moi, cette journée m'a re-boostée. Iris a vraiment un don pour faire sourire les gens. Je m'arrête au feu rouge et observe autour de moi, oui, j'aime trop faire ça, vous l'aurez compris, il y a bien une raison à mes études de psychologie. Lorsque l'on est attentif, on peut vraiment réussir à discerner le mal-être ou au contraire le bien-être des gens. À ma droite, il y a ce jeune couple qui en apparence à l'air trop mignon, ils sont au restaurant, ils partagent leurs plats, leur conversation baigne dans les éclats de rires, ils sont heureux. En apparence. Si on y regarde de plus près, on voit les choses différemment. Le garçon est fou amoureux de la fille, il la regarde avec des étoiles dans les yeux, ça, c'est de l'amour la fille, elle, à l'air d'être plongée dans un mal-être silencieux, c'est évident qu'elle l'aime, mais quelque chose ne va pas.

Que ce soit dans leur vie de couple, ou dans sa vie personnelle, la fille ressent quelque chose qui la gêne. Pourtant, elle continue de faire semblant et arrive à berner tout le monde, même son copain. Je n'ai jamais compris pourquoi les gens mentent sur leur souffrance. Moi, je vais mal et tout le monde le sait, en suis-je morte ? Je ne crois pas. L'hypocrisie est le propre de l'humain, il faut croire. C'est précisément ce qui les mènera à leur perte dans un mois ou deux.

L'amour doit être fait d'une honnêteté sans faille, sinon il ne sera pas durable dans le temps. On ne peut pas partager sa vie avec quelqu'un qui nous ment chaque jour, de même qu'on ne peut pas partager sa vie avec quelqu'un si l'on est pas assez à l'aise pour pouvoir tout lui dire. C'est un échec des deux cotés. Celui fou amoureux ne comprend pas pourquoi l'être aimé ne se confie pas, celui qui ne dévoile pas ses sentiments ne comprend pas pourquoi c'est si important pour son partenaire de tout savoir. Dans le meilleur des cas, on se quitte en bon terme, dans le pire des cas, on se déchire et on laisse notre partenaire emporter une part de nous, à jamais.

Et après ça, on ose encore me demander pourquoi je ne veux pas de mec.

Je tourne la tête à gauche et observe cette fois-ci une famille. Un père, une mère, une fille et un petit garçon, ils se tiennent tous la main et marche presque en dansant. Ceux-là il n'y a pas de doute, ils sont heureux.

Ils me feraient presque penser à ma famille avant que l'on ne se déchire. Nous aussi nous faisions de balades dans les parcs en trottinant, je faisais des blagues et tout le monde en riait. Arthur venait m'embêter dès que je me mettais dans ma bulle, il s'en donnait à cœur joie, chaque fois, je le repoussais, j'en viendrais presque à le regretter maintenant.

Qu'est-ce que je donnerai pour qu'il revienne s'allonger dans l'herbe proche de moi. Il adorait regarder les nuages et essayait toujours de voir à quoi faisait penser leur forme, c'était notre petit jeu, à celui qui trouvera la meilleure interprétation. J'étais beaucoup plus dans le réalisme que lui, je voyais des objets ou des animaux. Lui il ne voyait que de l'imaginaire, des monstres jusqu'aux sorcières, il avait toujours plus d'imagination. Je suppose que c'était car il préférait fuir la réalité.

On sortait tous ensemble tous les week-end, ça pouvait aller de la sortie cinéma, à la sortie culturelle du genre visite de musée, le truc bien chiant. Mais je ne ronchonnais jamais, car je les aimais, oui, je les aimais plus que tout. Alors je profitais de ces moments avec eux, sûrement pas assez, avec du recul, je ne leur ai jamais dit, mais les sorties du week-end, je les attendais toujours avec impatience. C'était l'occasion pour moi de relâcher la pression et de profiter en famille. L'occasion d'oublier les soucis, les problèmes, et de juste vivre.

Cette famille, je l'aimais réellement. Même si les grands repas me cassaient les pieds, même si les parents ne nous laissaient jamais sortir, même si Arthur n'allait pas bien, je l'aimais cette famille. C'était ma famille. Cette même famille qui n'existe plus à l'heure actuelle.

Aujourd'hui, mon cœur se serre chaque fois que je vois une famille au complet, car j'étais heureuse comme eux, et j'ai appris à mes dépens que tout peut basculer avec un événement, et rien n'est plus jamais pareil.

Chaque fois que je vois des jeunes en famille sur leurs portables, j'ai envie de leur crier de lâcher leurs téléphones, car leur famille n'est pas éternelle, mais ils ne m'écouteraient pas, alors à quoi bon ? Je préfère fulminer en silence et les laisser dans leur tranquillité. Après tout, c'est leur problème, pas le mien.

Et puis le problème ne vient que de ma famille. Après tout, on aurait pu se serrer les coudes et surmonter cette épreuve ensemble, on aurait pu rester unis et s'entraider, ils auraient pu me donner du soutien et je m'en sortirai sûrement beaucoup mieux qu'à l'heure actuelle. On aurait pu rester tous ensemble pour honorer sa mémoire, on aurait pu se prendre dans les bras à ses funérailles, on aurait pu partager nos peines et pleurer ensemble. J'aurai eu une épaule pour pleurer, ils auraient encore un enfant. Tout serait différent. Mais rien de tout ça n'est arrivé. Non, nous, on a préféré que chacun se renferme sur soi-même, enfin, moi sur moi-même. Eux, ils sont deux. On a préféré ne pas s'adresser un regard à ses funérailles et pleurer chacun dans son coin. On a préféré s'éloigner les uns des autres. On a préféré se déchirer plutôt que de se reconstruire ensemble. Je dis on, mais ils ont décidé pour moi, je n'ai jamais voulu ça, je n'ai jamais eu le choix.

Ce sont mes parents qui ont décidé de m'oublier et de me rejeter. Comme si je n'étais qu'un vulgaire obstacle à leur guérison. Moi, j'ai simplement appris à vivre avec et à cultiver ma haine pour ce qu'ils ont fait. Au début, j'ai encaissé, mais j'ai gardé espoir qu'ils reviennent vers moi, cependant, au fur et à mesure que le temps passait, j'ai compris que c'était peine perdue, ils ne reviendraient pas, je devais m'y faire. Prendre tout pour moi n'était pas une solution, non, je devais accepter, accepter que cet acte était inadmissible, mais qu'ils avaient quand même décidé de le faire, sans aucun regard pour mes sentiments. Alors j'ai choisi de les détester. Après tout, j'ai toujours dit "la haine avant la tristesse".

Ce sont leurs comportements qui me l'ont appris. Pourquoi gaspiller mes larmes pour des gens qui renient leur fille ? Pourquoi gaspiller mes larmes pour des menteurs de premières ? Pourquoi gaspiller mon temps pour des pourris comme eux ?

Ils ne méritent aucunement mes larmes, alors ils auront ma haine.

Les gens me prennent pour une sans-cœur, mais regardez dans quel milieu j'ai grandi. Ils ne tiendraient pas une seconde dans mon monde, la vérité, c'est que tout le monde adore me critiquer, mais jamais personne n'a cherché à me connaître. Arthur est parti et m'a arraché une partie de moi, laissant un trou béant derrière lui. Je ressens son absence lorsque je sors et que je passe devant un groupe d'enfant, je ressens son absence lors de mes moments de joie, lors de mes moments de vie. J'aurais voulu les vivre avec lui. J'aurais voulu qu'il soit là quand j'ai obtenu ma licence, quand j'aurais mon master. J'aurais voulu qu'il soit là pour me redonner le sourire dans mes moments de down. J'aurai voulu le serrer dans mes bras une dernière fois. Vivre avec lui juste une dernière fois.

Ceux qui me jugent ne connaissent de moi que ce que disent les autres. Ils y a du monde pour me regarder de travers, mais personne pour en discuter avec moi. Je m'agace intérieurement rien que d'y repenser, mes poings se crispent sur le volant, j'ai chaud, la colère monte. Les gens sont d'une connerie. Pourquoi ils s'acharnent toujours sur moi ? Je ne leur ai rien fait moi. Il faut vraiment que je me calme. Je ne gagnerai rien à les insulter, hormis une réputation encore pire. Est-ce qu'ils en valent la peine ? Certainement pas. Au final, c'est la vie, on est tous le méchant d'une histoire, si ça peut les faire se sentir mieux que d'accuser quelqu'un sans preuve, allez-y, défoulez-vous, ce n'est pas quelques critiques ou mauvais regards qui vont me tuer, j'ai bien plus important à gérer.

Je suis tirée de ma rêverie par de gros bruits en fond et des coups. Merde, un mec tambourine à ma fenêtre, me criant d'aller me faire foutre. Effectivement mec, j'étais perdue dans mes pensées, je n'ai pas vu le feu passer au vert. Pas la peine de m'insulter, enfoiré. Je lève la tête et lui offre mon plus beau sourire... accompagné d'un joli doigt d'honneur. Bah quoi ? Il l'a mérité ! Le temps de redémarrer au moins 5 voitures me passent devant et klaxonnent comme des malades, à croire que ça ne leur est jamais arrivé, à eux, un moment d'égarement. Il serait temps d'aller se faire foutre.

Là où les cœurs devraient guérirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant