Noirs présages - Lorem ipsum I

Chapitre III - Partie 2

Mardi 30 décembre 2014 – 22h 27 – Près de Marseille

Si Simon voyait juste, des indices quant à l'identité de l'auteur pourraient se cacher dans le livre lui-même. Ticia décida de l'ouvrir pour y lire une éventuelle section « Remerciements » ; elle n'en trouva aucune. Il n'y figurait pas non plus de dédicace qui indiquerait le prénom d'un proche de l'écrivain. A-Linnéa, le nom figurant sur la couverture, ressemblait davantage à une blague qu'à un patronyme. Ticia ne connaissait personne pour y répondre.

Contrariée, la jeune femme ouvrit le livre sur le premier chapitre :

« Chapitre I – Un étrange colis

Vendredi 31 octobre 2014 – 21h 53

Meg ouvrit les paupières et regarda à mon travers. Ses yeux distinguaient la table entre nous, le siège derrière moi, mais rien de ma présence. La frustration me consumait de ne pouvoir lui parler ; elle ne s'en souciait guère. Il restait tant à dire ; elle n'écoutait jamais. »

Hé ! Mais on dirait mes notes ! Ticia parcourut les trois paragraphes suivants, sans grande conviction. Sa patience entamée, elle contemplait l'abandon du livre. Rien ne l'obligeait à poursuivre ; inutile de chercher l'expéditeur. Quant à moi, je commençais à suspecter quelqu'un.

Sur le sol, à côté du lit, le téléphone vibra. Ticia s'en saisit, oubliant momentanément son instant de faiblesse. Elle venait de succomber à la curiosité. Celle-ci, combinée à la fatigue et à l'ennui, l'avait incité à ouvrir Noirs présages. À présent embarrassée du portable plus que du livre, elle décida que ce roman valait moins qu'un SMS.

Je ne me souvenais pas que Ticia ait souri de la sorte devant moi auparavant. Je sentis une pique me percer le cœur. Jamais je n'avais su illuminer son visage de joie. Quelqu'un d'autre, semblait-il, le pouvait. J'en souffrais.

« Noor » eus-je à peine le temps de lire avant que Ticia n'éteigne l'écran. Je me noyais dans ma propre colère. Elle m'enserrait la poitrine. Toutes griffes dehors, je tentais de m'accrocher à la toile du monde. Malgré toute ma hargne, je la sentais filer entre mes doigts. Avant de disparaître, ma conscience happée par une autre réalité, je perçus un dernier écho des pensées de Ticia : « Puisque Noor cherche le livre, je n'ai qu'à le lui donner. Par la même occasion, je me débarrasserai de la tentation de le lire avant que l'expéditeur ne se dévoile. »

Un instant, je conservai les paupières closes. J'essayai de contenir ma colère. Dans une tentative pour me calmer, je dressai une liste mentale de ce que je venais d'apprendre. Noirs présages ressemblait étrangement aux notes que je prenais depuis que j'observais Ticia. En serais-je l'auteur, alors ? Dans ce cas, et si Simon supposait juste, je devrais envoyer le livre pour qu'elle le reçoive chez sa mère, pour sonanniversaire.