Chapitre V - Partie 5

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Samedi 28 mars 2015 - 8h 07 - Près d'Angers

Ticia parvint à s'extirper de la toile gluante du sommeil. Elle se rappelait vaguement de quelques rêves, mais à mesure que ses sens lui revenaient, les détails s'estompaient. La réalité se rappela à elle : quelqu'un menaçait Noor. Aussi longtemps que Laetitia ignorait qui, parler à son amie la mettrait en danger. La jeune femme s'étira, puis pressée d'en finir, reprit sa lecture :

« Je marchais sur le sentier, en direction de la ferme. Détail insolite : l'endroit semblait désert. D'habitude, je ne suis ce chemin qu'en bonne compagnie. Mais ce jour-là, la solitude me tenait par la main. J'ai aussi pour coutume d'écouter le chant des oiseaux, lors de ces promenades digestives ; ici, le silence étouffait le moindre murmure. Pourtant, je ne m'arrêtais sur aucun de ces détails. Seule ma destination comptait.

Je parvins jusqu'à la rivière qui s'assèche parfois au soleil et oublie quelques flaques de vase. Plutôt que de longer le lit jusqu'au pont, je choisis de sauter par-dessus. Je m'effondrai dans la boue. Mes jambes s'enfonçaient dans la terre comme dans des sables mouvants. En posant mes mains sur le sol pour pousser dessus, je notais cet étrange phénomène : mes doigts se multipliaient. C'est à cet instant que je compris que je rêvais.

Je me redressai donc, dans une tenue impeccable. En un battement de cils, je me retrouvai derrière la maison, au pied des escaliers défraichis. Plus jeune, je me souviens avoir interrogé mes cousins sur la porte, en haut des marches. Ils prétendirent qu'un fantôme habitait en haut. Ils croyaient décourager mon ascension ; je montai dès qu'ils tournèrent le dos. À l'époque, je ne comprenais pas qu'ils voulaient me préserver du danger. Aujourd'hui, je vois bien l'état du béton. Moi aussi, je déconseillerais à quiconque de s'y aventurer. Et malgré tout, je grimpai.

À mon arrivée, la porte s'ouvrit. Je dus plisser les yeux pour distinguer les contours dans cette pièce aveugle. Connaissant les lieux, je craignais de me prendre les pieds dans le bric-à-brac, si j'avançais au hasard. J'imaginai donc une bougie, qui se planta au milieu de la salle, et s'alluma sur un décor inhabituel. Je m'attendais à trouver le désordre d'un vieux grenier ; une cuisine se présentait à moi. Sous la bougie, trônait une table à la parure blanche, couverte de dentelle noire. À l'exception de la nappe, les surfaces collectionnaient la poussière.

Je contournai le meuble central. Mes pas soulevaient la poussière et notaient mon passage. Lorsque je parvins de l'autre côté le rêve disparut. »

Ticia se passa une main sur le visage. Ce qu'ellevenait de lire lui rappelait étrangement un rêve de la nuit dernière. Ellesecoua la tête. C'est ridicule ! songea-t-elle. Ça doit justeêtre une coïncidence ! Malgré son propre raisonnement, elle se sentaitnerveuse. Quelqu'un menaçait Noor et ce carnet n'aidait en rien à résoudrel'affaire. Il lui faudrait de l'aide. Mais qui croirait à cettehistoire ? Et qui saurait comment s'y prendre ? Soudain, les yeuxde Ticia s'arrondirent. Aaron ! Son ancien camarade détenait sansdoute le contact de l'auteur. Il saurait comment joindre A-Linnéa.

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