6. Le grimoire

20 1 2
                                    



Percy ne pouvait songer à fermer les yeux. La fatigue lui faisait perdre la tête, mais il continuait à écrire, écrire, écrire, jusqu'à ne plus distinguer les mots sur le papier. Les paupières lourdes et la poitrine prise d'une sensation d'angoisse, il entendait des murmures dans la pièce. Parfois des murmures menaçants. 


Un murmure plus sinistre que les autres le fit frissonner et se réveiller de sa torpeur. Un murmure glacial qui résonna et qui disparut aussitôt, laissant la pièce dans un silence absolu. 


"Qui êtes-vous ?" Percy se surprit à parler. Le son de sa voix était étouffé. 


Le silence de la nuit, c'était ça qui animait les voix. C'était ça qui faisait refléter les ombres aux murs. Le détective pinça son bras dans l'espoir que tout ceci n'était qu'un cauchemar. Un "aïe" provenant de sa bouche confirma que ce n'était pas un cauchemar. 


"Laissez nous tranquilles." 


Cette phrase fut prononcé comme un avertissement. Percy observait autour de lui pour essayer de comprendre d'où elle provenait. Dans un moment de folie, il attrapa la bougie sur son bureau et se dirigea vers le grenier. 


La trappe du grenier était étrangement ouverte. Percy tendit le bras pour éclairer de sa bougie l'espace poussiéreux. L'angoisse montait de plus en plus à mesure qu'il arrivait à hauteur du vieux parquet du grenier. L'endroit était exigu, les objets ne laissant presque pas de manœuvre à Percy pour poser ses pieds. Au milieu de ce bazar sans nom, Percy aperçut  un livre dont la couverture était un pentacle.  


"Le grimoire..." chuchota Percy.


Il s'empressa de l'ouvrir, innocemment. Les pages engagèrent un spectacle effrayant. Elles se tournaient elles-mêmes, s'arrachaient, s'envolaient dans les airs. Lorsqu'elles s'arrêtèrent enfin, la nuque de Percy bascula en arrière. Une vision le prenait. 


- Flashback -

Il se vit dans le jardin du manoir, entouré des enfants et d'une femme allongée dans l'herbe, semblant rêvasser. Il se demandait si c'était un souvenir ou juste son imagination. Violette était avec Anne-Lise et jouait à chat. Les jumelles riaient en se tirant les cheveux. Georges était dans les bras d'Isabelle, gazouillant en secouant ses mains frénétiquement.


"Maman, maman, regarde l'oiseau là bas !" 


Le visage d'Anne-Lise était ébloui par le soleil. Une petite fille rayonnante aux yeux clairs. Violette lui ressemblait tellement.


"Va dire ça à Isabelle, je n'ai pas le temps." 


Percy reconnut Margot. Son regard était empli de douleur. Elle était là sans être là, absente. Comment en était elle arrivée à maudire son existence ? 


Isabelle souriait à Georges. Lorsqu'elle entendit Margot, ses yeux devint noirs de colère. Georges ressentait le mal-être d'Isabelle au point où il se mit à se tordre dans tous les sens et à hurler. Elle caressa son crâne pour l'apaiser mais rien n'y faisait, le bambin s'agitait à s'égosiller.


"Venez, rentrons." dit finalement Isabelle, voyant que Margot ne bougeait plus. 


- Fin du flashback -


Percy se réveilla de son sommeil forcé, sonné et perdu. Il ne savait pas s'il devait chercher à comprendre Margot  ou la détester de tout son âme. Il était cependant fasciné par la vision qu'il venait d'avoir. Pourquoi lui ? Pourquoi maintenant ? 


Les ombres revenaient à lui soudainement, plus déterminées que jamais à faire passer leur message. Les murmures reprenaient de plus belle, toujours plus fort, forçant Percy à se boucher les oreilles. 


"Tu n'es pas le bienvenue ici, pars !" La voix s'énerva. "Tu ne dois pas déterrer le passé."


Percy prit son courage à deux mains et répondit à la voix, tremblant de tout son être. "Dites moi qui vous êtes !"


Une des pages du grimoire déchirée se posa délicatement devant Percy, désormais les genoux au sol. Il préférait devoir lire que d'entendre des esprits. Au final, les deux situations le rendait malade.  


Sur la page était inscrit un poème avec des rimes. C'est à la fin de sa lecture que Percy devina qu'il s'agissait d'un sort. Un sort qui n'avait pas l'air bienveillant, au contraire. 


"Ô puissant démon, libère-moi de ces chaînes,
Qui ne font qu'accentuer mes peines.
Par ce pacte obscur, je te donne mon âme,
Que ta puissance m'enveloppe de sa flamme.

Que ta force traverse mon être entier,
Par ce lien infernal, que mon destin soit scellé.
Que les cieux s'assombrissent et que les vents hurlent,
Par ton pouvoir, que mes ennemis reculent.

Ô sombre seigneur des profondeurs damnées,
Accorde-moi ta puissance sans pitié.
Que les ombres m'enlacent et les flammes me couronnent,
Par ce pacte maudit, que ma volonté résonne."


Il devina ainsi que c'était le sort de Margot, celui du soir où Isabelle avait tenté d'empêcher cette dernière de le réciter. Margot avait vendu son âme à un démon pour rendre ses pouvoirs inépuisables. 


"Pourquoi me montrez vous ça ?" 


Une deuxième voix se rapprocha du visage de Percy. Il sentit le même souffle qu'il y a quelques jours. Ce souffle qui l'avait terrifié et qui le rassurait à présent. 


"C'est moi, Anne-Lise." La deuxième voix était plus douce, accueillante. "Dis à Violette de détruire le grimoire. Elle seule peut le réduire en cendres."


Percy était dans l'incompréhension. Violette n'avait pas de dons pour la magie et les autres enfants n'en avait jamais manifesté non plus. 


"Mais comment ?"


"C'est l'élue."


  



La maison du coinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant