ELIT

18.

- Tilya, tenta Tobin une énième fois, je te promets que tu peux me faire confiance.

Cela faisait bientôt une demi-heure qu'il la suivait partout où elle allait. Même lui s'étonnait de ses capacités de détermination. Jusqu'ici, elle avait toujours refusé et il ne comprenait pas pourquoi. L'objectif ultime de Tilya était de faire sortir les participants du Bunker, quand enfin, ils avaient trouvé un moyen, elle se fermait à toutes négociations.

Pour la première fois depuis qu'il avait commencé son petit numéro d'harcèlement, – épuiser la jeune fille jusqu'à ce qu'elle cède était son dernier recours – Tilya soupira et se retourna, le visage fulminant. Tobin eut un mouvement de recul, se disant qu'il était peut-être allé trop loin.

- Je te fais confiance, Tobin, affirma-t-elle et il esquissa un sourire satisfait, c'est ELIT que je ne crois pas. Et je ne veux pas donner l'avantage à l'organisation, donc pas de Hacen. Désolée.

Il eut un spasme énervé, il avait été à deux doigts d'avoir une réponse positive.

Le temps qu'il se fâche tout seul, Tilya avait déjà disparu. Elle était débordée, aussi étonnant que cela pouvait paraître, ELIT n'avait pas conçu le Bunker pour accueillir les participants d'ELIT Beauté. Ils n'avaient pas assez de lits, de nourriture ou d'eau. Tobin savait qu'il était privilégié grâce à son poste, ce n'était pas le cas de tout le monde : beaucoup de participants avaient été obligés de laisser leur couchette et dormir dans le hall d'entrée parfois même sans sacs de couchage.

À chaque nouvelle minute qu'il passait dans les couloirs du Bunker, Tobin voyait de plus en plus le besoin de libérer ces adolescents. La vie s'était transformée en survie.

Il décida d'aller faire une pause et rejoignit les cuisines où avait été affectée Airla. Avec le manque de ressources, Tilya avait rassemblé le maximum de personnes afin de trouver des idées. Ils devaient réussir à créer de nouveaux repas à partir des restes des anciens, Tobin n'avait jamais été aussi heureux d'être à la patrouille : il avait évité le pire.

Le jeune homme poussa la porte des cuisines et fit la grimace sous l'effet des relents âcres d'aliments carbonisés. Ce n'était même pas une surprise : à part les grands chefs, plus personne ne cuisinait à domicile. Le savoir-faire s'était perdu. Il pensa aux petits plats de sa mère et pour la première fois depuis des mois, il aurait tout donné pour revoir ne serait-ce que son visage ou un sourire de sa part.

Sa famille lui manquait terriblement.

Il aperçut Airla qui faisait de son mieux pour paraître occupée, il y avait tellement de personnes dans ces cuisines et si peu de place ; les trois-quarts des participants faisaient juste figure de présence. Tobin accorda un signe à son amie, elle quitta sa place pour se diriger vers lui.

- Hey ! le salua-t-elle. Je croyais que c'était ton tour de garde.

Tobin haussa les épaules tout en quittant l'atmosphère pesante et malodorante de la pièce.

- Comme aucun des membres de la patrouille ne semble m'apprécier, j'en ai conclu que ça ne serait pas un problème si je quittais mon poste quelques minutes.

- Et comme la responsable du Bunker semble beaucoup t'apprécier, j'imagine que ça ne sera pas un problème que tu fasses une ou deux entorses au règlement, s'amusa Airla.

Le jeune homme lui décocha un regard appuyé. Alors qu'ils marchaient, ils passèrent devant un couple qui avait plus l'air de se manger le visage qu'autre chose.

Les deux amis firent la grimace. Ces derniers temps, les couples pullulaient, visiblement, les participants d'ELIT Beauté avaient été très bien entraînés puisqu'ils parvenaient sans aucun mal à séduire la personne qu'on leur avait attribuée. Le plan de Sifrey paraissait marcher comme sur des roulettes, c'était une raison de plus pour y mettre un terme rapidement.