Chapitre 7. Obéissance et rébellion

73 17 13
                                    

Isabella

Le type chargé de garder un œil sur moi me faisait vraiment flipper. Il était assis sur une chaise près de la fenêtre et me fixait depuis déjà deux heures.

Il n'avait pas l'air méchant mais son cou recouvert d'encre ne m'inspirait pas confiance. Son visage enfantin semblait comme inadapté à son corps.

Étant donné le manque de lumière dans la pièce, je ne parvenais pas à le distinguer parfaitement mais sa silhouette restait imposante dans l'obscurité. Il triturait nerveusement ce que je supposais être une bague mais sans jamais la regarder.

Non, tout ce qui intéressait ce larbin était de prendre au pied de la lettre ce que mon kidnappeur lui avait ordonné de faire.

Je vais lui faire la peau.

Je priais intérieurement pour qu'il s'en aille, ou du moins pour qu'il détourne les yeux ne serait-ce que quelques secondes. Avant qu'ils ne rentrent tous dans la chambre, j'avais volontairement poussé la table de chevet à l'aide de ma jambe pour tenter de récupérer un bout de verre qui me permettrait d'ouvrir le cadenas qui verrouillait mes chaînes.

Avoir grandi aux côtés d'un homme comme mon père allait enfin me servir à quelque chose. Si j'avais réussi à le fuir, je ne voyais pas en quoi cette situation serait différente.

Respire, tout va s'arranger.

- Tu peux arrêter de me regarder comme ça ?, prononçai-je finalement.

Il ne détourna pas la tête, son silence en guise de seule réponse. Ce mec commençait à me donner des frissons. Je ne comprenais d'ailleurs toujours pas pourquoi il n'était pas parti avec les deux autres.

Peut-être parce que tu es une captive qu'il tuera à son retour ?

Je chassai rapidement cette idée de mon esprit. Il ne me tuera pas. Tout ce qu'il souhaitait était que je parle mais je ne comptais pas l'ouvrir. Il bluffait, et ce qu'il tentait de faire passer pour des certitudes n'étaient en réalité que des suppositions.

- Je peux aller aux toilettes ?

Ma vessie commençait à sérieusement me faire souffrir, sans parler de la douleur qui irradiait toujours ma jambe. J'étais loin d'être dans un état critique mais ce jeu m'épuisait.

Et dire que le gardien de cette maison se pensait drôle avec sa bouteille d'eau et son verre... C'était ridicule.

- Je n'en peux vraiment plus là...

Je me tortillais à présent dans tous les sens, espérant lui inspirer un brin de pitié. Mais toujours sans prononcer un mot, il sortit de la pièce.

Sérieusement ? C'est un rituel chez eux de sortir à la moindre de mes demandes ?

- Je te préviens, un mouvement brusque et je te braque une arme sur la tempe jusqu'au retour de Cole. Et je serais toi, j'éviterais de me le mettre définitivement à dos, répliqua-t-il finalement en revenant vers moi, une clef à la main.

Sa compassion me fit reprendre espoir. Je hochai timidement la tête en guise de réponse.

Intérieurement, j'avais envie de hurler de rire. Ce que je prenais pour des tatouages recouvrant l'intégralité de son cou était en réalité... une minerve. Voici la raison pour laquelle monsieur regardait droit devant lui.

Bien joué, détective Martinez.

Le soulagement que je ressentais maintenant que mes poignets étaient libérés était indescriptible. Toujours assise sur le lit, je frottais tour à tour ces derniers à l'aide de ma main libre. Je tentai alors de me lever mais l'une de mes jambes était encore trop faible pour me permettre de trouver l'équilibre parfait.

- Attends, ajouta-t-il tout en se plaçant à mes côtés pour m'aider à marcher.

Je me reculai tout d'abord instinctivement au contact de sa peau sur la mienne. Il l'aperçut et me lâcha, me laissant avancer doucement afin de ne pas placer trop de poids sur ma jambe douloureuse. Je lui jetai un bref coup d'œil mais il regardait droit devant lui, l'air impassible.

C'était quoi son plan ? Être aimable et courtois avant de m'assassiner jusqu'au retour de l'autre taré ?

Tandis que j'entrai dans la salle de bain, mon garde attitré continuait à me suivre de près. Contrairement au couloir qui était parsemé de fenêtres s'étendant du sol au plafond, la pièce dans laquelle je me trouvais à présent n'en comportait aucune. Pour ne rien arranger, celui qui était collé à mes basques s'assit sur la grande baignoire placée à l'autre bout de la salle de bain et me fixa. Ce n'était clairement pas ici que j'allais pouvoir m'échapper.

- Tu vas vraiment me regarder là ?

Il baissa alors les yeux, sans cesser de triturer ce que j'observais à présent comme étant une chevalière en or. Je croisai les bras, poussant un soupir aussi fort qu'il m'était permis de le faire. Le jeune blond ne cillait pas et bougeait frénétiquement sa jambe droite tout en faisant tourner de son doigt l'objet de ses contemplations.

Il fallait que je me résigne. Je défis alors mon pantalon de survêtement tâché de sang et m'assis. À cet instant, il décida finalement de relever la tête dans ma direction.

- Putain mais t'es sérieux ?, criai-je tout en tentant de cacher le peu d'intimité qu'il me restait avec mes bras.

- Merde... Je... Pardon !

Son visage s'était décomposé sous l'effet de la panique, ce qui m'arracha un sourire. Ses traits enfantins ne m'angoissaient pas, contrairement à ceux de Cole, froids et impassibles.

Ils se ressemblaient tout deux bien que celui à mes côtés semblaient plus... doux. Il avait définitivement l'air plus docile et cette constatation me confortait dans l'idée que j'avais peut-être une chance de m'enfuir.

Avant de m'emparer d'une feuille de papier toilette, je le regardai à nouveau. Mon expression lui hurlait de se retourner. Ce mec était un pervers ou quoi ?

- Écoute, souffla-t-il tout en passant une main dans ses cheveux en bataille. Je suis désolé. Je suis désolé que tu sois ici parce que c'est de ma faute. Je t'ai prise pour Adalyn hier et puis t'étais blessée alors...

Ses gestes trahissaient sa nervosité. Ses mains tremblaient et passaient sans arrêt de sa chevalière à ses cheveux.

Je ne répondais cependant rien. Je ne savais pas quoi lui dire en réalité.

Allaient-ils me tuer si je leurs disais qu'Adalyn était ma sœur ? Ce n'était pas impossible. Et ce manque de certitude, aussi infime pouvait-il être, me poussait à subir cela. Ma famille était encore une fois la cause de tous mes maux.

Pouvait-on échapper à son destin ? Parfois, j'avais l'impression que ma vie n'était qu'un chemin tout tracé, sombre et solitaire. Personne ne se souciait de moi, personne ne pensait à moi. J'étais seule, livrée à moi-même depuis que j'étais partie.

Était-ce de cette façon que la vie récompensait ceux qui souffraient ?

En six ans, le chantier qu'était ma vie semblait toujours abandonné. Mais eux, mes démons, prenaient plaisir à combler le vide de ce paysage. Ils me suivaient sans cesse, en silence, jour et nuit.

Ils ravivaient les cicatrices recouvrant mon dos, me rappelant constamment de ne pas faire de vague, d'être plus docile et moins téméraire. Mon père adorait ce mot : l'obéissance.

Jamais je n'oublierai.

Toujours sans un mot, je me lavai les mains tout en évitant de croiser son regard dans la glace. Son téléphone se mit soudainement à sonner.

Et alors qu'il entreprit de répondre dans le couloir, je me précipitai sur lui pour planter dans son abdomen le long bout de verre que je tenais fermement dans ma main.

***

Voici comme promis le nouveau chapitre de la semaine !

Vous aimez ? Il semblerait qu'Isabella ne se laisse pas faire en tout cas...

À bientôt pour le chapitre 8 🫣

Avec tout mon amour,
Ox

Nos âmes meurtriesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant