Chapitre 2 : Tiana

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"Mademoiselle Hawthorne ?"

Je lève les yeux vers la professeure en entendant mon nom et voyant que tous les regards de mes camarades sont tournés vers moi. J'écoute rarement pendant nos cours obligatoires car je sais pertinemment que l'on nous répète chaque fois les mêmes choses en vain.

"Oui ?" je demande à contrecœur.

La professeure lève les yeux au ciel par-dessus ses lunettes aux montures argentées en entendant ma voix agacée. Sa longue robe blanche cintrée au niveau de la taille montre une certaine richesse comme ceux que je surnomme moi-même être de la "Première classe sociale". Ils s'habillent tous de cette couleur pour bien que tout le monde comprenne leur importance. Le blanc, symbole de paix, de pureté ou encore d'innocence. Ils le portent très mal à vrai dire car ils sont tout le contraire de ces symboles.

Ils n'encouragent pas la paix mais la guerre en nous regardant de haut pour nous prouver leur supériorité et leur mépris à notre égard. Ils sont loin d'être purs en ne cherchant jamais vraiment à aider quiconque dans le besoin, quitte à laisser des familles entières mourir de faim. Et pour finir, ils sont encore moins innocents en étant parfaitement conscients de notre situation et des moyens par lesquels ils pourraient nous aider mais ils n'en font rien.

"J'imagine que vous n'avez pas écouté un mot du cours depuis le début de l'heure alors je vous répète ma question : Que devons-nous éprouver envers les membres du Conseil à chaque instant de notre vie ? répète-t-elle, sa voix aiguë me ramenant à la réalité.

-De la gratitude et de la loyauté en leur montrant notre reconnaissance pour le monde qu'ils ont bâti, je soupire en récitant à la lettre le cours de la veille. Même s'ils ne la méritent absolument pas..." je siffle entre mes dents.

Un coup de pied sous la table de la part de ma voisine me fait réprimer une exclamation de douleur. Je grimace en me tournant vers cette dernière tandis qu'elle se penche vers moi pour me murmurer à l'abri des oreilles indiscrètes ;

"Mais ça va pas bien, tu veux mourir ou quoi ?! Tu as vraiment de la chance qu'elle ne t'ait pas entendue..."

Je jette un rapide coup d'œil vers la professeur pour vérifier les dires de mon amie et je m'aperçois qu'elle a repris le cours de sa leçon, apparemment satisfaite de ma réponse.

"T'inquiète pas pour moi, Tiana. Et entre nous, ce n'est pas comme si toi, tu courais un grand risque avec ton futur déjà tout tracé..."

Je regrette instantanément mes paroles et désire m'excuser à peine quelques secondes plus tard mais elle est déjà en train de reprendre des notes souhaitant écouter le cours et visiblement vexée. Je me renfrogne alors contre le dossier de ma chaise, bien décidée à ne pas retenir un mot qui sortira de la bouche de notre professeure en attendant patiemment que le temps passe jusqu'à la sonnerie.

J'ai l'impression de toujours agir avant de réfléchir et cela me joue souvent de mauvais tours. Les hauts et les bas de mon amitié avec Tiana en sont le parfait exemple. Cette fille fait partie de ce que j'appellerais la "Seconde classe sociale". Tous vêtus de bleu marine et les trois quarts du temps en uniforme, ils représentent notre protection. Après les cours obligatoires, eux n'iront pas travailler dans les usines comme moi mais suivront un rude entrainement physique pour devenir ce que l'on appelle les "Gardiens de notre Cité" ou plus communément les "gardes".

Lorsqu'ils deviennent trop vieux ou se blessent irréversiblement, ils ne sont pas abandonnés à leur sort mais deviennent des marchands, financés par le gouvernement pour les "remercier" d'avoir servi les citoyens durant toute leur vie. Ils peuvent alors finir leurs jours derrière les étals devant lesquels nous passons chaque matin pour nous rendre en cours. Ils ont le droit de profiter d'une retraite "méritée", après nous avoir soi-disant défendus durant toute leur vie sans aucun répit alors que nous savons parfaitement qu'ils se contentent de faire des tours de garde jours et nuits dans les rues de la Cité, guettant un potentiel danger.

Au nom de la LibertéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant