Les journées de repos ne portent pas vraiment bien leur nom pour nous. J'ignore si elles se déroulent de la même manière pour toutes les familles de notre cité mais je pense que ce n'est pas le cas. Les différences sociales se font ressentir à tel point que les moments où l'on est censé prendre du temps pour nous nous sont arrachés par la charge de travail qui nous attend.
Parfois, nous devons nettoyer de fond en comble le taudis qui nous sert de maison, parfois nous devons entretenir ce qui se trouve en dehors de ce foyer. Les gens ne se soucient jamais vraiment de ce qu'il y a à l'intérieur tant que l'extérieur est présentable et cette vérité ne s'applique pas seulement sur nos habitations.
Mais nous devons vivre ainsi, nous n'avons pas le choix. Un seul faux pas et adieu l'existence.
Aujourd'hui, j'effectue tout ce que l'on m'a dit de faire, mécaniquement tel un pantin, en pensant à ce qui m'attend au crépuscule. Je ne rechigne pas à arracher à mains nues les branches et les ronces accumulées sur la façade de notre maison tandis que mon frère se charge des mauvais herbes. Les entailles sur mes doigts fins se font de plus en plus nombreuses mais je ne me plains pas, je ne dis rien, pas le moindre mot.
Nos parents s'occupent de l'intérieur de la maison et n'hésitent pas à jeter des coups d'œil réguliers à la fenêtre afin d'être certains que le travail est bien fait de notre côté. Je lève les yeux presque toutes les minutes pour surveiller la course du soleil dans le ciel, quelques fois dissimulé par les nuages gris.
Mais les heures passent, le travail continue et mon impatience mélangée à l'appréhension ne cesse de grandir à l'idée de revoir l'inconnu. Même lorsque nous finissons notre travail du jour et obtenons le droit d'avoir notre dîner, je n'arrive pas à arrêter de fixer l'extérieur dans l'espoir que le soleil fasse une soudaine pointe vers la terre en laissant place à la nuit. Malheureusement, ce miracle ne vient pas et la douce brise nocturne se fait encore attendre durant de longues minutes.
Lorsque le ciel commence à se colorer de légères teintes orange et rosées, je prête attention à mes parents et mon frère qui partent vaquer à leurs occupations du soir. Ces dernières consistent principalement à rester dans sa chambre respective et attendre en fixant un point imaginaire dans la pièce pour réfléchir à ce que l'on pourrait bien faire pour vivre plus décemment. La réponse est toujours la même, rien. On ne peut rien faire.
Après m'être assurée que personne ne se trouverait sur mon chemin lors de ma sortie clandestine, je me dirige silencieusement vers l'entrée de la maison. Je manque de me faire repérer par mon père lorsque je pousse la porte qui grince légèrement. Je l'aperçois tourner la tête dans ma direction mais il n'a pas le temps de me voir me précipiter dehors.
La pression redescend et je reprends peu à peu mon souffle au cours de mon trajet. J'apprécie l'air frais de la nuit tombante caresser mon visage. Les rues sont presque désertes à l'exception de quelques marchands qui ferment leurs étals en me regardant d'un mauvais œil. Ils doivent sans doute me prendre pour une voleuse potentielle. En guise de réponse, je passe devant eux, le nez en l'air, en ne leur accordant pas même un regard.
Je poursuis ma route à vive allure vers la fameuse place où ont lieu les exécutions. Le mélange de stress et d'excitation m'ayant envahi un peu plus tôt dans la journée refait soudain surface et le doute me submerge brusquement. Mais je sais que je n'ai plus le choix.
Mes jambes se dirigent d'elles-mêmes de plus en plus vite vers le point de rendez-vous. Je pénètre cependant plus lentement au milieu de la grande place, actuellement vide. Aucune trace de l'homme inconnu pour le moment. Le pendentif en forme de quetzal est gelé, collé contre ma peau et me fait frissonner.
Je me tiens au centre de l'esplanade, inspectant du regard le lieu mais toujours personne. J'attends quelques secondes en silence avant de soudain sentir une présence dans mon dos. Je me retourne en sursautant à la vue d'une paire d'yeux bleus perçants. C'est bien lui.
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Au nom de la Liberté
Fiksi IlmiahSeriez-vous prêt à défier les lois, l'autorité voir tout un gouvernement pour quelqu'un que vous aimiez ? Moi oui... Ils l'ont tuée, ils l'ont assassinée sous mes yeux en sachant parfaitement qu'elle était innocente de toutes leurs accusations...mai...