6 - SNIPER

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Lorsqu'ils ont débarqué dans la cellule, je savais à quoi on devait s'attendre. Et j'implorais de tout mon être pour qu'ils me conduisent moi, l'ayant vécu quelques jours plus tôt. Cependant, elle... elle ne mérite pas d'être autant maltraitée. Peu après leur arrivée pour l'emmener la torturer, j'entends nos ennemis crier pour l'interroger et comme je m'y attendais, Scorpion se refusa à prononcer un seul mot. Bien sûr, nous avons été entraînés pour ça. On nous apprend à endurer toutes les tortures du monde au point d'en mourir, mais à ne jamais dire un mot qui pourrait trahir notre pays. En sachant qu'elle ne parlerait pas, je savais à quoi m'attendre, mais le vivre est une autre expérience. Avant aujourd'hui, je n'avais jamais entendu une femme subir une torture aussi intense. Je perçois ses cris, tout aussi perçants les uns que les autres, qui me touchent au plus profond de moi-même. Ça me brise, et j'échangerai tout, pour subir cette violence à sa place. Je frappe le mur de ce taudis, je m'acharne contre cette porte, dans l'espoir de briser le verrou et de tuer tous les autres pour atténuer sa douleur. J'ai l'impression d'être fou, enfermé ici en entendant son martyre. Je me retrouve à implorer que cela cesse et qu'elle me soit rendue. Plusieurs minutes plus tard, mes prières ont enfin été entendues. Je n'entends plus son cri, mais j'entends ses larmes se rapprocher de notre cellule.


La porte s'ouvre et les deux gardes la jettent violemment dans notre cellule. Je la rattrape aussi doucement que possible et la place assise entre mes jambes pendant qu'ils referment la cellule.


Elle pleure et tremble de peur, encore sous le choc et je tente de la calmer.


- Chut, calme-toi. Je suis là, c'est moi. C'est Sniper. Tu n'es plus en danger avec moi, calme-toi.


Je m'efforce de la mettre en confiance. Elle reste silencieuse, tente de me parler, de m'expliquer, mais je la tire contre moi pour lui faire comprendre que ce n'est pas le moment. En somme, il est nécessaire qu'elle se calme. Entre deux larmes, elle parvient à prononcer une phrase sans bégayer.


- Je me sens tellement idiote, je suis formée pour subir ça bordel. Je devrai plutôt m'estimer heureuse qu'ils ne m'aient pas violé, plutôt que m'acharner sur mon sort !

- Chut, calme-toi. Que ça soit le viol ou le waterboarding, tu ne mérites pas ça ! Arrête de parler, calme-toi. Je suis là, tout va bien.


Au bout d'un moment, je sens qu'elle se détend dans mes bras. Je retire les mèches de son visage derrière ses oreilles et la fixe avec tendresse. Peut-être n'est-ce pas le moment idéal pour y penser, mais quelle beauté elle est. J'ignorais même l'idée qu'il était envisageable d'avoir une beauté aussi incroyable. Son visage bronzé, aux traits délicats, me fascine malgré le manque de lumière qui illumine la pièce. Ses yeux en forme d'amande sont clos et sa bouche pulpeuse est légèrement entrouverte. Elle a presque retrouvé son souffle normal, alors qu'elle s'est endormie contre moi Je l'enlace fermement, espérant que nos équipes parviennent rapidement à nous ramener. Je ne suis pas sûr de pouvoir supporter de l'entendre souffrir à nouveau. Je le promets, les hommes qui lui ont causé tout cela seront tués de ma main, ou je ne m'appelle pas Tyler Brown...


Pendant plusieurs heures, Scorpion se repose contre moi, jusqu'à ce que je commence à la sentir agitée. Elle se met lentement debout, frottant ses yeux et tenant ses tempes, sans doute pour apaiser une migraine causée par ses nombreuses larmes. Après s'être calmée, elle se tourne vers moi et commence à présenter ses excuses.


- Je suis désolée pour ces dernières heures, nous sommes formés à supporter la torture et on ne peut pas dire que j'ai réussi.

- Tu rigoles ?


Elle me regarde curieusement, ne comprenant pas où je veux en venir.


- Pardon ?

- Tu as été extrêmement efficace dans la gestion de la torture, tu n'as pas divulgué une seule information. Tu as réussi à faire face à leur torture et c'est pour ça que nous sommes formés, pas pour ne pas s'effondrer ensuite. Il n'est pas surprenant de s'effondrer après avoir vécu une séance de torture aussi intense que celle que tu as vécue il y a quelques heures.


Elle se tourne vers moi et esquisse un sourire timide. Elle a conscience que j'ai raison. Après avoir vérifié qu'elle se sente mieux, je me permets de l'enlacer délicatement afin de lui témoigner mon soutien et de lui montrer qu'elle n'est pas seule, que nous sommes deux pour faire face à la douleur. Une fois cette étreinte terminée, elle se déplace lentement et plante son regard dans le mien. Je maintiens le regard le plus longtemps possible, sans pour autant en éprouver une gêne. Il semble que ce sentiment ne soit pas partagé, car elle s'écarte délicatement, le regard fixé sur le sol. C'est le moment idéal pour apaiser l'ambiance et quoi de mieux que l'humour pour y parvenir?


- Tu sais que tu es plus jolie quand tu souries ?


Elle laisse échapper un faible rire avant de me répondre :


- Attends de me voir quand je leur botterai le cul, plutôt que l'inverse. Ou alors quand je suis une civile. Là au moins, je ressemble plus à quelque chose que maintenant.

- Je pense que peu importe ce que tu fais ou dans quel état tu es, tu l'es.


L'ambiance s'est plutôt apaisée. Alors que je préférais partir sur de l'humour, je me suis surpris à lui faire des compliments. Je pense avoir perdu le fil entre la décision de lui changer les idées et le moment où des mots ont pris la décision de sortir de ma bouche.


Après de nombreuses heures de discussions plutôt simples, portant sur nos vies civiles, des récits sur notre enfance et sur la première chose que nous ferions une fois rentrer chez nous - d'ailleurs, je dois admettre que je n'ai pas été tout à fait honnête. En rentrant, je lui ai exprimé mon désir de me jeter sous la douche, mais j'ai omis de lui mentionner que cela m'aurait encore plus apprécié qu'elle m'y accompagne. Cependant, je trouvais cela inapproprié, étant donné que nous nous connaissons depuis seulement quelques heures et qu'elle a subi une violence intense il n'y a pas si longtemps. En bref, tout ça pour dire que ces connards nous emmènent enfin à manger et à boire.


Afin qu'elle se rétablisse rapidement de son traumatisme, je lui ordonne de prendre une quantité plus importante de nourriture que moi. Il est évident qu'elle doit reprendre des forces.

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SCORPION - TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant