Le Fléau de Dieu

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Quel macabre trophée que cette tête fichée au bout d'un pic, en plein coeur de la chapelle de Châlons.

Il m'a fallu des semaines avant d'oser demander au Père Armand pourquoi il la conservait. Se remémorant le passé, le vieil homme a longuement regardé par la fenêtre avant de me dire:

-J'y étais... à la bataille des champs Catalauniques... combattant aux côtés d'Aetius et de Théodoric le Goth.

J'avais entendu parler de cette bataille. Parfois, des paysans retournaient encore avec leurs charrues des squelettes et des boucliers brisés.

-Qui était-ce, mon Père? Contre qui vous battiez-vous?

Se retournant vers moi, il m'a paralysé de son regard, son regard était impressionnant.

-Attila le Hun, m'a-t-il répondu.

Puis il s'est mis à raconter.

Dans les années 400, les Huns s'étaient lancés à la conquête de l'Empire romain alors affaibli par la corruption et menacé par l'expansion des tribus barbares, elles-mêmes soumises à la pression de ces envahisseurs.

Les guerriers Huns, originaires des steppes d'Asie, le corps couvert de cicatrices rituelles et les jambes déformées par d'incessantes chevauchées, avaient une allure terrifiante.

Malgré leur terrible aspect, les Huns n'auraient été rien de plus que des malfaiteurs si Attila n'avait pris leur tête. Mais sous les ordres d'Attila qui se faisait appeler "le Fléau de Dieu" et de son frère Bléda, ils ont dévasté la Scythie et la Perse.

J'ai demandé plus de détails au Père Armand sur ce légendaire Attila le Hun, décrit plus comme un monstre que comme un homme dans les récits historiques.

-C'était bien un homme. Mais il ne ressemblait pas aux Romains et ne vénérait pas leur Dieu, ce qui explique les évènements qui se sont produits.

Le Père Armand a alors frissonné, comme si la brise fraîche qui pénétrait par les ouvertures de la chapelle en était la cause.

Chez les Barbares, la souveraineté n'était pas acquise par hérédité ni par droit divin, mais par la volonté du plus fort. Attila, qui était le plus fort des Huns, avait consolidé sa position en brandissant une vieille épée rouillée qu'il prétendait être l'épée de Mars, le dieu de la guerre romain.

Attila avait l'habitude de rouler férocement les yeux, comme pour jouir de la terreur qu'il inspirait. Son charisme lui avait attiré moult partisans; de nombreux étrangers, Scythes, Burgondes et Goths, avaient rejoint son Conseil. Le plus réputé d'entre eux était le fils d'une famille romaine très influente qui avait été envoyé en otage afin d'assurer la paix entre les Romains et les Huns. Il s'appelait Flavius Aetius, et son nom allait marquer à jamais l'histoire.

Maintenant que les souvenirs avaient refait surface, le Père Armand semblait désireux de relater son histoire. Il m'a alors expliqué que les techniques de guerre chez les Huns, et chez tous les peuples barbares, étaient foncièrement différentes de celles des anciens Romains ou des nôtres, nous les Francs.

Les Huns attaquaient en groupe, tirant souvent des flèches tout en approchant avant de battre en retraite. Les nations européennes, qui avaient l'habitude de se battre en lignes rangées, voire en corps à corps, trouvaient ces pratiques guerrières incongrues et incompréhensibles.

Les Barbares ne s'emparaient pas des territoires ennemis. Ils ne tentaient ni de s'approprier ni de coloniser les villes qu'ils attaquaient. Ils ravageaient et pillaient tout sur leur passage, puis rapportaient le butin dans leur camp.

The Age Of Kings And ConquerorsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant