Chapitre 6 Esclave

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Point de vue Kim

Le lundi matin, j'arrive dans ma salle de cours vers sept heures trente. Je suis d'excellente humeur et un peu excitée, il faut bien le dire. Une petite stagiaire pendant deux mois, le rêve ! Bon, maintenant, reste à savoir ce que je vais lui donner à faire. Hier, je lui ai envoyé une liste longue comme le bras de livres à lire sur l'histoire de l'art. Elle devra ensuite me les résumer. Ça va l'occuper. Je réfléchis un instant : pourquoi ai-je autant envie de lui en faire voir de toutes les couleurs ? Est-ce son côté provocateur qui m'incite à lui montrer que je suis la plus forte ? Ou autre chose ? Est-ce qu'elle me plait, ainsi que me l'a suggéré Vicky ? Je souris en repensant à vendredi soir. Ma meilleure amie était aux anges de savoir que cette petite insolente allait être mon « esclave » comme elle l'a surnommée.

— Bonjour.

Je sursaute. Tam est face à moi. Elle est vêtue d'un jeans slim bleu foncé et d'un gros pull beige informe. J'adore ces bottines marron. Je la trouve très jolie.

— Bonjour Tam. Ça va ce matin ?

L'étudiante souffle, exaspérée

— Oui, enfin ça pourrait aller mieux.

Je hausse les sourcils :

— Ah bon ? Qui y'a-t-il ? 

— Eh bien, être votre stagiaire pendant deux mois, comment dire ?

— Vous verrez, ça va très bien se passer, je suis une sympathique prof. Bien, pour commencer, vous avez mon café ?

— Ah non, mince, je l'ai oublié, mais vous ne m'en tiendrez pas rigueur, vu que vous êtes une gentille prof, dit-elle avec un large sourire.

Je respire un grand coup. Décidément, elle n'a peur de rien. Très bien, tu veux jouer ? On va jouer.

— Ça démarre mal, Tam. Bon, pas grave, je vais aller m'en chercher un. Je vous en prends un aussi ?

Elle me regarde, un peu interloquée.

— Euh oui, un expresso avec deux sucres, merci.

— OK, pendant que je fais ça, pouvez-vous aller me faire des photocopies s'il vous plait ? dis-je en sortant un livre sur Léonard de Vinci.

Je vois Tam pâlir et se décomposer

— Des photocopies ? C'est une blague ?

— Non, Pourquoi ? dis-je innocemment. Vous avez oublié mon café donc, je vous fournis une autre tâche à accomplir.

Elle pousse un grand soupir :

— OK, dites-moi ce que vous voulez que j'aille photocopier.

Je lui donne le bouquin et lui commande des copies de tout le livre soit une centaine de pages ! Elle sort un peu en trainant les pieds et je pars chercher nos deux boissons. Je jubile, je vais bien m'amuser.

Effectivement, la première semaine est un succès. Le lundi, donc, elle a passé une grande partie de la matinée à faire des photocopies puis l'après-midi je lui ai demandé de me parler de son peintre préféré. Tam est une passionnée, elle adore l'art sous toutes ses formes, c'est intéressant de parler avec elle. Le jour suivant, elle m'a corrigé des copies de mes élèves de première année. Elle a classé des dossiers datant d'au moins cinq ans dans mon bureau (anciennement celui de mon prédécesseur). À la fin de la journée, elle m'a montré son travail. J'ai été impressionnée. Le jeudi a mal commencé pour elle puisqu'elle est arrivée avec près d'une heure de retard, fagotée comme l'as de pique, les cheveux en bataille et surtout, avec son éternel sourire insolent.

— Oups pardon, je suis légèrement en retard...

— Légèrement ? Vous vous moquez de moi ?

Son rictus s'agrandit.

— Oui bon c'est vrai, mais si vous saviez la nuit que je viens de passer avec deux bombasses, je suis sure qu'elles vous plairaient.

Je m'indigne. Ce n'est pas possible ! Elle me cherche ? Pourquoi cela m'émoustille de l'imaginer avec deux femmes ? Je secoue la tête, je dois me reprendre.

— Je ne veux rien entendre ! Tenez, allez me photocopier la page 25 en 150 exemplaires, merci ! Dis-je en lui donnant un livre sur Rembrandt.

Son sourire s'efface net.

— Encore ! OK, OK, dit-elle en sortant d'un pas trainant.

— Et levez les pieds !

Le vendredi soir, où Tam a couru partout pour me trouver des documents, je me rends avec Vicky à un concours de photos.

Cette dernière m'en a parlé avec enthousiasme, car les profits de cette expo iront à une association en faveur des chiens abandonnés, une cause qu'affectionne particulièrement Vicky. Rien que pour ça, j'adore ma meilleure amie.

Un jour où nous nous baladions dans la rue, elle avait copieusement engueulé un homme qui battait son quatre pattes, elle avait appelé la police et avait du coup récupéré le toutou en question. Il est donc dix-neuf heures quand nous pénétrons dans la galerie. Il y a pas mal de monde, évidemment. Ça fait tellement bien de se montrer soi-disant généreux ! Nous déambulons et regardons les photos. Elles sont belles, mais elles n'ont rien d'exceptionnel, je trouve.

Soudain, dans un coin, je m'arrête et fixe un cliché particulièrement réussi. Il s'agit d'une petite fille dans un parc, qui est en train de jouer. Elle porte une robe vert foncé avec des sandales blanches. Ses cheveux sont détachés, ils donnent l'impression d'être suspendus, comme tenus par un fil invisible. Ce que je remarque surtout, ce sont ses magnifiques yeux bleus, j'ai le sentiment qu'ils brillent. Son sourire est pétillant. Je tombe immédiatement amoureuse de ce portrait. Il me le faut. Aussitôt, je pense à la réaction de Damien, qui ne supporte aucune déco dans son appartement. Je soupire, puis me décide, je vais l'acheter. Je repère le galeriste. Celui-ci répond à mes questions : oui, le tirage est à vendre au prix de deux cents dollars (là, c'est sûr, Damien va hurler. Tant pis, je sens que je dois l'avoir). bien sûr, mon acquisition restera anonyme, donc aucun démarcheur ne me réclamera des dons.

Vicky m'encourage d'ailleurs fortement :

— Vas-y si elle te plait ! En plus, tu fais une bonne action.

Marché conclu ! Je paye et fixe un rendez-vous pour venir récupérer la photo. Je me sens très bien, excitée même.

Il est un peu plus de vingt et une heures quand nous décidons d'aller manger un morceau avec Vicky. J'aurais bien aimé que Damien m'accompagne mais il avait l'air fatigué et un peu de mauvaise humeur donc je n'ai pas insisté.

C'est en sortant de la salle que je remarque une jeune femme que je connais particulièrement bien. Elle est vêtue d'une robe noire assez moulante et de talons hauts, et se trouve vers le buffet. Elle est vraiment sexy. Je fronce les sourcils en découvrant qu'elle est en train de serrer la main du galeriste. Interloquée, je me demande ce que Tam fait là, et pour quelle raison elle ne m'en a pas parlé cette semaine.

Le destin de Kim T3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant