Entre deux mondes

Chapitre 2 : James

Cela fait maintenant cinq jours que mon père nous a fait quitter Ostaria pour protéger notre village et fuir la guerre. Il nous a emmené dans un endroit, une petite ville déserte au bord de ce qui ressemble à une mer, ici la magie n'existe pas, nos ennemis ne peuvent donc pas nous retrouver, on ne risque rien ici. C'est un endroit où la tranquillité règne. En d'autres circonstances, cela aurait été un plaisir de venir s'installer ici pour des vacances, mais je n'arrive à profiter de rien : j'entends encore les cris de mes amis, je vois encore les trolls massacrer mon village sans que nous puissions faire grand-chose. Malgré la paix qu'il semble y avoir ici, mon père refuse de vivre sans magie et souhaite donc la faire venir ici. Il a parlé d'une personne de ce monde qu'il connaît et qui pourrait l'aider, j'ai eu beau lui poser des questions, il ne m'a jamais répondu. Comment pouvait-il connaître une personne de ce monde sans jamais avoir quitté le nôtre ? Comment cette personne pouvait-elle connaître l'existence de la magie et pourrait-elle nous aider ? En ce moment même, pendant que je me pose tant de questions, mon père est dans son bureau au téléphone avec cette fameuse aide extérieure. Je suis derrière la porte et fais les cent pas. Faire revenir la magie dans un monde où elle n'existe pas, c'est... risqué. Et si une fois la magie revenue, nos ennemis nous retrouvèrent ? Comment les vaincre ? Nous sommes encore moins nombreux qu'au début, nous avons subi bien trop de pertes, la victoire n'eut pas été de notre côté. Mon père est peut-être le plus grand sorcier que connaît notre monde, mais la magie a ses limites et même lui ne peut pas les vaincre. Je continue de marcher dans le couloir en face de la porte. Je ne sais pas depuis combien de temps mon père est enfermé là-dedans, mais cela me semble une éternité. La fatigue commence à me gagner, on ne peut pas dire que j'ai beaucoup dormi ces cinq derniers jours, gagné par les cauchemars ou par les flash-back. Je décide alors de m'asseoir sur une chaise, mais je me relève assez vite, ne réussissant pas à rester tranquille. Je tourne en rond encore et encore. Qui sait à qui il parle. Il n'a rien voulu me dire sur cette personne, et si c'était une personne horrible prête à tout pour arriver à ses fins, comme l'était mon père autrefois... L'arrivée de cette personne fait naître en moi des tonnes de questions. Je ne veux pas que mon père sombre à nouveau dans le mal, ou que quelqu'un essaye de nous faire plus de mal à ma famille, à mes amis et à moi... Nous avons déjà tant perdu... Tant de questions passent dans ma tête que je ne fais pas attention à ce qui se passe autour de moi. Lorsque je me retourne pour faire encore un tour de l'autre sens dans le couloir, je tombe nez à nez avec mon père. Il a l'air moins inquiet qu'au début, il a sûrement réussi à convaincre cette personne de venir l'aider, il sait être très convainquant et dans mes souvenirs, il a toujours réussi à avoir ce qu'il voulait. Ce n'est donc plus qu'une question de temps avant que la magie ne refasse son apparition, il faut espérer que cette personne le fasse sans aucune arrière-pensée. Nous avons assez d'ennemis, pas besoin d'en rajouter une à la liste.

La nuit vient de tomber et nous sommes tous réunis à la limite de la ville. Mon père est debout devant tout le monde et fixe la route, il l'attend. Et si elle ne venait pas ? Mon père m'a confié plus tôt dans l'après-midi qu'ils ne s'étaient pas quittés en bon terme. Qui sait pourquoi, il est resté très discret sur la raison de ce malentendu. Encore une fois perdu dans mes pensées, les lumières de phares d'une voiture me sortent de ma torpeur. Mon père se dirige vers le véhicule qui vient de se garer, je les entends.

— Gabriel

C'est une femme et à sa voix, on comprend très bien à quel point elle ne porte pas mon père dans son cœur. D'ailleurs, elle n'attend aucune réponse de sa part et se dirige vers nous, ce qui força mon père à se décaler, mais il ne fut pas plus surpris ou en colère que cela, ce qui est très différent de son comportement habituel. La jeune femme arrive en face de nous, suivie par mon père.

— Voici Mia.

— Jusqu'à présent, je sais me présenter seule, Gabriel. Elle se tourne vers nous en souriant. Enchantée, je suis Mia.