Le voisin

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Dans la nuit noire, le grand et costaud Noël Biggle tentait de se faire... tout petit. Il approchait à pas de loup, se fondant dans les ombres des réverbères faiblement éclairés de Maximus Street. En s'accroupissant derrière les voitures garées, il avançait furtivement, les sens en alerte, chaque bruit de pas qu'il produisait lui semblant amplifié par la quiétude de la rue déserte.

Son cœur battait avec intensité, tambourinant contre sa cage thoracique comme pour l'avertir du danger imminent. Arrivé enfin à destination, il se trouva plaqué contre le SUV dernier cri de son voisin, l'imposante Nautilus 2025. Les lignes de cette maudite voiture brillaient d'une lumière menaçante sous la clarté de la lune.

Levant lentement la tête, il aperçut les silhouettes à l'intérieur du véhicule. Il y avait là Alexandra, sa femme, et Léon, l'infect voisin suave. Ils étaient si proches qu'il pouvait presque sentir le souffle de leurs conversations intimes. La fenêtre était ouverte et Léon parlait, une lueur passionnée dans les yeux :

« La Nautilus 2025, Alexandra, est bien plus qu'une voiture. C'est une bête de puissance, 310 chevaux, et elle est dotée de plein de gadgets géniaux, une machine conçue pour transporter ses passagers d'extase... en extase ! »

Alexandra lui répondit d'une voix douce et langoureuse : « Oui, Léon, la puissance... C'est bien d'avoir de la puissance », répétait-elle, quasiment comme un mantra, ses yeux fixés sur lui avec une adoration malsaine.

Noël sentit une sueur froide perler sur son front, le souffle coupé par l'odieuse scène qui se déroulait sous ses yeux. Il pouvait voir ce salopard de Léon qui, d'un air triomphant, ouvrait lentement sa braguette en disant : « Gadget et puissance... », et puis sa femme qui, sans hésitation, se penchait sur son amant en répétant « Gadget et puissance... ». Il vit les belles lèvres pulpeuses s'entrouvrir, tout en se rapprochant de l'ouverture obscène laissée par braguette de Léon.

Il aurait dû crier, protester, mais aucun son ne parvenait à sortir de sa bouche. Son corps était paralysé d'effroi. En un instant, le dégout et l'horreur venait de l'envahir complètement, et...

Il se réveilla en sursaut ! Trempé de sueur, le cœur battant à tout rompre, il mit du temps à retrouver ses esprits. Salaud, salaud de voisin !

**

Le lendemain...

Noël buvait une bière. En fait, pas seulement une. Il buvait beaucoup en cette fin de samedi après-midi, tandis qu'il observait, depuis le fauteuil de sa terrasse, son voisin accueillir ses premiers invités.

Que s'était-il passé pour qu'on en arrive là ? Lui, Noël, le roi du quartier, la figure imposante, incontournable, presque légendaire de Maximus street, se retrouvait seul, comme un plouc, à boire sa bière. Toute sa cour, ses supporters, ses amis, ses p'tites copines... Tout le monde avait oublié son existence !

Il n'y avait pourtant eu ni crise, ni incident. Il n'avait menacé personne, il n'avait tripoté aucune jeune fille innocente, il n'avait provoqué aucun incident notable. Au contraire, il avait redoublé d'efforts pour séduire lorsque la fréquentation de ses amis s'était mise soudain à diminuer. Il offrait aux visiteurs des bières de meilleure qualité, proposait son fauteuil le plus confortable et donnait quelques tuyaux sportifs.

Mais ce festival de douceur avait été vain... en l'espace de quelques semaines, tout avait changé. Les habitants du quartier, autrefois si proches, s'étaient tous détournés. Leur destination de prédilection était désormais chez son nouveau voisin, Léon. Cet enfoiré de Léon.

Noël finit une autre bière, sa colère sourde empoignant son estomac comme un étau. Il tentait de comprendre le phénomène étrange qui avait réduit à néant son existence sociale.

Le monstreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant