Le Céréale Killer de chez Kellocks

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Les yeux sombres et la mâchoire serrée, Marie Rastignac pressait l'accélérateur de sa Fiat 500 sur la petite route de campagne. Diplômée d'une prestigieuse école internationale de journalisme, la belle jeune femme se considérait bien au-dessus du lot, destinée à intégrer un grand média pour diriger les « gens » ou assurer les reportages de prestige.

Mais les choses ne s'étaient pas passées comme prévu. Elle végétait depuis six mois, travaillant pour une feuille de chou locale, écrivant des articles insignifiants pour un salaire de misère. Aujourd'hui, cerise sur le gâteau, elle devait couvrir l'assemblée générale des « pétanqueurs de Fontaine-sur-Ornain ».

« Club de boules, ragea-t-elle... Mais quelle connerie ! Je sais ce que j'en ferais de leurs putains de boules ! »

De dépit, elle soupira et alluma distraitement la radio. La voix grave du présentateur de Meuse Accordéon résonna, apportant son lot de mauvaises nouvelles matinales :
« Une jeune femme a été retrouvée assassinée dans la forêt de Végace-sur-Ornain. Il s'agit de la troisième victime recensée en trois semaines sur notre territoire. À ce jour, aucune piste sérieuse n'a permis de faire avancer l'enquête, mais la police affirme intensifier ses efforts pour procéder à une arrestation prochaine du criminel. »

Marie sentit son cœur s'accélérer, ses paumes devenant moites sur le volant.

« Mon Dieu, c'est chez nous ! » murmura-t-elle, jetant un coup d'œil inquiet aux abords de la route, vers le sinistre petit bois de Végace.

Une idée fulgurante la traversa alors, embrasant son esprit d'excitation. Elle hésitait pourtant, consciente de l'audace de cette décision.

En arrivant à proximité du bâtiment où se tenait la réunion, elle aperçut le président du club de pétanque qui gérait le parking et lui faisait de grands gestes de la main pour qu'elle se gare. C'est en voyant cet homme jovial et insignifiant qu'elle comprit ce qu'il fallait faire. Ignorant ses signaux, elle effectua un demi-tour audacieux, manqua de l'écraser, ouvrit la fenêtre et lui cria :

« JE VOUS EMMERDE, LES BOULISTES !!! »

**

La porte d'entrée du poste de police municipal était restée ouverte. Pleine de certitude et d'impatience, Marie franchit le hall désert, traversa le petit couloir et s'engagea vaillamment dans la salle de travail. L'oncle René, le chef, et Victor, son jeune adjoint, étaient très concentrés sur leur mission du moment : une partie d'échecs. Ils sursautèrent de panique à l'entrée fracassante de Marie, laissant tomber quelques pièces de l'échiquier.

— Hé, vierge Marie ! Tu nous as fait peur, dit René en récupérant son roi, son cavalier et trois pions. Ça aurait pu être le maire, tu comprends...

— Bonjour, mon oncle ! Alors, ça joue bien ? dit-elle en leur serrant la main.

L'oncle René, un homme d'une cinquantaine d'années, reprit aussitôt son air débonnaire. Il murmura un petit « oui » coupable à la question, puis ajouta avec un petit sourire malicieux :

— Je sais pourquoi tu viens, Marie...

— Tu es devin !

— Oui, je sais... Tu veux des renseignements sur le « céréale killer » !

— Tu veux dire le « serial killer » ! Ça signifie « tueur en série », tu ne savais pas ?

Le chef se tourna vers elle et son sourire s'élargit.

— Tout ça je le sais, Marie ! Mais je parle bien du « céréale killer » ! C'est comme ça qu'ils l'appellent, en off, à la gendarmerie !

Marie le regarda avec intensité en soupesant les mots prononcés. Journalistiquement parlant, ce surnom pourrait être excellent, très porteur pour des accroches d'articles. À condition qu'il y ait une vraie justification à ce surnom fantaisiste...

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 08 ⏰

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