Chapitre 3

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L'air extérieur emplis le coffre et m'assomma avec toutes ses odeurs, mais j'étais si excité ! Câline me l'avait dit, j'allais rencontrer ma nouvelle famille, ma famille pour la vie. Elle ne s'était jamais trompée, alors ce n'était pas le jour de jouer de malchance. L'humain du refuge ouvrit ma boîte et attacha la laisse à mon corps. Je descendis timidement de la rouleuse. La douce sensation de l'herbe fraîche sous mes coussinets me détendit.

L'humain me fit ensuite avancer sur une allée pleine de gravier. Au loin, j'entendais des gémissements et des aboiements qui brisaient le cœur : « Pourquoi m'as-tu abandonné ? » « J'ai mal ! » « Je veux sortir, je veux sortir ! » « On va venir me chercher, vous verrez. Mon maître ne me laissera pas. » « Je ne veux plus de maître » « On est bien mieux ici. »

À ces aboiements de chien se mêlaient des miaulements de chats et de chatons : « Où est-ce que je suis ? » « Maman ? Où es-tu ? » « J'ai perdu un œil. J'ai perdu un œil ! » « Je suis désolé d'avoir fait pipi sur le canapé ! Je le referai plus ».

Toutes ces plaintes me rendaient mal à l'aise. Cet endroit était beau de l'extérieur, les humains qui y étaient, sentaient bon et inspiraient confiance. Mais ce n'était pas un endroit où un chien ou un chat pouvait vivre leur vie. Les animaux empestaient le désespoir. On me fit passer devant des boxes. Chaque passage devant l'un d'entre eux était l'occasion de rencontrer des résidents. Certains étaient gentils : « Bonjour, bienvenue ! », « On va bien s'occuper de toi ici ». D'autres étaient paniqués : « Fais-moi sortir et tu auras ma gamelle de croquette. » « Tu as vu mon maître en arrivant ? Il fait quoi ? Il est revenu me chercher ? ». Et d'autres étaient carrément désagréables : « Encore une autre gueule à nourrir », « Si tu es là, c'est que personne ne t'aime ! », « Tu crèveras ici ! ».

Ceux-là, j'avais bien envie de les mordre. Mais je me retenais, ils n'étaient pas méchants. Juste désespéré. Je fus heureux de savoir qu'ils ne seraient pas mes voisins durant mon court séjour.

En effet, au lieu de me faire rentrer dans un des boxes, je fus emmené dans un parc grillagé. L'herbe à l'intérieur était verte et l'espace était grand. Lorsqu'il me relâcha à l'intérieur, je me mis à courir. Après les heures en rouleuse, mes pattes s'étaient engourdies et j'avais besoin d'évacuer le stress. Je courrais dans tous les sens, m'imaginant des courses et battant mon record de vitesse. Parfois, je rencontrai des obstacles et je m'empressais de sauter par-dessus. C'était si amusant !

La nuit tomba vite, et je me trouvai un petit coin pour dormir. J'en étais certain, demain ma famille viendrait me chercher.

Lorsque le soleil étira ses rayons sur le refuge, j'étais déjà réveillé et près à faire bonne impression. Dans ma tête, je révisais les mots humains que j'avais appris pour pouvoir impressionner mon nouveau maître ou ma nouvelle maîtresse. La matinée passa et personne n'était venu. Ce n'est pas grave, ce n'était pas des lève-tôt. En revanche, je ne pus m'empêcher de taper de la queue lorsque le soleil du milieu d'après-midi me nargua. « Qu'est-ce qu'il fiche, nom d'un chat ! » Les paroles de l'autre chien me revinrent alors en tête : « Tu crèveras ici ! » Je m'ébrouai pour chasser cette idée et me mis à faire les cent pas.

Alors que j'avais presque perdu espoir, des voix humaines se firent entendre. Je me retournai donc pour voir si c'était pour moi et, en effet, deux humains se dirigeaient vers mon parc. Il parlait tranquillement sans se presser. Au-delà, du fait que je m'étonnais toujours de voir des humains se comprendre alors qu'ils n'articulaient pas, je m'énervai de savoir qu'ils n'étaient pas pressé. L'humain du refuge ouvra la porte et l'humain inconnu rentra. C'était un mâle. J'avais tellement envie de lui foncer dessus et de lui lécher le visage ! Mais Câline m'avait prévenu : « Un chien bien éduqué sait se tenir. » Alors je restais assis, attendant un signal. L'inconnu dit quelque chose à l'humain du refuge qui lui répondit en souriant. Qu'est-ce qui était si drôle ? Avais-je fait quelque chose de ridicule ? L'inconnu se rapprocha et s'accroupit devant moi. Il semblait serein et avait une odeur que je ne reconnaissais pas. Il me tendit alors le plat de sa patte et attendit. « Qu'est-ce qu'il fiche ? » Ai-je pensé. Il est muet ? Pourquoi ne me disait-il rien ? Oh, je ne me sentais pas préparé du tout. Est-ce que je dois la lécher ? Posait ma tête dessus ? Ne rien faire ? Après un instant de réflexion, je me décidai à poser ma patte dessus. Il referma alors la sienne et commença à la remuer. Avec son autre patte, il me caressa la tête. Il ferma les yeux et sourit en me disant quelque chose. Le seul mot que je compris, c'était « Fred ». Mmmh, connais pas ce mot. Je regardai son visage et il avait l'air ridicule avec cette expression. Je savais que je devais réagir, mais comment ? Je commençais à avoir chaud à cause du stress et je me mis à allaiter en sortant la langue. Ça le rendit plus heureux encore, et il me lâcha alors la patte. « Il ne leur en fallait pas beaucoup quand même », pensais-je. Soudain, l'inconnu me dit « couché ! » Enfin un mot que je connaissais !

Bon chien !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant