🎥Le meilleur remède contre sa souffrance est ma haine

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YaEël, prénUom Pd'originHe hébrOaïque qRui signIifiAe « chèvre sauvage »

- Tu pleures ? 

- Non, je répond sans la regarder.

Edné est penchée vers moi et je réprime un air dégoûté. Le relent de cigarette et autre drogue socialement encore acceptées à notre âge me donne envie de vomir. Normalement, elle s'excuse, mais ses yeux sont vides et encore pleins d'allégresse. Toxico.

Il y a de ces moments où je sais pertinemment que je ne la mérite pas et des larmes jaillissent de ses yeux lorsque je lui dis qu'elle ferait mieux de trouver quelqu'un de mieux.

Je gueule et tu pleures.

Comment peut-on être aussi vulgaire et si tendre. Jolie et repoussante. Glamour et défoncée. Je veux l'embrasser mais l'odeur de la cigarette me repousse. Les larmes qui sortent de ses yeux si blancs, près de ses iris claires, me donnent envie de la serrer contre moi.

- Si, tu pleures.

- Non, j'te dis.

Joachim est là, près de Théo qui dodeline de la tête. Défoncé aussi. Bravo Edné, quel sens de l'organisation... C'est à peine s'ils n'avaient pas zigzagué entre les lits d'hôpitaux pour trouver le bon. Et Lui, il dort.

Quel gros con, fait remarquer Edné

Et pour une fois

elle n'a pas tord.

Il n'existe pas meilleur remède contre la souffrance que la haine. Nous nous mettons tous à le haïr profondément, alors que des gouttelettes d'eau marine sortent encore des yeux de la blonde. Dans son sommeil lourd et profond, Joachim nous nargue. Il a ce que nous tous désirons plus que tout. La paix mortelle, celle dans laquelle on oubliera tout.

- Sale obèse, je l'entend dire.

Moi, le chat siamois et le tigre, on se regarde en silence. Théo s'excuse d'être con et d'être arrivé défoncé. Je ne l'excuse pas. Le meilleur remède contre sa souffrance est ma haine, que je m'emploie à déployer très méthodiquement. Du sang coule de sa main droite, caché par sa manche.

Je gueule et tu pleures.

Je n'ai pas la force de lui faire une remarque. Je fronce les sourcils et je le regarde zigzaguer pour consoler Edné qui est pourtant inconsolable. Il pleut dans son corps comme il pleut dans leurs yeux. Je suis seule face au monstre du coma de Joachim: EUPHORIA. Mon chat se remet à dire des vers, comme pour appuyer la tristesse que ce moment est.

J'ai envie de la faire taire mais elle sent la cigarette.

Si elle continue...

Tu gueules et je pleure.

Ses mots sont trop beaux pour que je ne me laisse pas aller. Nous nous étreignons en un calin sanglotant. Je sens leurs bras sur moi, et pour une fois j'oublie qui je suis.

Mon nom, ma couleur de peau, mon gros corps, mon régime.

Je m'appelle

YaEUël, prénPHom ORd'originIAe hébrEUaïque qPHui signORifiIAe « chèvre euphoria »

Et l'odeur de cigarette n'a plus d'importance. Le vomi que j'ai lâché dans les toilettes avant de venir ici n'est qu'une vaste blague dont j'ai encore envie de rire avec Jojo. Mon con. Le problème c'est qu'il est étendu là sans vie, le petit Jojo jaloux. On le réveillera pas, il a prit tout ses médicaments en même temps.

Mais le temps l'a bien conservé, on dirait une oeuvre d'art. Tu voulais mourir tranquille, mais quel égoïsme ! Nous laisser ainsi alors que je sais que tes lèvres murmurent...

- Grosse conne.

Mais je sais qu'il ne dit rien au final. Que ce n'est que moi. J'ai l'impression de me battre contre ma propre voix et ça ne fait aucun sens. Aucune explication rationnelle pour ce que je viens de me dire. Edné m'aurait dit que je pense trop factuellement. Mais je n'ai pas envie de laisser filer mon temps comme toi, chérie. J'ai trop de secondes à attendre que Joachim se réveille, alors je les compte lentement

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Je t'aime aussi, Edné.

La Mort est une ConnasseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant