Jamais elle n'avait couru aussi vite de sa vie. Elle à qui on avait appris la patience, le respect et la droiture, voilà qu'elle bafouait toutes les règles pour - ironiquement - ramener de l'ordre dans le cataclysme qu'elle avait provoqué à La Sainte Lofia. Son corps failli percuter le mur en pierre sombre quand elle tourna dans un couloir et ses pieds manquèrent de s'emmêler dans les jupons de sa robe bleu nuit et le bruit de son déséquilibre résonna autour d'elle.
- Père de tous, faite qu'elle n'ait rien fait de grave ! pria-t-elle dans sa tête en boucle en serrant fortement son chapelet dans la paume de sa main droite.
Plus elle se rapprochait du lieu qu'elle souhaitait rejoindre et plus un boucan impressionnant se faisait entendre. Face à une grande double-porte en bois sombre et ancien se trouvait un groupe de sœurs murmurant leurs inquiétudes en la fixant, hésitant franchement à pénétrer la pièce et affronter ce qu'il s'y cache. Quand elles l'entendirent arriver, elles se tournèrent derechef et lui lancèrent un regard noir. Oui, après tout c'était de sa faute. Jamais elle n'aurait dû recueillir ce démon dans l'espoir de le sauver.
Non, elle ne regrettait pas ! Elle ne regretterait pas ! C'était une mission confiée par Dieu et elle allait réussir, coûte que coûte, peu importe ce qu'en pensait ses sœurs.
Ses pas se firent moins rapides mais plus sûr, son menton se tint le plus droit et fièrement possible tout en adoptant une attitude la plus calme possible. Mais on pouvait voir au haut de son voile qu'elle transpirait à cause du stress.Les sœurs s'écartèrent à son passage et elle atteignit la porte en quelques enjambées. Elle s'y arrêta, ignorant les messes basses des femmes pour se concentrer sur les battements frénétiques de son cœur. Dans ses pensées, elle murmura une prière au Seigneur pour lui accorder la force et la patience d'affronter la situation. Les pulsations finirent par se calmer, contrairement aux événements qui se déroulaient de l'autre côté de la double-porte.
Elle posa ses mains sur les énormes poignets en métaux et tourna légèrement la tête vers le groupe de sœur.
- Quoi que vous entendiez, n'entrez pas, les prévint-elle en essayant de paraître sévère.
Elles hochèrent la tête derechef. De toute façon, elles ne comptaient pas se mêler de cette histoire. C'était Anne qui avait été maudite par le Démon, aucune raison qu'elles soient un dommage collatéral.
Ignorant définitivement ses sœurs, Anne inspira un bon coup, poussa la porte légèrement pour y entrer et ferma derrière elle.
Les autres, qui restèrent de l'autre côté, eurent tout juste le temps de voir une chose sombre volée à travers la pièce avant que les portes de se ferment d'un bruit sourd.
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Hélène de Lofia : Ou l'enfer chez les Sœurs
HumorAnne, une jeune sœur du couvent La Sainte Lofia, découvre un matin un nourrisson abandonné sur le parvis de la bâtisse, sans même une lettre ou un effet personnel appartenant à un parent potentiel. Elle prend ceci pour une mission divine et décide d...