22 - Where ?

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Ulysse




L'écran se teint soudain en noir, et la vidéo en direct d'Oria disparaît. Je suis paralysé, putain. Je ne comprends pas ce qui l'a poussé à faire cela. Il est évidemment logique, je me doute qu'elle vit actuellement une période douloureuse de son existence, mais je ne me serais jamais dit que c'était à ce point-là. Je suis en colère. Depuis toutes ces histoires et la rupture, j'avais et ressentais le besoin d'être invisible, que personne ne fasse attention à moi. Or, maintenant, notre histoire et moi allons devenir la nouvelle bête de foire du campus. C'est facile pour elle, qui vient à peine en cours et fuit tout depuis la soirée du feu de camp. Moi, je suis là, je continue de vivre et de me battre, je donne mon maximum pour ne pas sombrer avec ses conneries absurdes. Une partie de moi est triste de la voir à l'écran, bouleversée, sans pouvoir être là pour elle ni même la toucher.

Malheureusement, Oria a fait ses choix, seule, comme une grande, alors pourquoi suis-je toujours obligé de ressentir de la peine pour elle ? Mes sentiments sont toujours là, aussi forts qu'avant, et c'est bien ça le problème.

Ce matin, beaucoup d'étudiants m'ont dévisagé sans oser venir me voir. J'ai l'impression d'être le centre de l'attention, et je déteste ça, plus que tout. Je n'ai toujours pas croisé Elias depuis notre appel. Je n'ose même pas essayer de le contacter, par peur qu'Oria soit avec lui. Je n'ai clairement pas la force de lui faire face, c'est beaucoup trop tôt, surtout depuis sa vidéo publiée hier soir. En marchant dans les couloirs, je suis tétanisé quand j'entends un nombre incalculable de téléphones émettre le son de la voix d'Oria. Tout le campus regarde le replay de son live. Bordel, il faut que je parte d'ici avant d'être pris de panique.

Je fonce tête baissée, sans même calculer les personnes passant devant moi. J'ai l'air d'un fou, mais j'en ai rien à foutre. Cette école me fait suffoquer, il faut que je respire et vite.

— Putain, mais tu peux pas regarder où tu vas ? me dit une voix déjà lointaine, au vu de la vitesse à laquelle je marche.

Je n'ai même pas assez d'oxygène pour m'excuser ou faire demi-tour. Merde, que m'arrive-t-il ? Le couloir semble se refermer autour de moi, mon cœur tambourine si fort que j'ai l'impression qu'il va exploser. Mes jambes avancent d'elles-mêmes, à une vitesse qui frôle la panique, tandis que mon esprit est englouti dans une vague d'angoisse. Les murs se pressent sur moi, mes mains tremblent et je lutte pour reprendre mon souffle.

Je tourne brusquement au coin du couloir et percute quelqu'un de plein fouet. Merde, c'est Eve. Elle vacille et tombe lourdement sur le sol, ses livres s'éparpillant tout autour d'elle. Je m'immobilise, horrifié par ce que je viens de faire.

— Eve, je crie, les yeux sortant presque de leurs orbites. Je suis désolé ! Je ne t'avais pas vue, ça va ? je demande en m'approchant d'elle un peu plus.

Je m'agenouille rapidement à côté d'elle pour l'aider à se relever. Mais alors que je lui tends ma main, mes yeux se posent sur ses avant-bras, marqués par de nombreux bleus. Le temps semble suspendu un instant, mes doigts s'arrêtent à quelques centimètres de sa peau. Mon souffle court se bloque dans la gorge.

— Qu'est-ce qu'il t'est arrivé, Eve ? je murmure, déconcerté au maximum.

Les hématomes me heurtent en plein visage, ajoutant à mon désarroi. Eve détourne les yeux, semblant soudain vouloir disparaître dans le sol. Ma propre crise de panique semble s'estomper face à cette réalité, Eve est en danger, et je pourrais parier que Carter est l'auteur de ces horribles choses recouvrant son corps.

— Eve, j'insiste une fois de plus. Parle-moi, s'il te plaît.

Elle reste toujours silencieuse, les lèvres serrées, comme si elle se débattait avec ses propres pensées. Mon cœur, qui battait si fort il y a un instant, semble maintenant suspendu, en attente de ses mots ou en l'absence de ceux-ci.

Heart campus Où les histoires vivent. Découvrez maintenant