Vorsem tome 5 - Le savoir et le pouvoir

XIII

Les bars et les tavernes n'étaient pas vraiment les établissements qu'Alaron connaissait le mieux. Il ne pouvait pas prétendre connaitre leur clientèle habituelle. Mais il était tout de même persuadé que la personne se trouvant en face de lui en cet instant n'avait rien à faire là.

— Je ne m'attendais pas à vous trouver ici altesse et si je puis me permettre, ce n'est pas vraiment un endroit approprié pour une personne de votre rang.

— Vraiment ? J'ignorais qu'une telle loi existait dans ce royaume, fit la princesse Anesteria d'un ton moqueur.

Alaron se renfrogna mais il évita de rentrer dans son jeu. Il n'était vraiment pas convaincu d'avoir la patience pour ça. Malheureusement pour lui, la capricieuse princesse ne semblait pas décidée à le laisser tranquille. Elle prit place à côté de lui sans s'encombrer de lui demander la permission, puis commanda elle aussi quelque chose au tavernier. L'aisance avec laquelle elle fit tout ça donnait vraiment l'impression qu'elle était une habituée des lieux, ce qui n'était même pas une hypothèse improbable en réalité. Capitulant, le jeune homme se décida à lui adresser la parole, estimant que si l'alcool ne pouvait pas lui embrumer l'esprit, une conversation saurait au moins lui faire oublier ses idées noires.

— Vous avez vraiment le chic pour toujours être là où on ne vous attend pas princesse, dit-il finalement. Il y a une raison particulière qui vous amène ici ?

— Décidément, tu m'impressionnes, répondit la jeune femme après avoir avalé une gorgée de sa propre choppe. J'ai une vague idée de la quantité que tu as bue jusqu'ici et pourtant tu n'as pas l'air affecté du tout. Tu tiens sacrément bien l'alcool.

— Il faut croire, c'est la première fois que j'essaye ça depuis longtemps.

— Et ça a l'air de particulièrement te décevoir. Qu'est-ce qui a bien pu t'arriver pour que tu veuilles boire juste pour te souler ?

— Je doute que mes soucis soient d'un grand intérêt altesse et je me vois mal me confier à vous de la sorte.

— Oh par pitié, tu ne veux pas oublier, au moins pour un temps, ce stupide protocole ? Dit la princesse d'un air excédé. C'est moi qui te demande de me parler, tu penses vraiment que je ferais ça par pure politesse ?

— Navré, c'est juste que je n'ai vraiment pas l'habitude de cette manière de faire. Ce n'est pas normal pour moi d'échanger aussi légèrement avec un membre de la royauté. Sur ce point-là, votre pays et le mien sont bien différents.

— Ce qui est une des raisons pour lesquels tu nous méprises, n'est-ce pas.

La main d'Alaron, qui était en train de se diriger vers sa choppe, se figea à mi-parcours. Le jeune homme sentit la surprise faire rapidement place à la honte alors qu'il ramenait son bras vers lui.

— On dirait que je n'ai pas réussi à le cacher aussi bien que je l'espérais, dit-il maussade.

— Oh ne t'inquiète pas, je ne pense pas que beaucoup d'autre que moi s'en soit rendu compte. Mon peuple est reconnaissant pour les efforts que tu fais, peu d'entre eux ont été capable de voir que tu le faisais à contrecœur.

— Je suis surpris que vous ayez continué à vouloir me parler après avoir découvert cela.

— C'est vrai que ça peut paraitre étonnant, mais vois-tu, tu m'intriguais.

— C'est-à-dire ?

— Comme je te l'ai déjà dit, tu n'es vraiment pas quelqu'un de doué pour mentir.

— Vous n'êtes pas la première à m'en faire la remarque. Avoua le jeune homme un peu agacé.

— Pourtant, reprit la princesse, tu as pu accomplir ton devoir auprès de mon peuple sans jamais te plaindre ni même faire montre de la moindre animosité envers eux. A tel point que, comme je l'ai dit, la majorité d'entre eux ne se sont jamais rendu compte de rien et t'apprécient sincèrement. Je ne peux m'empêcher de me demander alors, pour quelle raison as-tu fait l'effort de dissimuler ce que tu ressentais ? Par simple sens du devoir ? Ou y avait-il autre chose ?