J
'essaie de retenir mes larmes. Je suis dans la cour des invalides. Des centaines de militaires et de journalistes sont réunis ici. Il fait froid, pour une journée d'été. Nous sommes tous réunis ici pour commémorer la mort de Raphaël. Mort, à cause de moi, mais ça personne ne le saura jamais. Je ne pourrais jamais l'oublier. Des gendarmes en uniforme de cérémonie marchent lentement au pas, en portant le cercueil de Raphaël sur leurs épaules. Un cercueil en bois, recouvert d'un grand drapeau français. Et c'est parce qu'il était là, un jour au mauvais endroit. Je détourne le regard lentement à ma droite. Alexandre ne bouge pas. Il reste droit comme un I. Son visage est décomposé. Il est froid. Son regard est rempli de colère et de tristesse. C'était son ami. Comme un petit frère, me disait-il souvent. Les militaires reposent le cercueil sur des petits pilotis en bois au milieu de la cour. La musique militaire se lance. J'entends un gendarme crier.
- Pour l'ensemble, à mon commandement, garde à vous !
Je sursaute en entendant les chaussures des militaires claquer. Une larme coule sur le long de ma joue. Mon père, étant ministre de l'intérieur, s'avance devant le cercueil, un peu en amont, où se trouve un micro. Il prend la parole d'une voix solennelle.
- La France a perdu un de ses fils. Et nous, nous perdons un de nos frères. C'est toujours très douloureux. Raphaël Nera, brigadier-chef au sein de la Gendarmerie Nationale, est décédé dans l'exercice de ses fonctions il y'a deux jours. Engagé à dix-sept ans, Raphaël était aimé de ses camarades. Toujours serviable, toujours prêt à aider son prochain. C'est comme ça que ses proches, ses camarades, et sa hiérarchie le voyaient. Officiers, sous-officiers, soldats, marins, aviateurs, gendarmes. Mesdames et messieurs, la liberté à souvent, hélas, le goût du sang versé. Sa mission était un succès, mais notre gendarme n'est plus. Il est mort, en héros, pour la France. Mort en héros, parce que pour lui, rien n'est plus important que la mission, rien de plus précieux que la vie de son prochain. N'oubliez pas. Celui qui meurt en fonction, dans l'accomplissement de son devoir, n'a pas seulement accompli son devoir. Il a rempli sa destinée. Ce n'est pas un sacrifice. C'est le sens même de l'engagement. Par votre mort, vous entrez dans l'éclatante histoire de notre pays.
Brigadier-Chef Nera, au nom de la République française, nous vous faisons chevalier de la légion d'honneur.
Il s'avance alors vers le cercueil, dépose la médaille sur le drapeau, et fait demi-tour. Je peux jurer entendre les pleures de la famille d'ici. Le ministre s'avance vers la famille et sert la femme de Raphaël dans ses bras. La femme dont Raphaël m'avait parlé. Celle qu'il aimait temps. La douleur est perceptible dans son regard. Un militaire approche de la famille un micro pour que la femme puisse s'exprimer. On entend alors sa détresse. Elle prend un instant avant de parler.
- C'est notre héros... C'est notre héros mais on ne pense pas à voir son homme à 19 ans à la télé, parce qu'il est mort pour la France. Je me sens morte. J'ai perdu l'homme de ma vie. J'ai perdu l'homme parfait. J'attendrai un enfant de lui, je voulais lui annoncer sa prochaine permission. Ça me tue qu'il n'ai pas eu le temps d'être papa. Quand il est parti pour sa mission, il m'a dit qu'il reviendrait, sauf qu'il reviendra pas, il ne reviendra plus. Je me sens morte. Quand mon enfant va naître, je vais devoir lui dire que son papa est mort. Que papa est mort pour son pays.Elle s'effondre au sol en pleurant mais un gendarme et mon père la retiennent. Je vois qu'Alexandre quitte la foule. Il est censé toujours veiller sur moi, sauf que là c'est différent. Je comprends. C'est ma faute. Je le suis jusqu'au parking privé réservé aux militaires. Il est accroupi entre deux voitures en pleurs. J'avance vers lui, et me mets à sa hauteur. Je ne sais pas ce qui me prend, mais je le prends dans mes bras et le serre fort. Il pleure, comme un enfant, mais je comprends, je ne le juge pas. Il vient de perdre un ami, il vient de perdre un frère.
- Je suis désolé pour... C'est ma faute s'il est mort. Je sais que tu tenais beaucoup à lui. Je ne pourrai jamais me le pardonner. C'était un homme bien.
- Tu ne sais rien de lui ! Tu n'as pas le droit de parler de lui ! C'était comme mon petit frère ! On se faisait tirer dessus, on ne savait pas d'où ça venait. C'est de ma faute, il a pris cette balle car il avait vu le tireur. Il se l'est prise pour toi putain ! J'aurai dû le voir avant lui et lui prendre cette balle. La prendre avant lui ! Je l'ai embrassé, je l'ai serré dans mes bras. J'ai essayé de lui dire que ça allait, que ça n'allait pas mal finir, mais je savais au fond de moi. Putain je savais qu'il allait mourir dans mes bras. Il était trop jeune putain ! Il allait être papa.Il n'arrive plus à se contrôler. Il pleure toute ses larmes, son corps est chaud, ses yeux sont gonflés, ses joues sont brûlantes.
- Ce n'est ni toi, ni lui qui aurait dû prendre cette balle. C'est moi. Moi qui vous avait amené ici. Moi qui n'ai pas voulu rentrer, moi qui suis une peste, moi qui vous détestent, vous et toute la police à cause d'un connard qui..Je n'arrive pas à continuer ma phrase. Il relève la tête et jette son regard dans le mien. Je ne pourrai pas dire à ce moment ce qu'il essaie de me dire. Son regard bleu profond, gonflé par les pleurs, gonflé par la haine, gonflé par la tristesse me détruit. Je prends ses joues dans mes mains, lui dit d'une voix douce que ça va aller, puis dépose mes lèvres sur les siennes. Je ne sais pas pourquoi je fais ça, surtout à un tel moment, et il va sûrement me repousser. Mais il n'en fait rien. Notre baiser devient de plus en plus charnel. Mais ce baiser est lié à la tristesse, lié à la haine. Non je ne peux pas putain, mais qu'est ce que je fais ! Je retire mes lèvres, les larmes commencent à couler, puis je pars en courant.
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Mon militaire
RomanceÀ seulement 18 ans, Clara est une autrice de renommée en France. Fille d'un grand politicien français et d'une grande avocate, elle n'a jamais vraiment aimé parler de sa famille. Elle, ce qu'elle aimait, c'est écrire. Écrire de la romance, écrire de...